Du lance-pierres... au cerveau électronique
par
Publication : avril 1982
Mise en ligne : 13 janvier 2009
TANDIS que notre malheureuse planète, qui décidément
ne tourne plus rond, s’achemine cahin-caha vers l’an 2000, tandis que
les Nostradamus de bazar, les voyantes extra-lucides, les astrologues
de fêtes foraines, les diseurs de bonne aventure et les liseurs
dans le marc de café, auxquels viennent se joindre les futurologues,
nous annoncent le programme des réjouissances et des catastrophes
- au choix - prévu pour cette fin de millénaire ; tandis
que les économistes de service - et ça fait du monde -
nous préparent les nouveaux plans de lutte contre l’inflation
et le chômage sortis de leur matière grise en ébullition
; tandis gu’en ces lendemains de festivités, de gueuletons et
de beuveries en l’honneur du Père Noël, toujours solide
au poste, lui, dans cette partie de la planète que l’on appelle
le Tiers Monde on continue à crever de faim, et dans l’autre partie,
dite civilisée, à crever d’indigestion, une révolution
comme on n’en a pas vu de mémoire d’homme, depuis l’invention
du lance-pierre, s’accomplit en ce moment sous nos yeux.
C’est ce que l’on appelle déjà la révolution télématique.
Et le cerveau électronique n’est pas loin. Depuis l’apparition
des premiers ordinateurs considérés d’abord comme des
gadgets la machine a fait des progrès foudroyants avec l’arrivée
en masse des robots dans l’industrie, suivis il y a quelques années
à peine, des micros-processeurs qui sont des plaquettes de silicium
minuscules et que l’on appelle les « puces » électroniques.
Et ce n’est pas fini. Le progrès ne s’arrête pas là.
On pourra perfectionner encore ces merveilleuses machines d’un faible
prix de revient - c’est moins cher qu’un sous-marin nucléaire
et ça fait moins de dégâts - et les miniaturiser,
ce qui serait difficile pour un sous-marin.
Non, le cerveau électronique n’est pas loin et la miniaturisation
de ces machines va les rendre capables, entre les mains de l’économiste
le plus obtus, même M. Raymond Barre, de résoudre des problèmes
jusqu’alors réputés insolubles. Bref, selon le docteur
Christopher Evans, psychologue et informaticien, auteur du livre «
Les Géants minuscules » : l’intelligence artificielle est
une utopie en voie de réalisation.
La révolution industrielle du XIXe siècle, avec tous les
espoirs qu’elle suscitait, avait posé plus de problèmes
qu’elle n’en pouvait résoudre. Entraînant l’humanité
dans une course au profit qui n’avait jamais été aussi
implacable, de guerres de conquêtes en colonisations elle avait
enrichi les conquistadores, les aventuriers et les marchands de canons,
créé le prolétariat, cette forme moderne de l’esclavage
et réalisé ce joli tour de force : la misère dans
l’abondance.
Mais on ne s’en est pas tenu là. Au train où vont les
choses - et elles vont bon train - ça va peutêtre enfin
changer. Si l’abondance nous submerge au point que l’on en est toujours
réduit à résorber les excédents, et si les
crève-la faim, ceux que l’on appelle les assistés, sont
toujours aussi nombreux et même en nette augmentation, c’est qu’ils
se débrouillent mal pour trouver du boulot. Des emplois ii y
en a plein dans les journaux.
Ce qui me rend optimiste c’est qu’on n’arrête pas le progrès.
Avec l’ordinateur de demain - et demain c’est pas loin - qui sera bientôt
à la portée du premier venu, c’est une ère nouvelle
qui commence. Selon le docteur Christopher Evans, expert mondial en
matière de micro-processeurs, grâce aux derniers progrès
réalisés dans l’électronique et à tous ceux
que l’on attend des nouvelles techniques et qui dépassent les
rêves de la science-fiction, on peut déjà envisager
pour un proche avenir l’apparition de la machine intelligente.
La nouvelle machine électronique effectue déjà
des travaux compliqués que l’homme est incapable de faire lui-même,
et si elle e encore besoin de l’homme pour être programmée
elle sait dresser des bilans aussi bien qu’un expertcomptable, prédire
le temps qu’il fera demain, calculer les impôts que vous aurez
à payer, et même gagner aux échecs. Bref, l’intelligence
artificielle, selon les experts en informatique, est une utopie en voie
de réalisation.
Alors, qu’est-ce que l’on attend pour nous débarrasser du ministre
de l’Economie et des Finances et mettre à sa place, rue de Rivoli,
un cerveau électronique ?
C’est le seul moyen de sortir de la pagaille dans laquelle nous pataugeons
depuis plus d’un demisiècle et de voir se réaliser enfin,
avec un plan de redressement, qui, pour une fois, sera définitif,
cette « utopie » que l’on appelle l’Economie Distributive.