Encore un titre stupide…
…Celui de l’éditorial le Monde du 12 mars : Sauver l’emploi : Hollande le veut, Schröder l’a fait. Et nous voici repartis dans la légende : « Le 14 mars 2003, Gerhard Schröder donnait le coup d’envoi de l’Agenda 2010. Dérégulation du droit du travail, diminution des indemnités de chômage, sanctions contre les chômeurs refusant un emploi et relèvement de trois points de la TVA ». Mesures bien connues, reprises en chœur par tous les eurocrates et que nous avions déjà dénoncées à l’époque dans la GR [1]. Et l’éditorialiste en ajoute une couche : « Dix ans après, M. Schröder, écarté par les électeurs dès 2005, pavoise ». Il paraît que « ses compatriotes voient en lui le prototype du gouvernant capable de sacrifier sa carrière politique pour servir les intérêts du pays ». Pas gonflé l’éditorialiste qui affirme « que le nombre de chômeurs a chuté de 5 à 3 millions et que le nombre d’emplois est au plus haut depuis la réunification » tout en reconnaissant que les inégalités se sont accrues, que la précarité et le travail partiel ont progressé et que plusieurs millions de salariés sont très mal payés.
C’est ça la victoire sur le chômage ?
C’est cet exemple que Hollande devrait suivre pour redresser l’emploi « coûte que coûte » ?
Non, merci !
Réconfort
On trouve quand même quelques journalistes (mais peu nombreux) qui osent sortir de l’aveuglement europhile à tout prix. C’est notamment le cas de Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques, qui vient de publier un ouvrage intitulé Made in Germany [2], dans lequel il démontre qu’il est ridicule d’évoquer continuellement le “modèle allemand” ou de qualifier Schröder de “réformateur clairvoyant”. Comme l’écrit J.C. Guillebaud : « Au bout du compte, c’est à la bêtise dominante, la nôtre, que nous renvoient ces analyses. Comment le discours dominant peut-il, mois après mois, ensorceler le débat démocratique au point que se trouvent colportées, pieusement commentées des âneries aussi manifestes ? […] Pourquoi voit-on si souvent à la télévision – chez Calvi ou ailleurs– d’infatigables “spécialistes” qui pontifient sur le modèle allemand ? Et presque toujours avec le souci d’admonester le téléspectateur français ? » [3].
En conclusion de sa chronique, Guillebaud écrit : « Le vieux cantique sur le “modèle” est d’autant plus exaspérant qu’il est toujours idéologiquement orienté : pousser sans cesse les Français vers le “moins social”. C’est à la fois très bête et très simple ».
Flexibilité
On se rappelle qu’entre 2007 et 2010, le PIB de l’Irlande avait chuté de 15% et qu’après force référendums, les Irlandais avaient été contraints par leur gouvernement à recourir aux plans de “sauvetage” de l’Union Européenne et du FMI. Aujourd’hui, après huit budgets d’austérité, il paraît que l’économie irlandaise s’est améliorée : sa croissance en 2012 a été voisine de 1% et les optimistes pensent qu’elle pourrait peut-être atteindre 1,8% en 2013. Du coup l’Irlande est considérée par les eurocrates comme un modèle que les pays de l’Europe du Sud devraient suivre. Les divers plans d’austérité ont en effet permis aux entreprises de réduire d’un quart le coût unitaire du travail depuis le début de la crise, de geler les salaires et de devenir ainsi flexibles et “compétitives”. Mais s’il est vrai que les exportations des grandes multinationales ont progressé, cela ne suffit pas. Le taux de chômage dépasse 14% et de nombreux Irlandais croulent sous le poids des dettes contractées pour acheter, avant la crise, des biens immobiliers. Du coup, la demande intérieure a chuté de 26%. Ce qui n’empêche pas de nombreuses entreprises multinationales de continuer à s’installer en Irlande parce que l’immobilier s’est effondré avec pour effet de rendre les bureaux beaucoup moins chers, parce que les prestations sociales ont été réduites et que les impôts sur les sociétés ne sont que de 12,5% et même moins en faisant de “l’optimisation fiscale”. Et, cerise sur le gâteau, la flexibilité de la main d’œuvre irlandaise ne s‘est pratiquement pas accompagnée de révolte sociale.
Que voulez-vous de plus ?
États-Unis
• Le 31 mars vient d’entrer en vigueur aux États-Unis l’obligation pour les entreprises pharmaceutiques de communiquer annuellement au gouvernement les paiements effectués à des professionnels de santé.
En France, on n’en est pas encore là ! Des scandales comme celui du Médiator sont donc toujours possibles.
• Selon un rapport de la Banque Centrale américaine (la Fed), le montant des prêts aux étudiants a triplé entre 2004 et 2012 et il atteint aujourd’hui 966 milliards de dollars. Durant la même période, le nombre d’étudiants ayant dû emprunter pour financer leurs études est passé de 21 à 39 millions. Ainsi depuis 2010, les études sont devenues la deuxième source d’endettement, derrière l’emprunt immobilier, mais devant le prêt automobile ou tout simplement les prêts à la consommation. Dans le même laps de temps, le montant moyen des emprunts des étudiants est passé de 15.000 à 25.000 dollars. Qui plus est, les emprunteurs ont de plus en plus de mal à respecter leurs échéances (20% des emprunteurs avaient en 2012 plus de 90 jours de retard). Selon le Financial Times, cela risque de saper la croissance économique du pays car la consommation intérieure représente environ 70% du produit intérieur brut.