Soyons optimistes…
Édito du Monde daté du 1er octobre : « Face à la crise de l’euro, le bon choix de Berlin ». Tout ça pour nous dire, une fois de plus, que la crise de l’euro est en voie de solution parce que le Bundestag a voté presque à l’unanimité l’extension du fonds européen de stabilité financière qui pourra être doté de 440 milliards d’euros : « première bonne nouvelle depuis longtemps dans l’interminable crise que traverse l’union monétaire européenne du fait de l’insondable irresponsabilité d’un de ses membres, la Grèce ». À croire que l’éditorialiste ignore comment la banque Goldmann Sachs a aidé la Grèce a truquer son budget afin de remplir les conditions d’entrée dans l’euroland, et qu’il ne sait pas pourquoi le gouvernement grec, pourtant surveillé de près par la “Troïka”, n’a pas, dans son rigoureux programme de “redressement”, touché à son programme d’achat massif d’armements… à la France et à l’Allemagne. Ah ! ces bons Allemands, se réjouit l’éditorialiste : « Situation quasi unique dans l’eurozone qui voit une majorité d’élus prendre le risque de l’impopularité » car « à en croire les sondages, plus de 70% des Allemands rechignent à aider la Grèce » !
Un bémol quand même sur la fin : « La bataille n’est pas gagnée. il faudra d’autres votes pour sauver la Grèce, et enrayer les effets de contagion. Tant que les marchés ne seront pas convaincus, ils continueront leur travail de sape. Mais la détermination affichée à Berlin est indispensable pour que les dits marchés soient finalement remis à leur place ». Une telle foi ou un tel aveuglement laisse pantois ! Le lendemain le CAC 40 perdait 1,51 % et le Dow Jones 2,16%. Apparemment, les marchés ne sont pas encore rassurés !
Au tour de la Belgique ?
Après la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie, la Belgique serait, selon le FMI, en train de devenir un nouveau pays « à risque » [1]. À ses principaux points faibles considérés jusqu’ici (vide politique et dette égale à 98% du produit intérieur brut), le FMI vient maintenant d’ajouter la situation de ses banques… dont aucune n’a pourtant échoué aux fameux tests de résistance organisés en juillet dernier ! Qui plus est, en avril, le FMI lui même leur avait délivré des “bons points” : leur capital est généralement élevé et leurs pertes sur prêts sont faibles. Que s’est-il donc passé ? Faut-il les recapitaliser ? En fait l’inquiétude vient de la forte baisse des indices boursiers de ces dernières semaines. Le cas le plus crucial semble être celui de Dexia, la banque franco-belge des collectivités locales. qui présente un niveau d’exposition élevé à la dette grecque. C’est pourquoi le gouvernement fédéral belge, qui expédie les affaires courantes, vient de faire appel à la banque d’affaires suisses UBS pour reprendre les stress tests afin de mesurer à nouveau la solidité du secteur bancaire. Nous voilà rassurés !!
Retour au point de départ ?
Comme on le sait, Dexia a largement pourvu en prêts toxiques de nombreuses communes françaises qui se trouvent maintenant dans une situation critique pour rembourser leurs emprunts. Ce qui vient de donner en haut lieu l’idée de créer une banque publique spécialisée dans les collectivités locales pour sortir de l’impasse dans laquelle les a enfoncées Dexia. On pourrait même l’appeler… Crédit local de France (CLF), comme l’explique Stéphane Lauer dans sa chronique Pertes et profits intitulée « Retour vers le futur » [2] : « Aussi incroyable que cela puisse paraître, un peu moins de quinze ans après sa disparition, notre vieux CLF, qui n’était pas assez gros, pas assez européen, bref pas assez moderne, pourrait renaître de ses cendres. Un schéma serait actuellement à l’étude pour que la banque postale et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) reprennent les 80 milliards de crédits accordés par Dexia aux régions, départements et communes ». On pourrait ainsi alléger le bilan de Dexia et fournir à nouveau des crédits aux collectivités locales recherchant des financements. Lauer nous explique comment de modernisation en libéralisation le vieux CLF, séparé de la CDC, est passé aux produits dits “structurés” qui, avec Dexia, sont devenus des produits toxiques. On ne sait encore pas si ce projet de nouveau CLF verra le jour mais « une réflexion brûle déjà les lèvres : tout ça pour ça ! »
Et l’Italie ?
Elle est en train de mettre en vente son patrimoine public. Julio Tremonti, son ministre des finances, a réuni le 29 septembre, quelque 150 investisseurs, dirigeants de sociétés immobilières, représentants de banques italiennes et étrangères, etc. pour leur faire miroiter ce que le gouvernement compte privatiser dans le cadre « d’une grande réforme structurelle pour la réduction de la dette, la modernisation et la croissance du pays » [1]. Ces mesures sont en fait la mise en œuvre des directives données par les très libérales autorités européennes pour renforcer le plan de rigueur. En effet, dans une lettre au gouvernement italien, datée du 5 août mais restée secrète jusqu’à ce que le Corriere della Sera la publie le 28 septembre, les présidents de la Banque centrale européenne et de la banque d’Italie insistaient sur la nécessité de « privatisations à grande échelle ». Le gouvernement s’est aussitôt exécuté.