Au fil des jours
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Publication : novembre 2012
Mise en ligne : 4 février 2013
L’allocation universelle
Nous en avons déjà beaucoup parlé dans ces colonnes, en attirant l’attention des lecteurs sur le fait que sous cette dénomination ou sous des appellations semblables [1] se cachent des propositions bien différentes. Parmi elles, celle défendue par la branche espagnole de BIEN sous le nom de « renta basica » (=revenu de base) paraît la plus intéréssante [2] .
L’instauration d’un revenu de base universel figure aujourd’hui dans les programmes électoraux de plusieurs partis espagnols, moins rigides (c’est le moins que l’on puisse dire) que les partis politiques ou milieux de gauche français.
C’est notamment le cas pour les élections régionales de Galice et du Pays basque qui viennent d’avoir lieu le 21 octobre.
En Galice, c’est Anova, la coalition nationaliste de gauche, qui avait mis le revenu de base dans ses propositions et, bien que le Parti Populaire (droite) y reste encore largement majoritaire, elle a réussi sa percée en obtenant 8 députés au Parlement régional. Au Pays basque, c’est Euskal Herria Bildu (la coalition basque indépendantiste) et Equo (un tout nouveau parti né l’an dernier de la fusion de 35 mouvements écologistes), qui proposaient cette renta basica. EH Bildu a obtenu la seconde place aux élections (derrière le parti nationaliste, PNV : ils ont recueilli ensemble les deux tiers des sièges).
Si les promesses n’engagent pas que ceux qui y croient, on peut imaginer que ce sont les Basques qui vont être les premiers à bénéficier d’un revenu de base…
En attendant, on peut déjà noter que ces élections ont constitué une véritable déroute pour le PSOE (parti socialiste ouvrier espagnol) qui, par rapport aux élections de 2009, a perdu un tiers de ses voix au Pays basque (soit 110.000 électeurs) et 40% de ses voix en Galice (soit 230.000 électeurs). Peut-être faudrait-il qu’il mette, lui aussi, à son programme l’instauration d’une allocation universelle pour qu’il retrouve le soutien des populations…
Un chômage croissant
Il n’y a pas qu’en France que le chômage augmente. Selon l’office des statistiques de l’Union européenne, Eurostat, dans les 17 pays de l’Euroland, le taux de chômage [3] corrigé des variations saisonnières s’est élevé à 11,5% en août 2012, et à 11,6% en septembre tandis que dans l’UE (27 pays), le taux de chômage s’est établi à 10,6% en septembre, stable par rapport à août. Dans les deux zones, les taux ont augmenté de façon significative depuis septembre 2011, où ils étaient respectivement de 10,3% et 9,8%.
D’après les estimations d’Eurostat, 25,751 millions d’hommes et de femmes étaient au chômage en septembre 2012, dont 18,490 millions dans la zone euro. Par rapport à août dernier, le nombre de chômeurs aurait augmenté de 169.000 dans l’UE et de 146.000 dans la zone euro.
En ce qui concerne les jeunes de moins de 25 ans, en septembre 2012, 5,520 millions étaient au chômage dans l’UE (soit 22,8 %), dont 3,493 millions (soit 23,3%) dans la seule zone euro. Ces taux, un an plus tôt, étaient respectivement de 21,7% et de 21,0%.
L’Islande, laboratoire de la démocratie ?
Dans la GR1131 (mai dernier), nous avions raconté comment le peuple islandais avait mis en échec la coalition gouvernementale au pouvoir, jugée responsable de la crise financière du pays ; il avait obtenu, à la suite de deux référendums, que le pays n’éponge pas avec des fonds publics les dettes des banques privées. Après avoir élu en 2009 un gouvernement de centre gauche, les Islandais se sont prononcés par référendum le 21 octobre dernier sur un projet de nouvelle constitution comportant six questions. Ils l’ont adopté à la majorité de 2/3 des voix, mais avec un taux de participation de 48,9%. A priori, cette faiblesse du taux de participation est plutôt étonnante, compte tenu de la manière dont le projet avait été préparé pendant deux ans : en effet, pendant toute une journée, le 6 novembre 2010, s’était tenu un forum réunissant 950 citoyens tirés au sort, qui, par tables de 10, avaient dressé les “valeurs fondamentales” de l’Islande. Puis, à la fin de ce même mois de novembre 2010, 25 citoyens avaient été élus (parmi 522 candidats) pour former une assemblée constituante qui, à titre consultatif [4], avait poursuivi son travail en prenant l’avis des citoyens par Internet.
