Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Publication : décembre 2013
Mise en ligne : 26 avril 2014

 Cacophonie européenne

Le lundi 18 novembre, le Bundestag nouvellement élu consacrait une grande partie de sa deuxième séance plénière aux écoutes de l’Agence de la Sécurité Américaine (NSA). Sans faire directement allusion aux écoutes dont son portable avait fait l’objet, la Chancelière Angela Merkel a rappelé que « la relation transatlantique et donc également la négociation pour un traité de libre échange (TTIP) sont actuellement sans aucun doute mises à l’épreuve par les soupçons de collecte par les États-Unis de millions de données. Les accusations sont très graves. Toute la lumière doit être faite, et plus important encore, pour l’avenir, il faut bâtir une nouvelle relation de confiance ». Tout en rappelant que les relations entre les États-Unis et l’Europe sont d’une “importance supérieure”, elle a établi un lien direct entre les négociations sur un traité de libre échange et le scandale des écoutes.

Apparemment, ce n’est pas ce que pense le Parlement européen. Car ce même 18 novembre, à la demande du député Vert français Yannick Jadot, y était à l’ordre du jour, en représailles des écoutes effectuées par la NSA, la suspension des négociations du traité de libre échange entre l’Union européenne et les États-Unis (TTIP) et elle a été rejetée par 184 voix contre 79. Mais quoi qu’il en soit, les débats sur le TIPP continuent à se faire dans le plus grand secret. Il y a tellement d’intérêts en jeu que le bas peuple ne peut pas comprendre…

C’est ça la démocratie !

 Toujours plus de CO2

Dans le Fil des jours du mois dernier, je signalais la mauvaise volonté dont font preuve les gouvernements européens pour atteindre leurs objectifs climatiques et énergétiques. Les européens ne sont pas les seuls en cause comme le montre le rapport du GCP [1] publié le 19 novembre. On y lit qu’au cours de l’année 2013 l’ensemble du monde aura émis 9,9 milliards de tonnes de carbone dans l‘atmosphère, soit 36 milliards de tonnes de CO2 (en augmentation de 2,1% par rapport à 2012, c’est un nouveau record) ; que les émissions de CO2 de la Chine ont augmenté de 6% entre 2011 et 2012, si bien qu’avec 27% des émissions mondiales, elle devance maintenant les États Unis (14%), l’Union européenne (10%), l’Inde (6%)… Mais rapportées au nombre d’habitants, ses émissions restent loin dernière celles des États Unis (4,4 tonnes de carbone par an pour un américain contre 1,9 pour un Chinois).

Et, comme le fait remarquer un des auteurs du rapport, « il faut bien voir que les émissions chinoises servent en partie à produire des biens qui sont consommés ailleurs dans le monde » [2].

 Une drôle d’idée

Varsovie a été choisie comme siège de la 19ème conférence des parties de la convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP 19) [3], qui devait fixer les grandes échéances préparatoires à un accord mondial sur le climat en 2015 à Paris. Pourquoi donc avoir choisi Varsovie alors que le gouvernement polonais est bien connu pour la priorité qu’il donne à l’utilisation de son charbon et à l’exploitation du gaz de schiste et qu’il entraîne derrière lui un certain nombre de pays de l’UE très opposés aux mesures que propose la Commission européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020 ? Autre nouveauté, la présence ostentatoire de nombreux sponsors représentant les industries les plus polluantes, comme la société pétrolière polonaise Lotos, ou les pires “délinquants climatiques” tels que sont ArcelorMittal, Alstom, Rio Tinto, BMW… Comme le faisait remarquer un négociateur européen « après l’organisation d’un forum mondial sur le charbon en pleine conférence sur le climat, cela fait beaucoup. Il est vraiment difficile de prendre les Polonais au sérieux ». Au cours des débats, on a, une fois de plus, assisté au combat habituel entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres. Les pays en développement, réunis dans le G77 voulaient obtenir la garantie que les 100 milliards de dollars promis à Copenhague en 2009 seront bien disponibles en 2020 et ils souhaitaient fixer un objectif intermédiaire de 70 milliards de dollars en 2017. Ce qui est une illusion car « la plupart des pays industrialisés, à commencer par les États-Unis, sont dans l’incapacité institutionnelle de programmer des dépenses budgétaires sur plusieurs années » [4].

Arguant que les pays pollueurs n’ont pas fait ce qu’ils devaient pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, les pays du Sud demandent aussi la création d’un « mécanisme de pertes et dommage » pour faire face aux événements climatiques catastrophiques qu’ils subissent de plus en plus souvent (le plus récent étant le typhon Haiyan qui vient de frapper les Philippines).

Les diplomates occidentaux ont, jusqu’ici, répondu par une fin de non recevoir. C’est la crise…

Constatant qu’il n’y avait aucun progrès dans les négociations, la plupart des ONG (presque 800 observateurs) ont quitté la conférence deux jours après son début.

Les diplomates ont accusé le coup, même si certains d’entre eux étaient soulagés d’être débarrassés des regards accusateurs. Le chef de la délégation du sri-lankaise regrettait : « Depuis le protocole de Kyoto en 1999, le Convention climat n’a rien produit de substantiel. Nous continuons à essayer de nous mettre d’accord chaque année sur des actions, de l’argent… et en contribuant toujours plus aux émissions de CO2 par nos voyages en avion… »

Cela laisse peu d’espoir pour qu’un premier accord mondial de réduction des émissions à effet de serre s’appliquant à tous les pays soit conclu à l’issue de la conférence de Paris fin 2015.


[1Global Carbon Project, groupement scientifique piloté par l’Université d’East Anglia (Royaume-Uni)

[2P.Friedlingstein, professeur à l’université d’Exeter.

[3Conventions qui se tiennent annuellement avant les conférences intergouvernementales au niveau des chefs d’État (Copenhague 2009, Paris 2015).

[4Le Monde 21/11/2013.


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