Au fil des jours
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Publication : mars 2014
Mise en ligne : 21 juin 2014
Pas fous, les Islandais !
« L’Islande s’éloigne de l’Union européenne sans référendum » [1]. Cela semble scandaliser le journaliste qui rapporte qu’une proposition de loi de la majorité prévoit de retirer la candidature de Reykjavik à l’UE sans consulter la population. Comme si, dans l’UE, organiser un référendum servait à quelque chose ! Les exemples de leur inutilité ne manquent pourtant pas, on l’a constaté : quand les résultats ne sont pas conformes aux souhaits des Eurocrates, ceux-ci passent outre, tout simplement (cas de la France), ou font revoter (Pays-Bas, Irlande).
Les Islandais vont ainsi s’économiser les frais d’organisation d’un référendum inutile.
Selon les derniers sondages, 25% d’entre eux seulement souhaitent que leur pays rejoigne l’UE.
La “crise” est passée par là et a fait changer d’avis une grande partie de la population. Comme le remarque un Islandais moyen « la valeur de la couronne islandaise a chuté de 50% en quelques mois, ce qui a soutenu nos exportations et le tourisme. Avec l’euro nous n’aurions pas eu cette souplesse », conclut-il très justement.
En fait, c’est la question de la pêche, qui représente 43% des exportations islandaises, qui est plus important point d’achoppement des négociations avec l’UE. Un grand exportateur de poissons le souligne : « nous avons mis des années à nous adapter aux quotas établis par le gouvernement pour éviter la surpêche et maintenant que le système fonctionne pourquoi Bruxelles viendrait-elle s’en mêler ? » (ce système de quotas par espèces est très soigneusement révisé chaque année par le gouvernement). « Plus je réfléchis, moins je vois ce qu’on gagnerait à rejoindre l’Europe », ajoute-t-il.
Ce point de vue, majoritairement partagé par les Islandais, ne l’est généralement pas par les entreprises de services : elles se plaignent du contrôle des changes rigoureux mis en place en 2008 pour freiner les sorties de capitaux. Et ça non plus, on ne peut pas le faire dans l’UE de la concurrence libre et non faussée !
Les joies du PPP
Dans « La démocratie en question… » [2], Marie-Louise Duboin énonçait les méfaits des Partenariats Public-Privé et citait, entre autres, le cas du Centre Hospitalier Sud Francilien (à Évry). Or on vient d’apprendre [3] que la direction de ce Centre a entrepris la résiliation du bail qui le lie au groupe de bâtiments et travaux publics Eiffage. Le communiqué de la direction précise que cette décision « permettra de générer pour la puissance publique une économie de 600 à 700 millions d’euros » (au passage, admirez le style…). Cette résiliation négociée se soldera par un versement de 80 millions d’euros à Héveil, filiale d’Eiffage (qui en demandait 194… !), selon un protocole d’accord resté secret. L’hôpital était depuis trois ans au cœur d’un litige administratif et financier à cause de retards, malfaçons et autres défaillances
Encore plus fort…
Les Allemands ont inventé (sous Hartz et Schröder) les emplois à un euro l’heure. Les Anglais font encore mieux : ils ont créé les contrats à “zéro heure”. Ce sont des contrats sans garantie ni d’un temps de travail, ni de salaire minimum, les horaires peuvent fluctuer d’une semaine à l’autre et les salaires varier dans d’importantes proportions. Qui plus est, ces employés peuvent être prévenus du travail qui les attend d’un simple coup de téléphone ou par texto, quelques heures avant leur prise de service.
À l’origine, ces contrats ne concernaient que des emplois peu qualifiés comme l’accompagnement des malades ou la manutention, mais maintenant ils s’étendent à tout le marché du travail. Si les syndicats et les travaillistes souhaitent les faire interdire par la loi, il n’en est évidemment pas de même de la coalition libérale-démocrate actuellement au pouvoir : elle considère que ces contrats « contribuent à la souplesse nécessaire à la solidité de l’emploi britannique ». Selon l’agence Reuters, ces contrats représentent un cinquième des emplois créés depuis fin 2008. Après ça, allez comparer les taux de chômage des divers pays… !
Le nouveau capitalisme criminel
C’est le titre d’un essai écrit par Jean-François Gayraud, commissaire de la Police Nationale et ancien membre de la Direction de la Surveillance du Territoire. « L’approche criminologique de la crise financière de 2008 est tout aussi éclairante que l’analyse économique », explique-t-il au journaliste qui l’interwieve [1]. « Parler de capitalisme criminel est donc un constat technique, pas une métaphore ». Pour lui, c’est « la mutation du capitalisme dans les années 1980, de sa forme industrielle et fordienne vers sa forme actuelle dérégulée, financiarisée et mondialisée, qui l’a rendue fortement criminogène ». C’est le choix politique et idéologique de la déréglementation des marchés, couplé au développement des nouvelles technologies qui a permis cette mutation. En étudiant de près les scandales financiers récents, on peut constater que le « crime n’est pas une défaillance individuelle mais une dimension du système lui-même ». Soupçonné par le journaliste d’être sensible à la “théorie du complot”, Gayraud rétorque : « il ne s’agit pas d’un complot mais de la convergence spontanée de comportements criminels facilités par un système devenu déviant […] Je cherche à comprendre pourquoi, à un moment donné, le système économique et financier a pu devenir aussi criminogène ». Selon lui, seuls les États peuvent parvenir à réguler le système. « Face à des pouvoirs transnationaux, l’État reste le siège ultime de la souveraineté et des libertés. Je crois à la démocratie élective et à la volonté populaire : si les peuples reconquièrent cette souveraineté, ils pourront imposer l’État de droit ».