Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Publication : octobre 2014
Mise en ligne : 28 janvier 2015

 Ça commence bien  !

Les pays de la zone euro se sont mis d’accord pour établir “l’union bancaire” et c’est l’Anglais “eurosceptique” Jonathan Hill que le nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, a nommé Commissaire chargé des services financiers. À ce titre, il sera responsable de la régulation des marchés financiers, de la gestion bancaire et de la réglementation des produits financiers. Hill est un proche de David Cameron et il a été conseiller de l’ex-Premier ministre John Major avant de se lancer dans les affaires, il est notamment le co-fondateur de la société de conseil “Quiller Consulting” dont les clients, les entreprises du secteur financier tels que HSBC, sont les propriétaires [1]. Les lobbies ont donc encore un bel avenir à Bruxelles et les banques continueront à être bien protégées.

Ouf, on a failli avoir peur !!

 Les boites noires

Il n’y avait quand même pas trop de souci à se faire car les banques sont de telles « boites noires » que même les plus grands spécialistes ont du mal à voir clair dans leur gestion. C’est ce que nous explique le journaliste Eric Albert dans sa Lettre de la Cité [2]. Les pays de la zone euro s’étant enfin mis d’accord pour établir l’union bancaire, la BCE allait concrètement devenir le régulateur unique des banques. Mais au préalable, elle devait réaliser un examen de santé de tous les établissements financiers, un AQR [3] comme disent les spécialistes. Les analystes bancaires de la banque américaine Citi (une équipe d’une douzaine de personnes dont le rôle est de surveiller les établissements financiers de chaque pays européen) se sont donc mis au travail pour tenter d’évaluer à l’avance le résultat de l’AQR. Le superviseur de cette équipe, Kinner Lakhani, s’est alors trouvé dans une impasse  : « Je suis arrivé à la conclusion que c’était impossible à faire », a-t-il déclaré. Les actifs des banques n’étaient absolument pas comparables  : « D’un pays à l’autre, la présentation n’était pas la même. Même à l’intérieur d’un pays, les banques ne révélaient pas les mêmes détails. C’était impossible d’en tirer des conclusions ».

Eric Albert met les points sur les i  : « En clair, explique-t-il, même une équipe composée des meilleurs spécialistes du secteur n’a pas la moindre idée de la réelle solidité des banques. Leurs épais rapports annuels, malgré des apparences scientifiques, se rapprochent plus d’un brouillard de chiffres que d’une mesure précise de la robustesse des établissements. Les banques sont de véritables boites noires forçant les régulateurs à œuvrer à l’aveuglette […] La réalité est que le travail d’analyse de l’AQR, si nécessaire soit-il, est en grande partie une cause perdue. La qualité des actifs des banques est d’abord affaire de jugement. Un prêt adossé à de l’immobilier à Londres est-il solide ou non  ? » La seule solution semble être de forcer les établissements financiers à détenir d’énormes réserves de cash pour faire face à un éventuel krach, mais les banques n’aiment pas ça car c’est de l’argent gelé qu’elles ne peuvent pas utiliser pour faire prospérer leurs affaires.

 Démystification

Dans son livre Debunking Economics [4], l’Australien Steeve Keen, Professeur à l’Université de Kingston à Londres, entreprend de démystifier la théorie économique avec beaucoup de pédagogie. « Il fait partie de la douzaine d’économistes académiques renommés qui ont mis en garde depuis longtemps contre le retour d’une grande récession - une déflation provoquée par l’excès de dette privée devenue insoutenable - telle que nous la voyons aujourd’hui » [5]. Son ouvrage s’adresse non seulement aux étudiants en économie mais aussi aux entrepreneurs, aux politiques ou encore aux banquiers. Il explique comment des hypothèses arbitraires et contradictoires ont donné naissance à des lois fausses qui ne sont remises superficiellement en question que pour tenter d’en corriger à la marge les résultats. Qui plus est, la complexité de l’outil mathématique utilisé dans ces théories écarte les économistes conventionnels du débat, certains principes étant jugés acquis bien que rien ne les valide. C’est notamment le cas de la sacro-sainte théorie de l’équilibre économique qui n’est qu’un mythe (déjà dénoncé [6] par Jacques Duboin) même dans un univers de concurrence “libre et non faussée” : « considérer que l’offre et la demande se croisent autour d’un prix d’équilibre est rarement valable, sauf peut-être pour un seul consommateur, un seul producteur et tout au plus deux produits. Les conséquences qu’en a tirées la théorie sur le comportement supposé des producteurs, des salariés et des consommateurs tombent donc à l’eau. Même si, une fois de plus, la théorie a tenté de s’adapter superficiellement en créant, par exemple, un unique “consommateur agrégé” représentant à lui seul toute la demande. Ainsi en va-t-il de l’erreur couramment admise selon laquelle l’offre crée sa propre demande qui néglige non seulement le rôle de l’incertitude et des anticipations de gain, mais aussi le principe même du capitalisme  : l’accumulation du capital » [5]. Cela devrait, me semble t-il, inspirer nos gouvernants…


[1Deutsche-Wirtschafts-Nachrichten, 10/09/14.

[2Le Monde, 24/09/14.

[3En Globish  = Asset Quality Review.

[4Zed Books, 2011.

[5À l’origine de le crise, des idées fausses, A. de Tricornot, Le Monde Eco & Entreprises, 11/09/2014.

[6Jacques Duboin, Rareté et abondance, éd. OCIA 1945.


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