Quoi qu’il en soit, pour être définitivement adopté, un texte constitutionnel doit être voté deux fois : d’abord par le Parlement actuel, ensuite, par le Parlement issu de la prochaine élection législative, prévue en avril 2013.
Si, comme l’annoncent aujourd’hui les sondages, les Islandais envoient alors au Parlement une majorité conservatrice, la droite aura réussi à annuler référendum et texte constitutionnel, parce que ce bel effort n’aura été soutenu que par une minorité de défenseurs de la démocratie.
Ayraultport et concertation
Et en France, où en est la démocratie ??
C’est tout le contraire de la politique de concertation promise qui se manifeste à propos de “l’Ayraultport”. Depuis 40 ans, le projet d’un aéroport dans la commune de Notre-Dame-des-Landes, est contesté pour une foule de bonnes raisons : son utilité : ce marché profitera évidemment à la multinationale Vinci et à ses filières, et il servira à développer les vols low cost dont on sait les pratiques sociales ; le choix de son emplacement, qui impose la destruction de 2.000 hectares de terres agricoles et de bocages, donc des cultures maraîchères qui y sont aujourd’hui produites ; ses coûts, coûts humains d’abord, des centaines d’habitants vont en être expulsés, et enfin coût financier, déjà estimé à plusieurs centaines de millions d’euros.
Le 25 octobre, des représentants de la Confédération paysanne, d’Attac France, de Greenpeace France, des Amis de la Terre, de Solidaires, de Paysages de France, du Droit au Logement, de Générations Futures,de la Fédération Nationale des d’Usagers des Transports, d’Agir pour l’Environnement, du Réseau Action Climat France, et de nombreux simples “citoyens” se sont réunis pour exprimer, ensemble et pacifiquement, les raisons de leur opposition à ce projet. La réaction a été un déploiement de force brutal, des centaines de gendarmes sont maintenant sur place pour aider Vinci à expulser les habitants et raser leur terrain, afin que puissent agir ses bétonneuses.
Prix Nobel de quelle paix ?
Comment a-t-on pu choisir l’UE comme lauréat de ce prix Nobel ? Parce que le prétexte avancé par les fondateurs de cette “Union” était d’abolir les frontières, donc les guerres entre les pays qui la constituent ? En fait, la guerre économique y est maintenant permanente ! Les peuples auraient sans doute su instaurer une véritable solidarité entre eux, donc la paix, mais si cette Union n’avait pas été construite en vue d’autres intérêts que les leurs. Et quand la Grèce a eu besoin d’aide, les gouvernements ne sont tombés d’accord que pour sauver leurs banques et serrer la ceinture aux peuples. Comme le déclare Attac, c’est un prix Nobel de l’austérité qu’il fallait remettre à cette Europe !
La dette
Car s’il est un sujet qui fait l’unanimité de nos gouvernements, c’est qu’il faut satisfaire les marchés financiers et pour cela réduire les dépenses sociales et aider les entreprises à être compétitives, (ce qui signifie diminuer autant que possible leurs cotisations sociales, qu’on appelle maintenant, et à dessein, des “coûts”), afin de verser une rente aux “investisseurs” sous prétexte que nous avons tous une énorme “dette” envers eux. Mais d’où sort cette dette et peut-on exiger des contribuables qu’ils la paient ?
Pour qu’ils acceptent austérité, inégalités et autres injustices, les responsables politiques et médias officiels s’efforcent de faire croire que la situation actuelle de l’économie est une fatalité. C’est faux, c’est un choix…qui a été fait par une très petite minorité.
[1] L‘allocation universelle, GR 1097, avril 2009.
[2] Un programme pour la gauche ?, GR 1116, janvier 2011.
[3] Ces taux sont basés sur les définitions recommandées par l’OIT (l’Organisation internationale du travail).
[4] Election invalidée par la Cour Suprême pour des raisons techniques.