Nouvelle économie, finances : I – Des raisons d’espérer ?

Réflexion
par  P. VILA
Publication : février 2004
Mise en ligne : 10 novembre 2006

Le rejet du projet de constitution européenne proposé par la convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing n’a guère rencontré d’échos dans la presse et est passé pratiquement inaperçu par les peuples concernés. Cet échec du premier conseil européen à 25 pourrait par contre se révéler bénéfique s’il permettait de remettre à l’ordre du jour la stratégie monétaire de l’union européenne.

Avant de brosser un panorama résumé des idées qui pourraient conduire à cette réforme monétaire, je résume ci-dessous les propositions formulées par Douglas entre 1918 et la fin de la seconde guerre mondiale. Elles correspondent remarquablement à celles de Jacques Duboin, parti d’un tout autre système national et d’une position moins technicienne, preuve que le capitalisme reste le même partout et que la manipulation du pouvoir politico-financier, mondialisé dès le XIXème siècle, a appris à dresser les uns contre les autres les peuples mal informés.

Parmi les constitutionnalistes, qu’ils soient philosophes ou économistes [1], qui ont imaginé à partir du XVIIème siècle les divers systèmes politico-économiques mis en œuvre en Europe et en Amérique, qui, du fait de leur incompatibilité, ne pouvaient mener qu’aux guerres que nous avons connues, le major écossais, méconnu, H.C.Douglas, (1879-1952), constitue une exception. Ingénieur civil, il exerçait ses talents, au début du XXème siècle, en Inde, alors partie intégrante de l’Empire britannique.

Dès le début de la première guerre mondiale, il fut frappé par l’absurdité du pilotage financier de l’économie : au lieu d’une réduction de crédit à laquelle il aurait fallu s’attendre pour cause de guerre, on lui accordait enfin tout ce qu’il n’avait pu obtenir jusqu’alors pour réaliser les infrastructures (routes, ponts, voies ferrées,…) nécessaires au développement du pays. C’est cette incohérence dans la distribution de la manne financière qui lui a suggéré sa théorie du “Crédit social”.

 Banques et destructions

Pendant les quatre années de boucherie en Europe, H.C. Douglas s’est posé le problème du contrôle financier du crédit réel d’un pays. Il a tout d’abord constaté que les “décideurs” britanniques refusaient aux producteurs la juste rétribution du marché. Il en a tiré son premier “théorème” qui réfute les droits du banquier à percevoir toujours le bénéfice maximum de son service au nom d’un soi-disant risque des affaires et du temps d’immobilisation des sommes empruntées.

En fait, premier abus, c’est le contraire qui se produit : le remboursement du capital A et le versement d’un intérêt B imposent au client de refaire des apports ou des emprunts pour rembourser le banquier déflationniste.

L’horrible conséquence de cette distorsion finit par bloquer les échanges commerciaux (excellemment assouplis par les premières banques de la Renaissance européenne : Hanse de l’Europe Nord, banques Lombardes, puis commerciales, Anglaises, Hollandaises, etc.).

À la fin du XVIIème siècle, on était entré dans l’ère industrielle des pouvoirs d’État. L’excès de crédit financier non-représenté par une valeur de crédit réel empêchait le développement vital des échanges de marché. Contrairement à la solution constituée par l’inflation [2], le nouveau “remède” fut la production non-consommée, et avant tout le super-développement des armements ! Un tel système menait inévitablement à la guerre entre États car les responsables politiques, incapables de gérer un budget obéré par la banque, masquaient leur impuissance en accusant les puissances étrangères de menacer leur pays.

Second abus, la circulation monétaire du crédit de consommation : lorsqu’un produit (ou un bien amorti) est arrivé en fin de circuit, on devrait annuler les valeurs correspondantes des avoirs bancaires. En effet, la circulation de la monnaie n’arrive que par hasard à équilibrer la déflation financière du montant A+B que doit acquitter l’emprunteur. On a ainsi, pendant deux siècles, attribué au banquier une vertu de protection du capital et de “flair des affaires” !

En vérité, la création économique de valeurs réelles et la somme des services non-marchands d’un pays (résultantes de formations et d’histoire culturelle) constituent son principal crédit. Ce crédit doit être évalué en monnaie et la répartition la plus démocratique des richesses veut qu’on le partage à égalité entre tous les citoyens, du berceau à la tombe. C’est ce qui justifie la mission de la Banque d’État, institution fondamentale pour briser les monopoles, dès lors qu’on sait calculer ce crédit réel. Nous serons sous-développés et sous-équipés socialement tant que les partis politiques ne reconnaîtront pas ce levier, occupés qu’ils sont à conquérir une illusion de “pouvoir” complètement maîtrisée par le gros monopole international des banques privées. Les managers de la seconde moitié du XXème siècle n’ont pas vu cette distorsion, embrigadés qu’ils étaient par le complexe militaro-industriel dénoncé vers la fin des années 1960 par J.K. Galbraith. Tout cela, l’humaniste Douglas voulait l’abolir dès l’armistice de Novembre 1918…

On comprend donc que le très-vicieux premier Ministre britannique Lloyd George, ses successeurs et les banquiers de la City aient étouffé les propositions puis les écrits de Douglas dès la fin 1918 et jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Presque en même temps en France le banquier Jacques Duboin mettait en opposition le développement technique accéléré et les méthodes restrictives du capitalisme de papa, et arrivait à l’impérieuse nécessité de distribuer à tout le peuple le produit du progrès en parts égales du dividende national.

Les Britanniques ont perdu de vue l’intégrité du Crédit national, et bien peu de Français s’en préoccupent, englués qu’ils sont dans des réformes compliquées pour “équilibrer” au moindre pire l’injustice capitaliste.

 Redresser le système

Dominique Rousset dans son excellent émission sur France-Culture “l’économie en question” vient de dire : « ce qui manque aux économistes aujourd’hui, ce n’est plus les données économétriques, mais c’est une bonne théorie »…

Un peu de cohérence intellectuelle à Bercy suffirait pour faire basculer l’économie française dans une ère de reprise décisive par le contrôle du crédit.

L’économie distributive ne nécessite pas tellement de bouleversements dans I’appareil de production. Et la croissance qui a facilité les affaires des banques depuis 1800 n’est pas nécessaire à un développement réel, si on contrôle soigneusement les marchés privés et publics.

Il y faut une prévision macro-économique des échanges, répétés sur un rythme trimestriel, un dividende universel calculé sur cette production, donc un minimum de taxes et d’allocations qui compliquent les budgets, mais cela nécessite une gestion financière nationale, non Bruxello-Francfortaise !

Avant tout, cette théorie demande qu’on bâtisse un procédé pour mettre à zéro les sommes-valeurs-crédit des biens consommés. Il reste à définir des moyens pratiques de contrôler la nouvelle monnaie-crédit. Je ne crois pas qu’on puisse régler une telle opération en créant une monnaie de consommation séparée de la monnaie des marchés de profit. Il y a un problème de moyens pratiques à résoudre.

Dans un prochain article, je voudrais donc faire avancer pour les amis de la GR un débat spécialisé sur une proposition française (type 6ème République ?).


[1Entre autres : J. Locke, D. Hume, A. Smith, J.B. Say, D. Ricardo, J. Stuart Mills, F. Bastiat, A. de Tocqueville,…

[2Voir l’expérience de Law en 1720.


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