Enseignement, réforme, contestation


par  A. VEXLIARD
Publication : octobre 1968
Mise en ligne : 23 octobre 2006

On a beaucoup écrit, beaucoup parlé, dans le monde entier, au sujet de la réforme nécessaire de l’Enseignement, à tous les niveaux, dans toutes les disciplines ; aussi, les lignes qui vont suivre, ne représentent guère qu’une goutte d’eau dans un océan de projets et de contre-projets. Mon but ici, est d’essayer de clarifier les principales données du problème. Je prie le lecteur de ne point me juger avant d’avoir lu tout cet article. Car, auparavant, il faudra bien dire quelques vérités qui paraîtront dures et parfois injustes. Mais seules ces vérités permettront de comprendre les origines de la tourmente actuelle.

En premier lieu, ici, comme dans bien d’autres domaines, il convient d’éviter toute comparaison, toute référence au passé. Ni par ses origines, ni par ses buts et son orientation, la révolte actuelle des étudiants, ne ressemble à celles du passé.

La révolte actuelle des étudiants se veut solidaire de celle des travailleurs, En quelques mots, cette révolte est orientée vers une réforme radicale de l’Université, de l’enseignement dans son ensemble, fondée sur une réforme non moins radicale de la société. Dans l’ensemble, elle paraît confuse et surtout négative ; on veut détruire, mais on ne sait pas bien ce que l’on désire édifier. Les revendications sont d’autant moins claires qu’elles sont exprimées par des groupes d’étudiants appartenant à des tendances différentes : communistes, anarchistes, trotzkystes, maoistes, castristes, syndicalistes, sans compter les divers groupes de droite, plus ou moins fascistes, et enfin, la grande masse de ceux qui souhaitent simplement poursuivre leurs études.

Bien que les revendications d’ordre politique aient joué un rôle important dans tous ces mouvements, il n’en sera pas question ici, dans la mesure du possible. Les lecteurs de la Grande Relève, ont compris que la plupart des revendications ne peuvent être réalisées que dans une Economie distributive, fondée sur une base essentiellement démocratique, déterminant les « priorités ». Mais bien peu de jeunes connaissent cette doctrine, (doctrine veut dire ici : enseignement).

Mais quelles sont les raisons véritables de cette « explosion » ? En moins de six ans, en France, le nombre des étudiants est passé de 150.000 à 700.000 ! Dans tous les pays industrialisés on observe des variations quantitatives du même ordre. Cet accroissement quantitatif entraîne irrémédiablement des modifications qualitatives importantes. Attachons-nous seulement à l’un des aspects de ces variations qualitatives. Dans la masse de ces étudiants, il en est un grand nombre qui ne sont pas préparés à suivre un enseignement universitaire, au sens traditionnel de ce mot.

Dans un vocabulaire moins poli, en termes vétustes, on les aurait appelé de « cancres ». D’une manière plus ou moins consciente, ces « cancres » constituent le fer-de-lance et le ferment de la révolte. Sentant qu’ils ne pourront pas passer les examens et « décrocher » un diplôme, ces nouveaux-venus s’insurgent contre les examens, contre les programmes, contre les enseignants... Ce en quoi ils n’ont pas entièrement tort, loin de là.

Car, ces « cancres », l’Université a le devoir de les intégrer. D’une part, parce que la société a besoin d’un nombre de plus en plus considérable d’individus ayant une instruction supérieure. D’autre part, parce que notre « morale sociale » (à tort ou à raison) reconnaît à tous, le droit à l’instruction. La sélection à l’entrée de l’Université, ou la sélection plus tardive « par l’échec », ne pourront pas arrêter ce mouvement qui est irréversible : ces étudiants doivent être intégrés et un ensemble de mesures pédagogiques doit être entrepris pour que la plupart d’entre eux puissent poursuivre jusqu’au bout leurs études.

Sans entrer dans les détails, voici les mesures :a prendre d’urgence. Il s’agit, en premier lieu de créer, - au service des étudiants -un organisme bien outillé et documenté, d’information et d’orientation. Ce service existe, de longue date, - le B.U.S. ou Bureau Universitaire de Statistiques, - mais, malgré son extension récente, il dispose encore de moyens insuffisants. Bien entendu, les étudiants eux- mêmes devront participer à ses activités. Ensuite, au sein même des Université, il doit y avoir des cours de rattrapage. Cette fonction est remplie actuellement par de nombreux établissements privés, à la disposition de ceux qui disposent de « moyens » adéquats. Enfin, et surtout, l’ensemble des moyens pédagogiques de l’enseignement supérieur est à réviser. Certes, en s’engageant dans cette voie nouvelle, on ne trouvera pas d’emblée les solutions adéquates. Mais on doit, malgré les difficultés et les embûches (qui sont nombreuses) entreprendre cette tâche importante et urgente.

On parviendra à des résultats positifs, si l’on a constamment présent à l’esprit le but à atteindre : intégrer dans la vie culturelle et ,sociale, un nombre toujours croissant de jeunes gens de « bonne volonté », à une époque qui n’est plus celle de Napoléon.

A. V.
PROFESSEUR A LA FACULTE DES LETTRES - UNIVERSITE D’ANKARA

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