Si demain la gauche...

Soit dit en passant
par  G. LAFONT
Publication : mars 1977
Mise en ligne : 27 février 2012

Mais oui, au fait, si demain la gauche... Enfin, vous voyez ce que je veux dire. Il serait peut-être temps d’y penser sérieusement. Les élections législatives ne sont pas loin. Et la campagne électorale est ouverte depuis un moment déjà avec les grandes manoeuvres que sont les élections municipales et toute la grosse artillerie qui est mise en action.

Je ne voudrais pas faire l’injure aux nombreux candidats des formations politiques de gauche, de droite, du centre, et aussi d’ailleurs, de n’avoir pas réfléchi à la question avant de s’engager dans la bataille dont dépendra demain le sort de notre cher et vieux pays et, accessoirement, celui des 53 millions de Françaises-Français, et néanmoins contribuables. Rassurez-vous, ils y ont tous pensé. Mais pour la plupart d’entre eux, de ceux du moins qui espèrent être élus, et si possible devenir ministres de quelque chose, les préoccupations ne vont guère au-delà de la bataille de 1978 et de la victoire de leur propre parti qui en sera le couronnement. Après, on verra. L’important n’est-il pas de tenir le pouvoir, et, autant que faire se peut, de le conserver ?

Justement. C’est de le conserver qu’il s’agit. Et c’est là que les choses se compliquent. M. Gaston Deferre, ex-Monsieur X, qui fut, il y a quelques années déjà, candidat à la présidence de la République, mais qui, ce coup-ci, se contenterait modestement du rôle de Premier ministre, M. Gaston Deferre, qui ne voudrait pas se laisser surprendre par la victoire, comme d’autres en 1936, s’est posé les questions que tout un chacun se pose, ou plutôt, il se les est tait poser par Pierre Desgraupes. De cet entretien il a tiré un bouquin dont vous avez peutêtre entendu parler, et que vous pouvez vous offrir pour quinze balles si vous n’êtes pas fauchés, « Si demain la gauche... ».

Le maire de Marseille nous y révèle, si j’en crois la publicité, ce qui changera si la gauche gagne les élections de 1978. Je ne suis pas Mme Soleil, mais j’aime autant prévenir tout de suite les petits curieux qui me lisent pour leur éviter une dépense inutile : rien ne sera changé.

Parce que remplacer une équipe ministérielle par une autre équipe, un économiste distingué par un autre économiste encore plus distingué, un énarque par un autre énarque, M. Olivier Guichard par M. Tartempion, M. Lecanuet par le pompier de service, un plan de redressement par un nouveau plan de redressement, sans s’attaquer aux structures mêmes du système capitaliste, c’est de la foutaise. Et tous les beaux discours électoraux qui ne tiennent pas compte de ce fait, ne sont que calembredaines, comme dirait M. le Premier ministre. Cela a été suffisamment dit et démontré ici. M., Gaston Déferre ne peut l’ignorer. Qu’espère-t-il alors ? Un miracle ? Ou bien se faire, comme Léon Blum, le gérant loyal du Système ? On en a vu le résultat. Ce serait trop triste.

La gauche porte aujourd’hui les espoirs de millions de Français qui voudraient que cela change enfin, mais pas seulement en paroles. Les décevoir serait très grave. J’en connais qui n’attendent que ça.

On prête au Président de la République - on ne prête qu’aux riches - qui gamberge beaucoup en ce moment, une idée un peu machiavélique. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais à tout hasard - et à bon entendeur salut - la voici.

Si demain la gauche, comme dit Gaston, gagnait les élections, Giscard nommerait Mitterand Premier ministre, il le laisserait appliquer son programme commun, patauger entre la récession et l’inflation, ranimer le franc, réduire le chômage, contrôler les prix, équilibrer le budget, nationaliser la betterave, et, en l’aidant un peu, à foutre la pagaille dans la baraque. Bref, il le laisserait se démerder, comme tous les autres l’ont fait avant lui, jusqu’à l’échec final. Et c’est là qu’il l’attend. Au virage.

C’est de la politique fiction, bien sûr. Mais qui sait ?

L’Agence Gamma expose en ce moment à la galerie NIKON dix ans de grands photo-journalisme en cinquante documents, parmi lesquels on a la joyeuse surprise de découvrir Giscard d’Estaing en personne au milieu d’un groupe où l’on reconnaît Aimable et Yvette Horner, tous la bouche en coeur et l’accordéon en bandoulière, entonnant un gai refrain. Lequel ? La Marseillaise ou Ça ira mieux demain ? Je l’ignore. Mais cela se passe au Festival Mondial de l’Accordéon.

Tout ce beau monde nage visiblement en pleine euphorie. Ce n’est plus la déprime et Giscard a retrouvé le moral. Peut-être fête-t-il entre amis, et par anticipation, la victoire de la gauche en 1978.

Moi, si j’étais à la place de Gaston, je ferais quand même gaffe.


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