À propos de l’égalité des revenus.

Tribune libre
par  F. CHATEL
Mise en ligne : 30 juin 2007

L’un des trois principes fondamentaux de l’économie distributive ou économie de partage, fixe la masse monétaire créée pendant une période donnée à l’équivalent de la masse des productions créées et mises en vente au cours de cette même période. De cette masse disponible sont extraits les moyens de financer, pendant la période suivante, une nouvelle production et le fonctionnement des services publics. Le reste constitue la masse totale des revenus individuels.

Un autre principe de cette économie est que chaque individu doit recevoir, de la naissance à la mort, un revenu social suffisant pour pouvoir en vivre décemment, donc librement.

Or, dans nos pays équipés, il faut prévoir que cette masse disponible pour les revenus individuels puisse excèder le financement du revenu social garanti. La répartition d’un “supplément” disponible pose alors un problème politique. Il peut servir, comme le suggèrait déjà Jacques Duboin, à augmenter égalitairement, en tout cas à âge égal, le montant du revenu social individuel. C’est cette politique que défendait François Châtel dans la GR 1073 de février dernier, estimant que c’est la marque d’une société évoluée que ses membres soient capables d’assumer les tâches nécessaires sans y être incités par un surplus de revenu. Mais Caroline Eckert, dans la Tribune libre de la GR 1075 d’avril, soulevait alors la question des tâches pénibles, inintéressantes mais nécessaires : comment les assurer en économie de répartition sans l’appât d’une prime ? À quoi Éric Goujot répondait (GR 1076) qu’admettre l’idée d’un “salaire” additionnel c’est retomber dans la compétitivité et les surenchères, et que mieux valait donc compenser des efforts particulièrement courageux par plus de temps libre. François Châtel revient ici sur le principe de l’égalité des droits économiques :

Tout d’abord, je remercie Caroline Eckert de ses remarques constructives au sujet de mon article sur l’égalité des revenus.

En ce qui concerne les travaux pénibles ou ennuyeux en économie distrîbutive, le service civique intégré dans le contrat civique semble en effet tout à fait approprié et pourrait, par exemple, être organisé en une ou plusieurs périodes réparties sur une ou plusieurs années. Aujourd’hui, au cœur d’un système dans lequel la reconnaissance sociale de chacun(e) est essentiellement basée sur l’Avoir, aucun obstacle ne semble s’opposer à l’idée allouer un revenu supplémentaire pour accomplir des tâches considérées comme pénibles : l’évaluation de sa position sociale par l’argent ou ses biens matériels ne pose aucun problème.

Par contre, à mon avis, demander un surplus financier sera devenu dégradant dans un système ayant évolué vers la considération de l’être, vertus morales et civiques comprises. Voir que son temps de vie et d’activité est comparé à de l’argent ou à un objet de consommation, sera considéré alors avilissant, comme synonyme de déchéance dans cette société. Comme était jugé le travail dans la Grèce Antique.

Il ne viendra pas, je pense, à l’idée d’une telle société de proposer un tel surplus financier, ni à ses membres d’en solliciter un.

Dans un système transitoire, les solutions peuvent résulter de débats d’opinions ou de décisions issues du gouvernement en place.

Caroline Eckert fait la distinction entre des activités intellectuelles ou créatrices et des travaux pénibles ou ennuyeux, certainement à juste titre, mais il me semble difficile d’en établir la frontière, car la pénibilité et l’ennui d’un travail se trouvent reliés à la subjectivité, aux mœurs présentes, à des considérations qui me semblent difficiles à appréhender. Ce qui paraît pénible et non gratifiant à une époque peut s’avérer le contraire quelque temps après. Question d’éducation, d’adaptation à une situation historique particulière, etc… J’éprouve une réelle difficulté à établir une liste de ces travaux.

L’aide aux personnes âgées dépendantes ou gravement handicapées peut, il est vrai, par exemple, apparaître comme une activité ingrate. Dans le même domaine de l’aide sociale, l’activité de pompier connaît des moments très pénibles, elle suscite pourtant aussi beaucoup de volontariat.

À mon avis, c’est à la société, en fonction des propositions d’activités, d’établir au présent les tâches jugées pénibles. Et je pense aussi que tout travail créatif et intellectuel n’exclut pas de faire des travaux non enrichissants mais nécessaires. Trier ses déchets, vider ses poubelles, faire le ménage, laver son linge, le repasser, exécuter certains travaux d’entretien courants, tous ces actes peuvent faire partie du quotidien, même pour un intellectuel ! Le dessinateur doit de temps en temps tailler son crayon, et le chercheur ranger son bureau pour y voir plus clair. Toute activité enrichissante comporte très souvent une part de travail pénible ou fastidieux.

Je pense que ces tâches serviles font partie, comme pour certains faire la cuisine ou nettoyer son environnement, du contact utile et bienfaiteur avec la réalité quotidienne.

Bien entendu, il n’est pas exclu de s’employer à se débarrasser de ces tâches considérées peu enrichissantes. Les Grecs de l’antiquité employaient des esclaves pour exécuter ce genre de tâches. Aujourd’hui nous avons la possibilité, d’une manière autrement plus humaine, d’utiliser des machines robotisées et même autonomes. Avis aux inventeurs.

En conclusion, je pense qu’en économie distributive la société peut disposer, au choix, du service civique et de la création de machines pour s’acquitter des besognes considérées à une époque donnée comme pénibles ou ingrates.


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