Le club des riches
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Publication : décembre 1978
Mise en ligne : 9 septembre 2008
C’EST le Fonds Monétaire International qu’on
désigne ainsi puisque, de l’aveu général, ses activités
profitent surtout aux pays industriels. Conçu par le Britannique
Keynes (lui- même !) et l’Américain White, il a été
adopté dans son principe dès 1944 par ses fondateurs dans
l’espoir de stabiliser les taux de change sur le marché international.
Il a pour but de fournir des crédits à court et moyen
termes à ceux de ses membres (tous les pays sauf ceux de l’Est)
qui éprouvent des difficultés à équilibrer
leur balance des paiements. La Grande-Bretagne et la France ont fait
souvent appel à lui.
Il fonctionne comme une espèce de cagnotte géante où
les pays déposent des fonds dont les autres membres peuvent disposer,
en cas de besoin, sous certaines conditions qu’il serait fastidieux
d’énumérer. La contribution de chaque membre reçoit
le nom de quota versé en monnaie nationale si bien que les coffres
du FMI renferment des marks et des yens précieux mais aussi des
pesos argentins (ou cubains) et des sols péruviens dont pas grand
monde ne veut.
Les quotas sont fixés au moyen d’une formule complexe où
entrent pour beaucoup l’importance économique et politique du
pays. Ils servent de base au calcul de la somme que le dit pays peut
emprunter. De sorte que ce ne sont pas forcément les membres
qui ont les plus grands besoins qui peuvent obtenir les prêts
nécessaires. Les pays les moins développés sont
souvent obligés de se servir ailleurs. C’est bien le club des
riches.
Chaque pays verse un quart de son quota en or ou en dollars américains
et le reste en monnaie locale. S’il veut tirer des devises étrangères
du FMI il doit déposer une quantité équivalente
de sa propre monnaie, mais l’opération de tirage et de remboursement
est soumise à des règles compliquées qui limitent
singulièrement les possibilités.
Les années passant, le FMI a élargi ses activités
pour développer les liquidités internationales dont les
échanges ont si grand besoin, et sa principale réalisation
en ce domaine a été la création des Droits de Tirages
Spéciaux (ou DTS) qui sont venus accroître les possibilités
d’emprunt offertes par les Droits de Tirage Ordinaires (DTO) évoqués
plus haut. En 1970, 1971 et 1972 des crédits, pour un montant
global de 9,5 milliards de dollars ont été ouverts aux
membres en proportion de leurs quotas (on ne prête qu’aux riches)
. Plus avantageux en cela que les DTO, les DTS sont mis automatiquement
à la disposition des emprunteurs. Bien sûr, ils n’existent
que sur le papier et ne peuvent être transmis que d’un membre
à un autre. ils ne peuvent donc servir à l’achat de biens
et de services mais les membres peuvent se les échanger contre
des devises. Ainsi, si la France a un déficit dans ses échanges
avec l’Allemagne, elle peut lui transférer une partie de ses
DTS contre des marks que les importateurs français pourront acheter
afin de régler leurs dettes.
Il était clair, dès le début, que ces DTS allaient
muer un rôle de plus en plus important dans le système
international sans toutefois remplacer l’or. Il n’est donc pas étonnant
que les experts du FMI aient accru, à la fin du mois de septembre
dernier, les ressources du Fonds de 20 milliards de DTS, soit l’équivalent
d’environ 25 milliards de dollars (au cours du change en vigueur à
cette date !) .
On peut s’inquiéter de cette croissance de la masse monétaire
internationale à un moment où la tempête souffle
sur les marchés des changes emportant vers le bas le dollar pendant
que le mark et le yen s’envolent, à la grande tristesse de !’Allemagne
et du Japon qui voient leur compétitivité s’affaiblir.
A l’exception des Etats-Unis, les pays industrialisés s’efforcent
de pratiquer la rigueur monétaire et d’avoir une balance des
paiements équilibrée, au prix d’un chômage important
puisqu’ils n’y parviennent qu’en augmentant leur productivité
donc en obtenant davantage d’un plus petit nombre de travailleurs. Craignant
de voir leur balance se détériorer, l’Allemagne, la Suisse
et le ,lapon se gardent bien de relancer leurs économies. Pendant
ce temps, les Etats-Unis laissent s’effondrer leur dollar ce qui leur
permet d’exporter à meilleur compte, de relancer leur économie
et de réduire le chômage. Du moins pour un temps. Quant
aux Japonais qui réussissent merveilleusement au grand jeu de
la concurrence tout le monde leur en veut. Où est donc la morale
dans tout cela ? Et si seule la morale était en cause on pourrait
encore se faire une raison.