Imaginez une course, Strasbourg-Paris, par exemple, dans laquelle tous les concurrents seraient autorisés à se présenter, selon leurs moyens, au volant d’une voiture de course, sur leur bicyclette, ou tout simplement à pied. La course serait très ouverte, mais quelle chance auraient les coureurs à pied ? Une telle course, "libérale", est à l’évidence, complètement loufoque !
Pourtant nos élections sont exactement ce genre de course. A toute échelle, qu’il s’agisse d’élection municipale, départementale, nationale, européenne, chaque candidat est parfaitement libre d’employer tous les moyens qu’il peut dépenser pour forcer le jugement des électeurs. Et c’est ainsi, que les campagnes tapageuses nous envahissent, à la mode des Etats-Unis où plus on peut faire défiler de majorettes, meilleur on est ! Or il faut imaginer ce que coûte, par exemple, une campagne d’affiches au plan national : en plus des frais d’impression, de papier, de location des panneaux d’affichage, du temps des colleurs d’affiches, etc, il faut ajouter maintenant des millions pour s’assurer les conseils de sociétés publicitaires qui en se basant sur des études sociologiques, psychologiques etc, etc, conçoivent les affiches et trouvent les slogans dans les termes qui conviennent pour frapper encore l’imagination d’un public blasé. Et l’électeur est ainsi tellement con ... ditionné, qu’il le veuille ou non, que ces moyens énormes dépensés pour l’influencer sont très efficaces.
C’est ainsi que la politique, comme tout le reste dans
ce système dévoyé, est entièrement soumise
aux "lois" de l’argent. Il n’y a pas d’élection démocratique
quand la valeur d’un candidat se mesure finalement à l’argent
que lui-même, ses amis ou son parti, ont pu dépenser. Alors
ne nous étonnons pas d’apprendre à quelle escalade se
livrent les "grands partis", et à l’aide de quels marchés,
de quelles magouilles, ils réunissent ces sommes fabuleuses de
plus en plus nécessaires !
Des lois démocratiques sont pourtant en vigueur dans nos pays.
Tout électeur reçoit , avant chaque scrutin, une enveloppe
contenant les déclarations des candidats régulièrement
inscrits. Celles-ci sont imprimées, sur une double page au plus,
noir sur blanc, bref dans les mêmes conditions pour tous Et des
émissions de télévision, dûment contrôlées,
donnent la parole aux candidats, ou aux partis, selon l’élection,
dans les mêmes conditions pour tous. Mais ceux qui disposent de
l’argent ont rendu ces lois inopérantes en lançant des
actions spectaculaires qui écrasent la campagne réglementaire
: combien d’électeurs prennent le soin de lire attentivement
les déclarations qu’ils reçoivent ?
Sans revenir ici sur le principe même de la représentation,
sans reparler de toutes les possibilités de consultation permanente
que permet maintenant l’informatique et dont nous avons déjà
parlé dans ces colonnes, que faire pour remonter la pente, pour
que l’argent n’intervienne pas dans une campagne électorale et
que tous les candidats soient placés dans les mêmes conditions,
comme celà doit être dans une compétition loyale ?
Bien sûr, refuser un système basé sur l’argent.
Mais en dehors de la lutte pour une économie démocratique,
c’est-à-dire distributive, la volonté populaire ne peut-elle
pas s’affirmer ? C’est aux juges de la course que sont les électeurs
d’imposer la loi équitable. C’est à dire de faire comprendre
que l’usage de tout autre moyen de propagande que ceux qui sont définis
par la loi doit être considéré comme une tentative
de fraude et que tout candidat ayant ainsi essayé de tricher
doit être disqualifié. Quel média puissant osera
tenir ce langage qui va à l’encontre de ceux qui empochent l’argent
dépensé dans les foires électorales,... et qui
paient à ces mêmes medias leurs pages publicitaires ?
Finies alors ces campagnes tapageuses qui gâchent le paysage, participent à la destruction de nos forêts... et à celle de nos cerveaux en épuisant nos capacités de jugement. Si les campagnes électorales étaient réduites à leurs deux aspects règlementés, quel progrès ! La déclaration écrite d’un candidat, tout électeur devrait apprendre à la lire, tout seul, comme un grand. Serait-ce vraiment un mal ? Quant aux interventions contrôlées à la télévision, elles pourraient être organisées pour répondre aux questions posées par les électeurs. Le candidat devrait alors faire la preuve qu’il sait y répondre. A lui d’apprendre à le faire, il dépenserait mieux son énergie qu’à sillonner les marchés en serrant des mains tout en répétant des phrases toutes préparées !
1) Voir par exemple le mode de consultation politique décrit dans "les affranchis de l’an 2000"