Écolo, Nicolas Hulot ??


par  B. BLAVETTE, S. MALOBERTI
Publication : mars 2018
Mise en ligne : 7 juillet 2018

Les auteurs de l’article ci-dessous précisent que, sauf indication contraire, toutes les informations contenues dans ce texte proviennent du Canard Enchaîné du 5/7/2017.

Le moins que l’on puisse dire c’est que les généreux donateurs se bousculent autour de la Fondation Nicolas Hulot où les grands groupes privés et publics viennent à tour de rôle… se faire repeindre en vert (“greenwashing”). Jusqu’en 2012 EDF, souhaitant probablement faire oublier les dangers de ses centrales nucléaires vieillissantes, lui a versé annuellement 460.000 euros  ; depuis, les temps sont durs, “seulement” 100.000 euros. « C’est un soutien déterminant » déclarait Nicolas Hulot en remerciant chaleureusement Jean-Bernard Lévy, le patron d’EDF, qui se rengorgeait devant les caméras. Pas étonnant dans ces conditions qu’EDF soit en passe de gagner le bras de fer qui l’oppose à l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) en étant autorisée à prolonger l’activité de ses centrales bien au-delà des 40 années initialement prévues [1].

Parmi les donateurs “désintéressés” figure en bonne place Véolia (200.000 euros par an depuis 2012), qui siège par ailleurs au Conseil d’Administration de la Fondation. Véolia (ancienne Compagnie Générale des Eaux) qui, elle aussi, cherche à faire oublier les bénéfices colossaux réalisés au détriment de la collecti­vité dans ses multiples gestions municipales de l’eau.

Et puis il y a Vinci qui était pressentie pour construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mais se consolera avec l’extension des aéroports de Nantes et de Rennes dont elle devrait recevoir la concession des parkings, activité particulièrement lucrative, et qui n’a donné que 30.000 euros en 2014 et 2015. Un peu pingre non ? Surtout qu’il se murmure que Vinci serait directement intéressée à la future privatisation de Roissy et d’Orly….

Mais la liste ne s’arrête pas ici. On peut citer en vrac : TF1, spécialiste du décervelage de masse, Bouygues, grand bétonneur devant l’éternel, la SNCF, qui ne s’intéresse plus qu’aux lignes à grande vitesse au détriment des dessertes locales jugées “peu rentables”, l’Oréal, et ses produits cosmétiques souvent toxiques [2], chacun cotisant entre 30.000 et 250.000 euros par an.

En fait, la fondation rebaptisée Fondation pour la nature et l’homme, agit comme un athanor qui, moyennant finance, ne transmute pas le plomb en or mais transforme, comme par mira­cle, des pratiques écologiquement et socialement désastreuses en brevet incontesté de bienfaiteur de la planète et de l’humanité  !

Le 28 juin dernier, à la suite de sa nomination au gouvernement, N. Hulot a confié la présidence de la fondation à Audrey Pulvar, présentatrice sur diverses chaînes de télé… dans le petit monde des médias on se coopte facilement entre copains et copines…

Mais il ne faudrait pas croire que les activités de Nicolas Hulot s’arrêtent en si bon chemin. En plus de sa fondation, de son poste de mi­nistre, notre homme possède une discrète société dénommée Éole Conseil dont il était jusqu’à très récemment le seul actionnaire et …le seul salarié. Selon ses statuts, Éole Conseil a pour objet, entre autres, « le conseil en relations publiques et en communication, la promotion de l’image de sociétés ou de personnalités, l’organisation et l’animation de rencontres et conférences ». De quoi risquer, en plein débat sur la moralisation de la vie publique, d’alimenter une nouvelle affaire de conflits d’intérêts. La société a cumulé, au fil des années environ 3 millions d’euros de fonds propres, propriété exclusive de notre ministre de l’écologie. À cela s’ajoutent, pour 2013, des émoluments de 290.000 euros augmentés de 66.000 euros de dividendes. Les comptes de 2014, 2015 et 2016 ont été déposés sous le régime de la confidentialité et ne sont pas connus. Lors de son arrivée au gouvernement, l’Élysée a invité Nicolas Hulot à abandonner la gérance de sa société. Éole Conseil a donc été transformée en “société par actions simplifiées” [3] et compte actuellement deux nouveaux actionnaires détenant chacun… deux parts sur les 4.137 au total. L’un d’entre eux, un expert-comptable nommé Eric Marcheras, est le nouveau président “bénévole”.

