Quand M. Mitterrand flatte l’encolure
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Publication : novembre 1976
Mise en ligne : 12 mars 2008
A l’invitation d’une revue économique et de
la télé, le Premier Secrétaire du Parti socialiste,
entouré de quelques amis, a « planché » devant
400 chefs d’entreprises dont 300, d’après un sondage, prévoient
- en la redoutant - sa montée au pouvoir.
Curieux spectacle que ces auditeurs cravatés, imbus de leur importance
et persuadés que, sans le secours de leur haute direction, les
travailleurs se croiseraient les bras, les machines s’arrêteraient
et la terre cesserait de tourner.
En face, le candidat au diplôme de bon citoyen, tentant de les
rassurer et, peut-être, de les séduire.
Quelques chefs seulement siégaient à la tribune et posaient
des questions. Privilège de la hiérarchie, les gros banquiers
défendaient la banque privée (à laquelle le leader
socialiste eut la courtoisie de rendre hommage), des marchands de canons
vilipendaient le Programme Commun (qui prévoit de les nationaliser).
M. Mitterrand a conforté les porteurs d’actions qui, devenus
porteurs d’obligations, seront assurés de recevoir un profit
sans risque, présage d’une vieillesse heureuse.
Il a rassuré aussi ceux qui considèrent que ce qu’on appelle
« l’économie de marché » reste pour lui et
son Parti la seule formule possible.
C’est que l’on se plaît (et nul apparemment n’y trouve à
redire) à jeter la confusion dans les esprits en mettant dans
le même panier le marché du coin où s’achètent
les carottes et les navets, avec ce « Marché », qui
passe loin par-dessus nos têtes, terrain d’exercice des faiseurs
de gros profits (que l’on a toutes raisons d’appeler des profiteurs),
des dominateurs et des rassembleurs de monopoles internationaux.
Que le même vocable désigne deux choses aussi différentes,
c’est déjà, dans le langage, une troublante incertitude.
Mais qu’on entretienne cette imprécision, même - peut-être
- de bonne foi, c’est une preuve d’ignorance ou de tromperie. Voilà
ce qu’il aurait fallu dire - et que personne n’a dit - aux ventres dorés
venus chercher dans ce forum l’art et la manière de supporter
un gouvernement de « Gauche » et de n’en pas moins dormir
sur ses deux oreilles et sur un confortable matelas bien rembourré...