Avertissement aux nouveau-nés

Réflexion
par  P. VINCENT
Publication : juillet 2005
Mise en ligne : 17 janvier 2006

Nous avions un Ministre des Cultes et de tout le reste qui, pour faire progresser la moralité et faciliter la tâche de la police, principalement dans les banlieues, veut aider les religions à introduire en chacun de nous un flic appelé Dieu ou autres expressions synonymes.

Voici maintenant un Ministre des Finances qui tient un discours théologique en prêchant l’existence d’un péché originel, pas celui dont le Christ nous a racheté, mais un autre bien plus grave. Ne vient-il pas d’annoncer à tous les nouveau-nés qu’ils allaient trouver dans leur berceau leur quote-part de plus de 1.000 milliards d’euros de dettes accumulées par leurs aïeux, des égoïstes dont « l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice » comme disait le Maréchal.

À qui devront-ils rembourser de telles dettes ? Thierry Breton ne nous l’a pas précisé et c’est dommage. Il est bien sûr décevant pour nos gouvernants que lors du dernier référendum une majorité de gens se soient montrés incapables de comprendre ce qu’ils s’étaient donné tant de mal à leur expliquer, mais pour cette histoire de dettes j’aurais aimé qu’il fassent encore un effort.

Les Américains eux aussi ont d’énormes dettes et pourtant personne ne leur dit qu’ils vivent au-dessus de leurs moyens. Mais ce sont surtout des dettes extérieures et les dettes entre États n’ont peut-être pas grande importance, vu que quand des pays ne peuvent plus ou ne veulent plus les payer, sauf à risquer de déclencher des guerres ou des révolutions, on finit par les annuler, ce que prône inlassablement notre Président dans les réunions internationales, en dépit de nos propres difficultés.

Mais nos dettes ne sont-elles pas plutôt des dettes franco-françaises ? Si certains nouveau-nés vont devoir en assumer une quote-part plus ou moins importante, d’autres au contraire ne naîtront-ils pas titulaires de confortables créances sur l’État s’ils ont la chance que leurs ascendants aient investi dans des emprunts juteux, comme nos gouvernants ont toujours su en inventer ?

Je lis par exemple dans le Quid 2004 (page 2029 c) :
• que la rente Pinay 4,5 % indexée sur l’or et exemptée de droits de succession fut émise en 1953 sur la base d’un napoléon à 36 F alors qu’en 1980 celui-ci culminera à 1130 F (page 2021 a),
• et que l’emprunt Giscard 7 % émis en 1973 suivant un mode d’indexation plus savant (un rapport entre le franc et l’unité de compte européenne servant à fixer les prix agricoles) fut remboursé 55 milliards de F en 1988 au lieu des 6,5 prévus, après versement de 35 milliards de F. d’intérêts au lieu de 6,8 milliards.

Il faut certes tenir compte de la dépréciation du franc, mais ce n’était quand même pas un trop mauvais placement alors que se trouvaient complètement floués les petits épargnants voués à l’épargne classique, avec des taux d’intérêt souvent inférieurs au taux d’inflation et, au bout de 50 ans d’existence d’un livret de Caisse d’Epargne, le remboursement du capital en francs presque entièrement dévalorisés, ceux récupérés en l’an 2000 ayant perdu 9/10 de leur pouvoir d’achat par rapport à ceux épargnés en 1950.

On aimerait que le gouvernement nous explique qui sont aujourd’hui les créanciers de l’État et la façon dont s’est constituée envers eux cette dette de plus de 1.000 milliards d’euros. L’héritage des socialistes ? On veut bien, mais quelques faits précis, s’il vous plaît ! Les emprunts cités plus haut et qui ne leur sont pas imputables ne sont pas des exemples d’une bonne gestion du bien public.

C’est dommage que celui qui n’a pas étudié l’économie soit obligé de chercher lui-même ses informations dans les encyclopédies de sa bibliothèque, ou sur internet s’il sait se servir de google. Quand Valéry Giscard d’Estaing n‘était encore que Ministre des Finances, il se donnait la peine de venir à la télévision s’expliquer devant les Français et parfois débattre longuement de questions économiques. Je me souviens qu’avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, un autre polytechnicien, ils s’étaient un jour tous deux expliqués, une craie à la main, devant un tableau noir. Tout cela était très pédagogique. Valéry Giscard d’Estaing, puisqu’il fut peu après élu Président, s’était montré à l’époque plus convaincant que nos gouvernants d’aujourd’hui. Etait-il plus intelligent, ou le peuple français plus naïf ?

Il faut aussi noter que, pour essayer de réduire cette dette, l’État a vendu presque tous les biens de famille. Les Sociétés que le général de Gaulle avait nationalisées au lendemain de la guerre comme devant appartenir collectivement à la Nation, on ne cesse de les privatiser depuis 20 ans, tous gouvernements néogaullistes ou soi-disant socialistes confondus, et cela continue tant qu’il en reste encore. En 1987, ces privatisations auraient rapporté (toujours selon le Quid) 67 milliards de F. Il ne reste plus malheureusement de quoi faire aussi bien cette année.


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