Pour compléter ce tour d’horizon des activités de Nicolas Hulot, il faut encore ajouter la ligne de produits cosmétiques Ushuaïa du nom de la célèbre émission diffusée sur TF1. À noter en passant que selon les habitants de cette petite ville d’Argentine, la plus septentrionale de la Terre de Feu, Nicolas Hulot n’a jamais daigné leur rendre visite, seule l’une de ses équipes est venue réaliser quelques prises de vues. En fait, la marque appartient à TF1 qui a cédé la licence à une dizaine de sociétés dont l’Oréal et l’opticien Atoll, Nicolas Hulot se contentant d’engranger des royalties qui dépassent allègrement les 100.000 euros par an. Mais comble de paradoxe, dès 2006 l’association Green­peace mettait les produits Ushuaïa sur sa liste rouge des cosmétiques chimiquement dangereux [3]. Plus récemment, en juin 2017, le magazine 60 millions de consommateurs pointait plusieurs produits potentiellement nocifs, notamment un gel douche, « Energie Zen », en raison de « la présence de colorants susceptibles de provoquer des allergies et de plusieurs polymères difficilement biodégradables », ainsi qu’un déodorant où a été décelé du benzyle salicylate soupçonné d’être un perturbateur endocrinien. Cette accumulation financière engendre évidemment un train de vie peu compatible avec une éthique de sobriété et de simplicité qui devrait tout particulièrement s’imposer à un ministre de l’écologie. C’est ainsi que N. Hulot possède en Corse une “propriété exceptionnelle” de 3,5 hectares, avec une résidence de 350 m2 habitables, estimée par Sotheby’s entre 2 et 5 millions d’euros. Notre ministre de l’écologie semble d’ailleurs convenir lui-même que l’ampleur de ce patrimoine risque de ternir son image puisqu’il a largement mini­misé l’estimation de son domaine corse (la ramenant à 2,6 ha pour 1,05 million d’euros) dans sa “déclaration d’intérêt” lors de sa prise de fonction [4]. Ajoutons enfin que Nicolas Hulot possède aussi une “écurie” abondamment pourvue en divers véhicules qui ne sont pas précisément conçus pour économiser l’énergie et minimiser la pollution [5].

Le lecteur pourrait se demander s’il y a vraiment lieu de s’acharner ainsi sur Nicolas Hulot qui est, après tout, un personnage de peu d’importance, qui sera vite oublié, qui n’est que l’un de ces petits courtisans affairistes qui hantent les allées de tous les lieux de pouvoir. Cependant l’enjeu est crucial. En effet le comportement de N. Hulot est paradigmatique de la corruption d’une classe politique qui mélange allègrement affaires privées et affaires publiques. Mais surtout, N. Hulot, qui n’a cessé d’occulter les pratiques irrespon­sables des grands groupes internationaux, se trouve à la tête d’un ministère clef dont l’action conditionne notre avenir collectif. Et pourtant, jusqu’aujourd’hui, le ministère de Nicolas Hulot se caractérise par son inaction : aucune prise de position sur l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, ni sur l’utilisation du glyphosate en agriculture, ni sur l’abandon de nombreuses lignes ferroviaires comme le préconise le tout récent rapport Spinetta sur la SNCF… Et pour couronner le tout, Hulot a déclaré « qu’il s’était tenu à l’écart des négociations concernant l’aéroport de Notre Dame des Landes dont l’abandon n’était une victoire pour personne ».

Il est donc légitime de se poser la question :
À quoi sert Monsieur Hulot qui est en théorie le numéro deux du gouvernement ?

Et pendant ce temps notre biosphère est soumise à une tension de plus en plus forte. En novembre dernier, 15.364 scientifiques appartenant à 184 pays publiaient dans la revue Biosciences, émanation de l’Institut américain des sciences biologiques, un Appel contre la dégradation de notre environnement qui représente une sorte de séisme dans le milieu de la recherche. En effet, jamais, dans toute l’histoire des sciences, une publication n’avait recueilli le soutien d’autant de chercheurs. Le document présente 8 indicateurs qui pointent la situation catastrophique de notre biosphère : la baisse dramatique des réserves d’eau douce, la déforestation, la disparition accélérée des espèces animales vertébrées, les ravages de la “sur-pêche” et l’extension des “zones mortes” maritimes, l’augmentation des émissions de CO2, le réchauffement climatique, la croissance incontrôlée de la population mondiale [6] . Et cela dans l’indifférence du plus grand nombre et l’immobilisme de la classe politique internationale. Bien au-delà de l’impéritie de Hulot, et de Macron qui l’a accueilli dans son gouvernement, c’est toute une espèce qui, les yeux grands ouverts, dans un état de sidération, contemple la perspective, chaque jour plus probable, d’un déclin sans retour possible…


[1EDF va prolonger la durée de vie de ces centrales, Jade Lindgaard, Médiapart, 29/11/2017.

[2Sur la dangerosité des produits cosmétiques voir la rubrique “cosmétox” sur le site internet de l’association Greenpeace.

[3Ce qui signifie qu’une telle société ne peut pas faire appel à l’épargne publique.
Ainsi, les associés ne supportent les pertes de la société qu’à concurrence de leurs apports.

[4Comment la maison Corse de Nicolas Hulot a rétréci, Le Point, 1/2/2018.

[5Les 7 millionnaires du gouvernement et les véhicules pol­luants de Mr Hulot, Matthieu Suc, Médiapart, 16/12/2017.

[6Un seul marqueur est au vert qui signale la reconstitution régulière de la couche d’ozone entourant notre planète. On peut consulter une excellente version commentée du rapport sur le site internet de France Culture. Pour une version intégrale du document (en anglais) voir le site de la revue Biosciences.


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