Au fil des jours
par
Publication : janvier 2015
Mise en ligne : 7 avril 2015
Capitalisme ou climat ?
Dans Ça change tout : le capitalisme contre le climat, le dernier ouvrage qu’elle vient de publier [1], la journaliste canadienne Naomi Klein (bien connue pour ses précédents livres notamment No logo et La stratégie du choc), s’attaque au « plus grand danger qui menace l’humanité : la guerre que notre modèle économique mène contre la vie sur notre planète ». Elle part d’un constat de plus en plus consensuel : l’objectif de limiter à 2° la hausse de la température moyenne de l’atmosphère terrestre, par rapport à celle de l’ère préindustrielle, ne sera sans doute pas atteint à cause de la croissance continue des émissions de gaz à effet de serre (qui ne diminuera pas de si tôt, notamment parce que les prix du pétrole sont à la baisse et du fait que la Commission européenne l’a placée au second plan de ses projets dans sa politique environnementale [2]…). C’est donc plutôt vers une hausse de 4° que l’on s’achemine, avec toutes les catastrophes climatiques qui en résultent : vagues de chaleur, feux, périodes de sécheresse, orages violents, inondations, tsunamis,… et entre autres graves conséquences, d’importantes migrations de populations qui peuvent mener à des conflits et des guerres. Pourquoi les gouvernements ne prennent-ils pas les mesures qui s’imposent ? Sont-ils aveugles ? — Non, loin de là : ils ne doutent pas de la science, mais ils ont compris qu’une véritable politique environnementale signifierait la fin de leur rêve : ce sont des « apôtres du marché libre, des prédicateurs d’un capitalisme désentravé, des pourfendeurs de l’État providence assimilé à une sorte de communisme » [3].
N. Klein dénonce les mythes qui obscurcissent les débats sur le climat : « On nous a dit que le marché nous sauverait, alors qu’en fait l’addiction au profit et à la croissance nous enfonce chaque jour un peu plus ; on nous a dit qu’il était impossible de se passer des carburants fossiles alors qu’en réalité nous savons comment faire puisqu’il suffit tout simplement de s’affranchir des règles de “la bible du marché libre”, et pour cela il faut mettre au pas les entreprises, reconstruire les économies locales et récupérer notre démocratie… On nous a dit encore que les hommes étaient trop avides et égoïstes pour relever ce défi. En fait, un peu partout dans le monde, le combat pour une nouvelle économie et contre l’exploitation forcenée des ressources naturelles est déjà gagné de façon à la fois surprenante et novatrice ». C’est pourquoi N. Klein est optimiste. Pour elle, le changement climatique est un appel au réveil citoyen, un puissant message exprimé en termes de catastrophes environnementales. « L’affronter ce n’est plus se contenter de changer d’ampoules électriques. C’est changer le monde avant que le monde ait tellement changé que plus personne n’y soit en sécurité. Soit nous changeons, soit nous coulons ».
Un chômage irrésistible
Si l’on en croit l’INSEE, le PIB français devrait augmenter de 1% en 2015 grâce à la dépréciation de l’euro et à la baisse du cours du pétrole [4]. Mais le chômage devrait encore progresser, notamment à cause d’une nouvelle diminution de l’emploi marchand (-11.000 au premier semestre) et de l’augmentation de la population active. Il atteindait 10,6%. La plupart de nos “braves” journalistes des “grands médias ” s’en donnent à cœur joie en montant en épingle le cas de la France. Ils semblent ignorer que le chômage est un fléau mondial qui n’est pas près de baisser, comme le montrent les rapports annuels de l’Organisation Internationale du Travail. Ils n’ont pas peur d’écrire, à quelques lignes d’intervalle, que le chômage a reculé presque partout en 2014 et que cette baisse s’est accompagnée d’une flexibilisation du marché du travail et d’un renforcement de la précarité, autrement dit d’une diminution des horaires de travail et d‘une diminution des salaires. Mais qu’importe pourvu qu’on puisse écrire que le chômage a baissé !
Il va tout de même falloir qu’ils fassent preuve d’un peu plus de bon sens pour expliquer qu’il va partout continuer à augmenter. Car les progrès technologiques sont en train de délacer la frontière entre les métiers que l’on savait automatisables et ceux que l’on croyait préservés. Trois études récentes viennent une fois de plus le confirmer. Vincent Giret les résume dans sa chronique Mutations [5] qu’il a intitulée La Grande Transformation : la première annonce pour la décennie qui vient une « déstabilisation en profondeur des classes moyennes françaises » car « trois millions d’emplois pourraient être détruits par la numérisation à l’horizon de 2025 » et parce que « les emplois créés ne se substitueront pas aux emplois détruits, ni en termes de niveau de compétence requis, ni en termes de position sur la chaîne de valeur, ni en termes de répartition géographique » ; la seconde décrit l’émergence de l’économie des données (le Big data, en globish) ; la troisième « met en lumière le modèle de développement fulgurant des quatre superpuissances de cette révolution numérique : Google, Apple, Facebook et Amazone ».
[1] This Changes Everything : Capitalism versus the Climate, éd. Simon and Schuster, 2014. (Non encore traduit en français).
[2] Le Monde, 18/12/2014.
[3] J.P. Dupuy, Le Monde, 17/12/2014.
[4] Note de conjoncture INSEE, décembre 2014.
[5] Le Monde, 19/12/2014