De nouvelles bases

Éditorial (suite)
par  M.-L. DUBOIN
Publication : août 2000
Mise en ligne : 29 mars 2009

Il ne s’agit pas de sortir d’une dictature pour tomber dans une autre, de remplacer celle de l’argent par celle d’un parti, celle d’une classe ou celle d’une secte. Le respect des Droits de l’Homme (avec un H, évidemment, il n’est pas question d’exclure les femmes !!) doit donc être à la base de la société, qui doit être laïque, ouverte, dynamique, évoluant de façon à ce que chacun ait les moyens de s’épanouir librement, tout en respectant cette même liberté chez les autres. À ceci, les “distributistes” prétendent ajouter la conscience que l’ensemble des vivants dispose de la terre, de la nature, du savoir, comme d’un patrimoine transmis par les générations précédentes et qu’il a le droit d’en disposer comme de l’usufruit d’un héritage commun mais à charge de le transmettre aux générations futures, en l’améliorant autant que possible.

C’est en application de ces principes qu’ont été formulées les règles pratiques que nous proposons, elles permettent à chaque groupe humain de s’organiser en une économie le plus souvent qualifiée de distributive, qui est une économie conviviale, une économie de partage en fonction des besoins, mais on la décrit encore mieux en disant qu’il s’agit d’étendre la démocratie au domaine économique :

 Une priorité

Commençons par désarmer la dictature financière. Il est totalement illusoire d’imaginer que celle-ci va laisser grignoter son pouvoir en acceptant par exemple de payer de nouvelles taxes ou bien de collaborer avec la justice pour dénoncer la criminalité… financière précisément, ou bien qu’une société peut fonctionner avec, en même temps et en bonne harmonie, une économie de luxe pour quelques riches et un “secteur solidaire” chargé de réparer les dégâts du premier.

Non, empêcher le pouvoir financier de se substituer au pouvoir politique exige une mesure de précaution qui est prioritaire : mettre l’usage de la monnaie capitaliste définitivement hors la loi. On ne fonde pas une nouvelle société en abandonnant à ses ennemis les armes pour la détruire !

 La monnaie distributive

Pour que les citoyens aient la maîtrise de leur économie il faut qu’ils instituent la monnaie qui leur remette ce pouvoir : l’économie distributive implique une monnaie conçue à cette seule fin.

Ancrée sur la réalité, cette monnaie est le moyen de gérer les richesses produites et de les mettre à la disposition de tous parce que, par définition, elle n’est pas autre chose qu’un pouvoir d’achat qui ne peut être utilisé qu’une fois. Elle s’annule lors d’un achat, mais contrairement à un bon ou un ticket, elle laisse au consommateur toute liberté de choisir ce qu’il achète. Monnaie de consommation, elle est gagée sur la production : créée au fur et à mesure que des produits sont offerts à la vente, elle en représente la valeur. Elle ne circule pas, elle est distribuée nominalement à tous les citoyens et surtout, elle ne peut pas être placée afin de rapporter un intérêt.

Grâce à cette monnaie, c’est le politique [1] qui va pouvoir prendre les décisions économiques, assurer les services publics et les investissements nécessaires, et enfin organiser la distribution la plus équitable possible du pouvoir d’achat entre les citoyens.

 Des possibilités tout à fait nouvelles

C’est ainsi que l’économie distributive résout les deux problèmes cruciaux qui dominent notre époque et que l’économie capitaliste, incapable de les surmonter, ne fait qu’aggraver.

• Le premier est d’ordre social. Il provient du fait que la production des biens de consommation vitale étant de plus en plus automatisée, elle n’a plus besoin du travail de tous à plein temps. Dans l’économie capitaliste, ceci se traduit par emplois précaires, chômage, exclusion. Ce n’est plus le cas en économie distributive parce que celle-ci permet de ne plus faire dépendre les revenus d’un travail effectué. Un revenu suffisant peut donc être garanti à tous, toute la vie, et un roulement organisé pour que tout le monde, chacun son tour, participe aux tâches nécessaires.

• Le second écueil est la destruction accélérée des ressources non renouvelables et la détérioration de l’environnement. Au lieu de la croissance dévastatrice qu’impose l’économie de marché parce qu’elle est orientée par la recherche aveugle d’une rentabilité financière, l’économie distributive permet de gérer les ressources : débattre des productions à réaliser et des moyens à mettre en œuvre, en se fondant sur les critères bien plus pertinents que sont le développement durable et l’épanouissement humain.

 Et un contrat de citoyenneté

Cet objectif est, entre autres, à l’origine de l’idée [2] du Contrat Civique, par lequel tout citoyen propose et définit, pour une période donnée, sa participation personnelle à la vie de la société, et en débat au sein du Conseil économique et social concerné par son projet. Au citoyen revient donc l’initiative, l’organisation de son propre temps.

Pour être bref, rappelons simplement que la responsabilité d’un tel Conseil à instaurer est politique en même temps que financière, puisque toute production est accompagnée de la création monétaire correspondante. Ces conseils sont donc le siège d’une véritable démocratie étendue à l’économie, de même que les contrats civiques sont le moyen de permettre au citoyen de gérer sa vie, d’alterner ainsi des périodes d’activité utile aux autres (dans la production, la gestion, l’administration, l’instruction, la santé, la recherche, etc.) avec des périodes qu’il entend réserver à des activités d’intérêt plus personnel, mais tout en conciliant ses propres aspirations avec les besoins et les moyens de son entourage.

 Une mine à explorer

Ceci soulève, au premier abord, une foule de questions. Mais en y réfléchissant, on s’aperçoit que c’est une mine incomparable de possibilités à exploiter.

J’espère bien que les vacances vont permettre à nos lecteurs de les découvrir, d’en discuter autour d’eux, et puis de nous faire part de leurs propres réflexions et des questions rencontrées.

Alors, bonnes vacances !!


[1sens étymologique du mot politique = gestion de la cité

[2présentée dans ces colonnes en juin 1990.


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