En juillet, Philippe Varin, le PDG de PSA annonçait l’arrêt de la production dans son usine d’Aulnay-sous-Bois et la suppression de 8.000 emplois en France : cette “énormité” était-elle justifiée ? Pas sûr !
« C’est vraiment avec le plus grand étonnement que j’ai découvert que le groupe PSA fabriquait des automobiles. PSA venait d’annoncer la suppression de 8000 emplois en France. Là, je suis tombé des nues. Ils fabriquaient visiblement des véhicules, et personne ne m’avait rien dit ! » Cette réflexion, après nous avoir fait sourire, nous a intrigués. Elle est signée Pierre Deruelle, un informaticien bordelais de 35 ans, publiée sur le site reflets.info.
Il est vrai que PSA gagne sa vie (et fort bien) avec d’autres sources que ses autos. Mais avant d’en détailler la provenance, voyons ce qui cloche sur ces autos.
Un autre commentateur plein d’humour précise : « J’ai honte d’avouer que je ne sais même pas où se trouve la roue de secours ». Mais pour rester patriote, « j’ai eu pas mal de Renault et de Peugeot. On savait quand on partait, mais on n’était jamais sûr d’arriver. En ai-je consommé des durites, des pièces en or pur d’après le prix. Quand j’en ai eu marre, j’ai vu les japonaises en haut de la liste… J’en suis à ma deuxième Toyota en 26 ans. Et comment se fait-il que Toyota peut produire en France en faisant des bénéfices avec des travailleurs qui n’ont pas trop l’air de se plaindre, et qui devraient même créer un modèle hybride fabriqué en France et, ô stupeur, l’exporter aux USA ? » Diable ! Tout viendrait-il de la nullité des modèles Peugeot, dont le premier modèle date de 1891 ? On l’aurait su. D’autant qu’en 2010, Peugeot avait réalisé un bénéfice net de plus d’un milliard. Soit 588 millions nets après impôts et une progression historique du chiffre d’affaires de 6,9%. Rappelons aussi, qu’en 2009, ne soyez pas choqués, l’État lui avait généreusement accordé 4 milliards d’euros d’aide publique… aide remboursée un an plus tard avec les intérêts !
Et voilà-t-y pas qu’en 2012, Philippe Varin avoue une perte sèche de « 819 millions d’euros au premier semestre. La morosité des marchés en Europe, vous comprenez… » On comprend, monsieur le PDG. Non, on ne comprend pas : au premier semestre 2011, la même somme avait été consignée en bénéfice ! La “crise” existait déjà, non ? Suivit une vague explication : General Motors, le nouveau partenaire de PSA, nous a interdit les ventes en Iran, soit 450.000 véhicules sucrés.
Léger, comme commentaire.
On peut d’ailleurs prendre Philippe Varin en flagrant délit de mensonge, lorsqu’il affirma, il y a un an, à Eric Besson, l’ex-ministre de l’industrie : « La présence industrielle de PSA en France, notamment à Aulnay et Sevelnord (Valenciennes), n’est pas remise en cause. »
En fait, Varin attendait les élections de 2012. Le voilà désormais contraint de discuter avec Arnaud Montebourg. “Contraint” n’est pas le bon mot : disons “pensum sans danger”. Que peut faire le ministre ? — Rien quand on accumule les aides sans prendre la moindre autorité dans l’exécutif d’un groupe privé [1].
Montebourg dépassé
Avec les emplois indirects concernés (sous-traitance, prestataires, services) ce sont donc 40.000 emplois qui sont menacés.
C’est énorme [2].
Peugeot réalise 60% de son chiffre d’affaires en Europe. Mais on ne peut lui reprocher l’absence de mondialisation : il produit deux fois plus de véhicules dans le monde qu’en France. Il s’est intéressé, pour sa production à la Slovénie et à la Turquie, jetant un œil sur la Russie et l’Amérique latine. Présent depuis 30 ans en Chine, il n’a que 3% du marché : Mercedes, Toyota, Audi et BMW se débrouillent bien mieux.
Un chiffre est éloquent : avec un marché potentiel dix fois plus important, la France produit moins de voitures aujourd’hui qu’en 1965 !
Quel rôle peut donc jouer Montebourg autre que mécène obligé devant une entreprise qui pense beaucoup plus à ses actionnaires qu’à fabriquer de bonnes voitures ? Inventer un nouveau bonus ? — Dérisoire. L’idée : offrir 4.000 euros pour l’achat d’une hybride au lieu de 2.000. Bien, alors précipitez-vous tous sur la Toyota Yaris (fabriquée en France !), la Prius ou la Honda Jazz ! Elles sont beaucoup plus économiques (22.000 euros). C’est Peugeot qui va être content : la moins chère de ses hybrides, la 3008 Suv-crossover, coûte 35.400 euros. Un prix… confidentiel.
Autre bonus proposé pour les voitures totalement électriques : 7.000 euros (au lieu de 5.000). Ridicule : les Peugeot Ion et Citroën C-Zéro sont des Mitsubishi, achetées aux Japonais ! De plus, avec une autonomie de 100 km, vous allez envahir le marché, vous ? Montebourg aimerait aussi se fâcher contre les Coréens. Hyundai-Kia plus précisément : « c’est une concurrence déloyale », dit-il. Les Coréens ont en effet le droit de vendre en Europe sans taxation particulière. Il oublie simplement que les Hyundai-Kia sont fabriquées en Europe ! Et General Motors est sur le coup : avec les Chevrolet, héritières de feu Daewoo, GM veut récupérer ses 7% investis chez PSA.
