Le conseil d’un cinéphile
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Publication : novembre 2013
Mise en ligne : 3 février 2014
Ne pas hésiter à aller voir (ou revoir) le film de Chris Marker Le fond de l’air est rouge sorti en salle en 1977 dans une version longue de 4h, restauré et condensé dans une version raccourcie de 3h qui utilise des documents filmés souvent méconnus sur des mouvements contestataires dans le monde entre 1945 et 1975, de leur genèse, de leur échec relatif et de leurs empreintes dans les sociétés avec une mention particulière pour la France. C’est admirablement bien traité avec en contrepoint des interviews. En effet Chris Marker, avant de réaliser des films plus personnels, a consacré pendant 4 ans son activité à des documentaires sociaux. Dans ce film, il montre que les impératifs des acteurs économiques en société capitaliste conduisent à la course à la productivité, source de difficultés sociales pour les ouvriers, d’absence de perspective d’avenir pour les étudiants… et pour la société en général.
Face aux mouvements de contestation, l’oligarchie financière mondiale manie la répression (Mexico, France en mai 68, États-Unis : contestation de la guerre du Vietnam, Black Panthers), voire l’assassinat par procuration (Rudi Dutschke, M. Luther King, Allende, Che Guevara)… Une mention spéciale est dédiée au socialisme incarné par le communisme soviétique dans les pays de l’Est. Celui-ci, confronté à son ennemi de classe, le capitalisme, est soumis aux mêmes impératifs économiques et ne souffre aucune contestation, d’où l’invasion de la Tchécoslovaquie, les procès de Prague. À ce sujet, l’interview de G. Semprun selon qui les procès politiques contre les tentatives de libéralisation sont consubstantiels au communisme, est particulièrement lumineux.
Une analyse percutante de l’épisode gaulliste en France montre que, face à l’instabilité politique permanente de la IVe République nuisant aux “affaires”, les acteurs économiques ont facilité la remise en selle du général De Gaulle afin qu’il relance la machine économique par des grands programmes. Cette tâche accomplie, devenu inutile après 1968, il est écarté pour laisser place aux tenants du capitalisme sauvage : Pompidou, ex-fondé de pouvoir de la banque Rothschild… Etc, etc.
Ce film repassera le 5 décembre 2013 à 20 heures au Centre Pompidou dans le cadre de la rétrospective Chris Marker ; il sera aussi distribué en salle à partir du 23 octobre mais, étant un thème a priori sulfureux pour les tenants du capitalisme, il sera vraisemblablement déprogrammé rapidement.