C’est peut-être cette réflexion de Jacques Attali qui était la plus impressionnante parmi celles, pourtant toutes émouvantes et apparemment sincères, recueillies dans la remarquable émission télévisée de Serge Moatti sur les dix ans du dix mai. Un des manifestants qui criaient leur joie le 10 mai 1981 à la Bastille, avait dit son bonheur de pouvoir espérer enfin que son fils ne serait pas condamné au chômage, qu’il allait enfin être assuré de pouvoir lui offrir un avenir. Dix ans plus tard, J. Attali était interrogé sur sa réaction devant ce témoignage de l’immense espoir né de l’élection de F. Mitterrand Sa réponse est la preuve d’une grande sincérité mais n’en montre pas moins la déception éprouvée ensuite. Telle celle de L. Jospin disant : "Je pense que ces dix ans nous ont beaucoup changé la vie, mais je ne pense pas que nous ayons beaucoup changé la vie".
En conclusion de tant de réflexions suscitées par les dix ans de "socialisme", il ressort que malgré toutes leurs bonnes intentions annoncées, les socialistes se sont vus contraints de renoncer à aller au bout de la plupart de leurs projets parce qu’il leur fallait d’abord rester au pouvoir. Et pour cela, se concilier les forces économiques, c’est-à-dire gérer le système selon les règles qu’elles imposent. L’une de ces règles étant que s’ils entreprenaient de les changer, la droite ne leur accordait pas plus de cent jours avant d’être chassés du "pouvoir" politique.
Restant par conséquent dans le système, il leur était impossible de résoudre le problème du chômage. Nous n’avons d’ailleurs pas manqué de l’annoncer.
La preuve que nous avions vu juste est dans les 2,6 millions de "demandeurs d’emploi" actuellement recensés.
Il n’y a rien à faire dans le système actuel pour revenir au plein emploi pour tous . Et François Mitterrand, qui semble vouloir donner une impulsion "sociale" à sa politique (des élections sont à l’horizon) en remplaçant l’énarque M. Rocard par l’énergique E. Cresson, n’aboutira au mieux qu’à quelques accords au plan européen pour éviter le "péril jaune". Mais le problème de notre temps demeurera : les techniques modernes permettent de produire toujours plus avec moins de main d’oeuvre comment distribuer du pouvoir d’achat à ceux dont la production n’a plus besoin ? Des mesures ponctuelles peuvent encore faire perdurer le système, mais seul un changement radical de la société peut résoudre ce problè me, devenu primordial.
C’est à ceux qui ont compris que l’évolution Impose i-né-luc-tablement un tel changement de le préparer. De le concevoir et d’en imagi- ner les modalités.
Même si ce faisant, ils se font encore quelque temps qualifier d’utopistes. Etre utopiste n’est ce pas le plus souvent aller dans le sens de l’histoire, mais en avance sur les autres ?
Alors, soyons-le résolument. Avec assez de réalisme pour proposer des réformes qui suscitent le moins possible d’oppositions.
La notion de contrat (1) civique, en régime distributif, est de celles-ci. C’est pour en discuter ensemble que quelques réponses à des questions qu’elle soulève sont suggérées plus loin dans ce numéro.