En résumé, Mathieu Agostini, responsable de l’écologie au Parti de Gauche, trouve absurdes les propositions de Montebourg : « En utilisant l’argent public pour soutenir à court terme l’industrie automobile, le gouvernement fait le jeu du capitalisme… Aujourd’hui ce sont les salariés des sites français qui payent l’addition de la concurrence libérale. L’État reproduit les mesures de la droite qui ont conduit à cet échec : l’année dernière, PSA a dégagé 600 millions de profits dont 250 ont été redistribués aux actionnaires. En 2010, l’industrie automobile a reçu 1 milliard d’euros de prime à la casse et 6 milliards d’euros de prêts avantageux… Voilà à quoi sert l’argent public, à la rémunération des actionnaires… Les comportements épileptiques de Montebourg, qui court d’entreprise en entreprise pour négocier avec le patronat et leur accorde l’argent public, est caractéristique de cette absence de vue à long terme. »
Trois gaffes majeures
Autre contradiction : le coût du travail en France est pointé du doigt. C’est une autre absurdité : ce prix de la main d’œuvre ne compte que pour le vingtième du prix final d’une voiture. De plus, dans l’automobile, un ouvrier allemand coûte plus cher qu’un ouvrier français ! En 10 ans, la France a produit 37% moins de voitures et l’Allemagne, 11% de plus : cherchez l’erreur.
Et bouchez-vous les oreilles quand vous entendez la Parizot, son MEDEF, ou les grotesques ministres battus, vous ressasser les charges patronales excessives : elles n’ont rien à voir dans l’histoire.
En attendant, Toyota confectionne ses Yaris à Valenciennes, les exporte aux États-Unis et trouve tout cet environnement français très performant…
Enfin, dans tous ses licenciements, Peugeot a viré 1.400 ingénieurs de Montbéliard et Poissy. L’arrivée de General Motors a entraîné des ruptures obligées avec Mitsubishi (l’électrique) et BMW (les moteurs). Voilà 3 gaffes majeures. On ne peut faire plus stupide.
Les rémunérations 2010• Philippe Varin (Président) : 3.253.700 € (271.142 € par mois, 1,78 MF) |
Les vraies ressources !
Maintenant qu’a été brossé un portrait (très succinct) de PSA (ses pertes, ses bêtises techniques et commerciales, ses contradictions, les réactions godiches du gouvernement), passons à l’ironie de Pierre Deruelle, et le rire sous cape de Philippe Varin, qui, de fait, se fiche éperdument de fabriquer des voitures, son groupe fonctionnant à merveille sans produire ces idiotes d’automobiles.
Il faut rappeler que Peugeot, créé en 1800, ne fabriquait bien sûr pas d’autos, mais des vêtements pour la Grande Armée de Napoléon (voir encadré). Et pendant tout le XIXème siècle, produisit des moulins (café, poivre, sel) et de l’outillage : cette production existe toujours (les scooters en plus) !
Aujourd’hui, les filiales se portent à merveille :
• FAURECIA : équipements (sièges, planches de bord, échappements). Meilleur client : VW (25%), puis PSA (17%), Renault Nissan (12%), Ford (11%), General Motors (9%). Dirigée par Yann Delabrière et Robert Peugeot (qui détient 57% du capital), Faurecia emploie 84.000 personnes. Le chiffre d’affaires a augmenté de 7 milliards d’euros en 3 ans : personne ne semble s’en plaindre, pour le moment…
• GEFCO : transport et logistique. Soit 4 millions de voitures et 3.800 camions transportés, 3.500 wagons et 130 pays approvisionnés. En 2011, le chiffre d’affaires s’est élevé à 3,7 milliards d’euros, générant un bénéfice de 223 millions d’euros, soit une augmentation de 12,6% par rapport à l’année précédente. Vous avez parlé de crise ? Même si le PDG Yves Fargues souhaiterait une vente partielle de ce bijou à 100% Peugeot, personne ne semble se plaindre, en ce moment.
• BANQUE PSA Finance : la perle ! En 2011, 3% du chiffre d’affaires de PSA (1,8 milliard d’euros) mais 40% du bénéfice total (507 millions d’euros) ! À cette propriété 100% Peugeot, viennent se greffer les sous-filiales d’assurance : PSA Service Ltd, PSA Insurance et PSA Life Insurance Ltd.
Tolérant, Pierre Deruelle précise : « Ces filiales sont domiciliées à Malte. Cela n’a rien à voir avec le fait qu’il s’agisse d’un paradis fiscal, mais simplement parce qu’il y fait un temps superbe. » Là encore, personne ne semble se plaindre. Aucun syndicat en vue, pas une pancarte : le bonheur.
Sans oublier que la bonne banque PSA Finance a émis, en juin dernier, une obligation à taux fixe de 600 millions d’euros (avec quelques copains comme BNP Paribas, Bank of Tokyo, HSBC ou le CIC).
Il apparait aujourd’hui évident que Philippe Varin se fiche éperdument des 8.000 exclus, dont les 1.400 ingénieurs qui depuis plus d’un siècle ont su créer, inventer, faire progresser un des plus beaux fleurons automobiles de la planète. Son esprit bouillonne beaucoup plus sur les nouveaux traders, analystes, courtiers ou autres paradis fiscaux que sur les garages crapouilleux, les clés de 12 égarées ou les fosses huileuses.
Je laisse la conclusion à Pierre Deruelle. Je l’adore : « Augmenter le taux de rentabilité des actionnaires du Groupe en fabriquant des voitures, je me demande bien qui a pu avoir une idée aussi saugrenue chez PSA ! »
Créateur… et collabo• 1800 : Vêtements pour la Grande Armée de Napoléon, travail du coton à Montbéliard. |