L’imposture incommensurable
par
Publication : novembre 1989
Mise en ligne : 4 mai 2009
Je ne suis pas Zola.. Tant pis : j’ose ! J’accuse
nos gouvernants d’avoir perdu la paix. Ils ont gagné la guerre
contre Hitler, Mussolini, Hirohito, mais le monde, depuis lors, est
à feu et à sang.
Tandis que dans les sept pays réputés les plus riches
de la planète, et bientôt sur toute la surface du globe,
la sécurité du lendemain pourrait être assurée
à tous les hommes, de la naissance à la mort, l’incertitude
règne partout, la faim, le froid, la terreur dans la rue. Or,
le logement, le bien-être quotidien pourraient être le lot
de tous, sans exception.
La modicité des revendications présentées par la
plupart des grévistes démontre une ignorance totale de
la production nationale et de ses potentialités. Sait-on qu’elle
est en mesure de satisfaire, sans nuire à personne, les besoins
élémentaires de tous les Français ? Avec un nombre
réduit de paysans, la terre pourrait être cultivée,
le tapis végétal entretenu et protégé ;
avec peu d’ouvriers spécialisés, la production industrielle
pourrait être garantie, avec moins de pollution, en récupérant
et en recyclant rationnellement les matériels usés ou
sans emploi.
Il y aurait ainsi de tout pour tous, mis à part les objets de
luxe. Où se situe la difficulté ? C’est simplement une
affaire d’honnêteté. Il faut bannir le mensonge, la tromperie,
la langue de bois ; parler sobrement et vrai ; renoncer aux hiérarchies
inutiles, aux privilèges scandaleux, à la corruption ;
arrêter la reconduction de cette société en déliquescence
; secouer le joug des banques et de certaines institutions devenues
de véritables citadelles ; rationaliser la production et la distribution,
de sorte que la production comme le travail soient partagés et
que le chômage devienne loisir.
Nous sommes tous les descendants de "Lucie", notre lointaine
aïeule africaine, l’Eve de l’archéologie, vieille de trois
millions et demi d’années.
Frères et soeurs, en un mot.
Certains d’entre nous naissent avec, dans leur berceau, 100 hectares
de terre céréalière ou 10 hectares d’un vignoble
célèbre, ou un portefeuille de valeurs en Bourse. Eh bien
! tant mieux pour eux. Aussi longtemps que la paix sociale n’en souffre
pas, n’y changeons rien. L’égalité commence aujourd’hui.
MAIS .. celui qui vient au monde nu comme un ver doit trouver à
son foyer le lait indispensable à sa vie, la certitude de manger
à sa faim, celle de vivre dignement et d’avoir toutes les chances
d’un développement physique et moral égal à celui
du "nanti".
La destruction de la nourriture et les entraves à sa production
sont INTOLERABLES ! La honte doit nous envahir dès que nous en
entendons parler. Sitôt qu’il en est question, nous devons nous
mobiliser pour l’empêcher, pour y faire obstacle, comme s’il s’agissait
d’arrêter une main criminelle. Aujourd’hui non moins qu’hier,
Jacquou le Croquant, devenu infirmier, ouvrier d’usine ou conducteur
d’autobus est toujours nargué, bafoué, humilié,
exploité par les tenants du pouvoir ! Les guerres ont prouvé
qu’il est possible de fabriquer en quantité illimitée
des engins meurtriers pour une distribution gratuite et surabondante
de la mort ; on n’a jamais manqué d’argent pour cela.
Il fallait reconvertir le système pour une distribution de ce
qui engendre et entretient la vie, mais nos dirigeants ont manqué
la reconversion. Deux guerres mondiales ont ensanglanté la planète
; une troisième en serait la destruction. Nous sommes acculés,
condamnés à la PAIX !
Alors, pourquoi ne pas nous conformer dès maintenant à
notre nouveau destin, acquérir de nouveaux réflexes, une
nouvelle mentalité ? Un simple retour sur nous-mêmes devrait
suffire à cette prise de conscience collective. A partir de là,
ces grands mots qui sont aujourd’hui vides de sens pour trop de gens
Liberté, Egalité, Fraternité, répondraient
enfin à une réalité chaque jour plus vraie.
La grande imposture consiste à faire croire que les sacrifices
des uns par austérité interposée sont indispensables
au salut des autres. Leur faire payer le prix de la non-inflation est
une duperie.
Trois millions de pauvres, dix millions d’assistés et autant
de mal-payés, telle est notre honte, car leur part de production
existe : elle doit leur être remise sans récriminer.
Contraste insoutenable : d’un côté, des gens en quête
de valeurs refuges, qui paient une voiture un million, ou 10.000 F.
une bouteille de vin, qui dépensent des milliards pour s’adjuger
des tableaux de maître ; de l’autre, le travailleur constatant,
à l’expiration de son crédit, qu’il a payé sa maison
150 ou 200 % de sa valeur, imposant à sa famille des privations
et lui refusant ainsi des biens qui seront peut-être détruits
comme prétendument excédentaires et qui avaient été
créés en vue des besoins de chacun ! Entraver la production,
mettre en friche des terres fertiles, fermer des usines qui produisaient
des choses nécessaires, freiner la consommation par des compressions
de salaires, imposer des restrictions en pleine abondance en suscitant
la rareté de la monnaie chez un sous-prolétariat rendu
ainsi indigent et insolvable, EST-CE LOGIQUE ? EST-CE HUMAIN ?
Réponse : ni logique, ni humain, et il y a IMPOSTURE !
Quand les uns jouent des millions en Bourse et jettent l’argent par
les fenêtres ; quand d’autres, enchainés par des emprunts,
courbent le dos sous le poids des dettes ; quand d’autres encore, pour
manger, fouillent les poubelles ou tendent la main, la trilogie républicaine
est un masque ! Les pauvres sont les victimes du progrès ; les
succès de la science et de la technique exigent qu’à la
charité s’ajoute - et , dans une large mesure, se substitue -
une solidarité impérative qui distribue la production
de manière à exclure l’état de pauvreté.
Nous avons tout ce qu’il faut pour passer sans douleur et sans terreur
dans un troisième millénaire émancipateur, libérateur
et pacifiste.
Vive son avènement ! Place à la justice ! Et en guise
de premier pas, instaurons la Monnaie Verte, clef du problème
dont nous venons de tracer les grandes lignes.