Au fil des jours
par
Publication : octobre 1982
Mise en ligne : 28 mars 2008
Décidément rien ne nous aura été épargné
pour cette rentrée après Barre à Europe 1, on a
eu droit à Giscard sur Antenne 2 ! Je dois vous avouer, cependant,
que je n’ai ni entendu l’un, ni vu l’autre, car j’avais des choses bien
plus importantes à faire (le Fil des Jours, par exemple). Je
suis quand même scandalisé du culot de ces personnages
démonétisés qui viennent donner des leçons
au lieu de se faire oublier. Car, n’en doutez pas, la situation de notre
pays serait bien pire si ces sinistres compères et leur clique
étaient restés au pouvoir. Il suffit de voir ce qui se
passe dans les pays industrialisés où sévit le
libéralisme économique qui leur est cher : en Angleterre,
le nombre des chômeurs vient de dépasser les 3 millions
trois cent mille (un travailleur sur sept est au chômage), le
nombre des faillites a augmenté de 30% par rapport à l’an
dernier ; aux États-Unis, le nombre des chômeurs avoisine
les 12 millions et durant la semaine du 23 au 29 août, il y a
eu plus de faillites d’entreprises que dans aucune semaine depuis la
crise des années 30 (depuis le début de l’année
1982 le nombre des faillites a augmenté de 47 0/o par rapport
à la même période de 1981) ; en Allemagne Fédérale,
le nombre des chômeurs ne va pas tarder à dépasser
deux millions et les faillites se multiplient (voir AEG Telefunken !)
...
Vous voyez que, malgré tout, avec notre gouvernement socialiste,
nous ne faisons pas pire que les autres.
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Ce que nous pouvons reprocher à nos gouvernants, c’est de vouloir nous sortir de la crise par les méthodes habituelles du capitalisme. Ça ne peut pas marcher. Mais que voulez-vous, les économistes qui conseillent nos ministres ont été formés sur les mêmes bancs que les économistes libéraux (certains ont même peut-être eu Barre comme prof. !) et ils sont incapables d’imaginer quelque chose de nouveau. Les malheureux, ils croient que l’économie est une science !
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Mais pourquoi essaient-ils de nous cacher la vérité sur
le chômage ? Toutes les enquêtes sérieuses montrent
en effet que le chômage, tel que nous le connaissons, persistera
très longtemps : selon un rapport publié dans la dernière
semaine du mois d’août par le Fonds Monétaire International,
le taux de chômage à la mi-82 avait progressé de
8 0/o dans l’ensemble des pays industrialisés. Le rapporteur
ne voyait aucun indice de renversement de tendance pour les années
à venir.
C’est pourquoi, la Commission Européenne veut présenter
rapidement au Conseil des Ministres de la Communauté un nouveau
programme anti-pauvreté car l’accroissement du chômage
augmente considérablement le nombre de personnes vivant dans
la pauvreté en Europe. Les défenseurs de ce programme
insistent sur les risques que font courir aux démocraties la
croissance de la pauvreté et du chômage.
Mais au fait, c’est peut-être là- dessus que compte le
troisième compère, Chirac, pour prendre le pouvoir à
la Hitler ?
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Je ne résiste pas au plaisir de livrer à votre réflexion
un petit problème monétaire très significatif Comment
expliquer qu’un pays en proie à la guerre civile, à feu
et à sang depuis des années, qui ne possède presque
aucune ressource naturelle et qui ne produit rien, le Liban, ait une
monnaie très solide, mais que, par contre, un grand pays, exportateur
de pétrole, disposant de ressources naturelles, vivant en paix,
le Mexique, soit, lui, en faillite ?
Réponse dans le prochain numéro pour ceux qui ne la connaissent
pas.
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Autre exemple d’incohérence, la rubrique « Economie »
du « Monde » du 3-8-1982 : « Dépression persistante
sur les matières premières » : cuivre, au plus bas
depuis cinquante ans ; sucre, l’effondrement ; aluminium, une crise
sans précédent ; cacao et café, surproduction générale...
Bref, tout baisse et c’est une catastrophe, mais, pourtant, tous les
jours les économistes du « Monde » déplorent
la hausse des prix.
Bien mieux, dans la même page de ce numéro du « Monde
», l’éditorialiste écrivait : « En ce qui
concerne les matières premières industrielles, notamment
les métaux, la persistance de la crise dans les pays occidentaux
pèse toujours sur les cours, et ceci, malgré l’apparition
de conflits armés traditionnellement propres à déclencher
une fièvre d’achats de précaution. Ni l’affaire des Malouines
ni celle du Liban n’ont provoqué de tensions, pas plus que le
rebondissement de la guerre entre l’Iran et l’Irak. Vis-à-vis
du cuivre et du plomb, métaux « guerriers », le canon
ne fait plus recette, du moins à l’heure actuelle. »
Moi, j’ajouterai : « Eh bien, tant mieux ! »
***
Certains ont quand même une vue plus saine des choses : ainsi dans son livre « Vers une société du temps libre » (P.U.F.), Roger Sue écrit : « La crise, c’est d’abord la crise du travail. » En effet, l’automatisation et la crise énergétique se sont conjuguées pour porter le chômage à un niveau jamais atteint. « A terme, le travail contraint disparaîtra totalement grâce aux progrès technologiques et aux processus d’automatisation. Il faudra alors faire face au temps de la liberté retrouvée. Inventer une nouvelle forme d’organisation sociale qui permette l’expression des multiples libertés. »