Défense d’une génération


par  Ed. CHARPENTIER
Publication : 1er décembre 1935
Mise en ligne : 29 septembre 2006

La jeune génération accable souvent celle qui la précède de reproches amers. Il est humain que ceux qui arrivent à l’âge d’homme s’en prennent à ceux qui sont devant eux, leur bouchant l’avenir et les accusent d’être la cause des maux dont ils souffrent.

Qu’ils s’indignent de voir leur bonne volonté inutilisée, leurs efforts dédaignés, leurs espoirs contra carnés par une société où ils ne trouvent point leur place, qui pourrait s’en étonner !

Mais est-il juste de rendre responsables ces aînés du désordre du monde actuel et peut-on leur reprocher de n’avoir pas profité des occasions de l’après-guerre pour une refonte de notre société ?

Les hommes qui ont aujourd’hui entre 40 et 50 ans ont eu un tragique et splendide destin. Leur enfance a vu la naissance et le développement prodigieux des inventions mécaniques les plus surprenantes, celles qui touchent le plus près l’homme et dont il fait maintenant un usage journalier. Le machinisme du XlXe siècle s’était appliqué à la grosse industrie, ses merveilles étaient surtout d’usine et de laboratoire.

Enfants, ils ont vu les premières autos, les premiers sous-marins

jeunes gens, les premiers avions, les premiers phonos, les premiers films plus tard, les premiers appareils de T. S. F.. Le téléphone, I’éléctricité s’introduisaient partout.

Et quand, enthousiasmes pal’ tant de conquêtes, ils commençaient, à l’âge d’homme, à joindre leurs efforts de réalisateurs à ceux de la génération de chercheurs qui les précédaient, on était en 1914...

Ils firent la guerre tous avec des illusions qui, chez la plupart, durèrent quatre ans ; illusions qui, heureusement, les soutinrent, puisque les perdre n’aurait laissé aux meilleurs d’entre eux d’autre issue qu’un suicide. Ils la firent avec courage - ce courage militaire auquel on nie toute valeur, quoiqu’il soit nécessaire aussi au révolutionnaire - et avec cet esprit pratique d’organisation et de recherche du résultat avec le minimum de risques et d’efforts qu’ils avaient puisé dans les sports et dans les méthodes américaines.

40 % des leurs restèrent sur les terrains lunaires ut dans les hôpitaux.

Et la paix vint, et la fuite des dernières illusions qu’ils avaient pu se faire sur elle.

Ils avaient 30 ans et, sur les dix dernières années, en avaient passé sept dans l’armée. Ils étaient à la fois très, mûris et très jeunes, très désabusés et un peu cyniques, et ils avaient acquis un mépris solide pour les barbes et les laïus quarantehuitards de leurs aînés

« Trop jeunes pour Sedan et trop, vieux pour Marne ».

Le monde avait à réparer. Il y avait du travail pour tous. Ils s’attelèrent à la production et en firent leur dieu.

Et la production devint ce que l’on sait. Les usines, les barrages, les laboratoires s’édifièrent. Les machines, la rationalisation enlevèrent chaque jour à l’homme un peu de son travail, un peu de ce pain qu’il devait gagner à la sueur de son front. Le jour est venu où cette sueur est inutile. L’homme calcule, invente et contrôle. Demain, il n’aura même plus à contrôler.

Certes, ce faisant, ces hommes n’ont pas prévu las conséquences sociales de la révolution technique qu’ils apportaient. Certains ne les ont aperçues qu’une fois la belle machine détraquée. Beaucoup ne les voient pas encore.

Mais ils l’ont faite, cette révolution.

Et l’évolution sociale qui va suivre, ils l’ont rendue possible dans les meilleures conditions.

Que les jeunes ne leur reprochent donc pas de ne point avoir de suite adapté la société à l’abondance qu’ils créaient.

Car cette besogne qui, plus tard, paraîtra tellement plus simple que d’en avoir créé les conditions économiques, porte sa difficulté dans l’esprit.

Et pour cela, elle est plus facile aux jeunes, parce qu’ils voient plus simple, plus neuf et qu’ils ont un enthousiasme avide.

Jeunes hommes, cessez vos plaintes. Vous avez un avenir magnifique !

Avant de distribuer, il fallait produire. Les fruits sont là, maintenant, pour tous. Les mains se tendent...


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