L’aviation
par
Publication : 1er décembre 1935
Mise en ligne : 4 octobre 2006
J’avais l’intention de poursuivre l’exposé des lacunes qu’il est aisé de relever dans la gestion du ministère de l’Air.
J’avais commencé à vous signaler les prix abusifs pratiqués à l’avantage des constructeurs d’avions et de moteurs. Dans un second article, je vous avais indiqué la façon dédaigneuse et cavalière dont est traitée l’aviation de tourisme. J’y reviendrai.
Je vais abandonner pour aujourd’hui une critique facile pour aborder une question technique qui n’intéressera certainement que fort peu de lecteurs.
Il s’agit de possibilités que la surface variable par ailes téléscopiques, récemment expérimentée, peut apporter au problème des grandes vitesses actuellement à l’ordre du jour.
Il faut tout d’abord expliquer que : plus un avion est lourd, plus il lui faut de puissance-moteur pour acquérir la vitesse nécessaire pour voler ; ce qui revient à dire inversement que moins un avion est chargé au mètre carré de surface portante, moins grande est la vitesse indispensable pour le faire voler.
Je m’explique :
Supposons qu’un avion, dont chaque mètre carré de surface porte 100 kilos, puisse décoller et atterrir à la vitesse de 100 kilomètres à l’heure. Il est évident que, si le même avion portait 200 kilos par mètre carré, il lui faudrait une vitesse beaucoup plus grande pour se sustenter. Or, aujourd’hui, c’est bien autour de 200 kilos au metre carré que sont chargés les avions auxquels on demande d’atteindre des vitesses de près de 500 kilomètres à l’heure.
Il est aisé de conclure que ces avions doivent décoller et atterrir très vite. Vous sentez immédiatement le danger que cela présente au sol ou près du sol.
Mais alors, me dira-t-on, comment est-il possible de décoller et d’atterrir lentement et, une fois en l’air, d’augmenter sa vitesse ? Tout ceci n’est possible à obtenir qu’en supprimant les résistances à l’avancement. On en est donc ainsi arrivé à replier le train d’atterrissage et à utiliser la surface variable.
Un ingénieur, M. Makhonine, a construit un appareil dont la surface portante de 33 mètres carrés, peut être réduite en vol à 18 mètres carrés. Si donc, en grande surface, cet avion pèse 3.300 kilos, il est chargé à 100 kilos au mètre carré, il peut donc décoller, atterrir et même voler à une vitesse voisine de 100 kilomètres à l’heure ; ce qui ne représente aucun danger. En l’air, cet avion réduit sa surface portante à 18 mètres carrés. La charge devient alors de 184 kilos au mètre carré, mais la résistance à l’avancement est réduite de près de moitié par l’effacement partiel des ailes. Ce qui permet alors d’atteindre de très grandes vitesses.
En clair, voici les avantages de cette formule :
a) Décollages et atterrissages en utilisant la plus grande surface, ce qui augmente la sécurité, puisque les vitesses de décollages et d’atterrissages sont inversement proportionnelles à la charge par metre carré de surface portante ;
b) Réduction de surface portante en cours de vol, ce qui permet une augmentation de vitesse consécutive à la diminution de résistance ;
c) Possibilité d’atteindre les plus hautes altitudes, en augmentant la surface portante, au fur et à mesure de la diminution de portance de l’air, dans la zone de raréfaction d’air.
Il est évident qu’il ne s’agit nullement là de solutions définitives. En aviation, rien n’est définitif ; et, comme je l’ai dit précédemment, dans ce domaine, plus que dans tout autre, on découvre constamment que les certitudes de la veille sont le lendemain des erreurs.
J’expliquerai à ceux que la question intéresse la différence qui existe entre la surface variable et les freins aérodynamiques actuellement utilisés (volets d’intrados, ailes à fentes, etc.).
Mais, dores et déjà, qu’ils sachent que les freins aéro-dynamiques brisent le profil d’un avion, alors que la surface variable par ailes télescopiques maintient l’intégralité absolue du profil. Il est inutile de préciser que c’est au profil de ses ailes qu’est due la sustentation d’un avion, surtout au moment où le moteur ne peut plus, pour une cause quelconque, lui donner la vitesse nécessaire à son maintien dans l’air.
Je dois indiquer qu’après avoir douté pendant quatre ans, le Service Technique du ministère de l’Air, a dû finalement reconnaître la valeur de cette formule à la suite des essais concluants qui ont été faits cette année.
Il ne nous reste plus qu’à regretter les années perdues. Mais, hélas ! pour cela comme pour le reste, le ministère de l’Air semble parfaitement ignorer la « notion du temps ».