Le contrat civique

Réflexion
par  M.-L. DUBOIN
Publication : juin 1991
Mise en ligne : 18 mars 2006

Nous rentrons Ici dans les détails de ce que nous proposons pour qu’en économie distributive I’initative Individuelle soft développée au maximum, qu’elle soit à la base même de l’activité économique.

Il ne s’agit que d’une ébauche, proposée aux distributistes pour qu’ils alimentent la discussion et la formulation. Pour faciliter la présentation, et parce qu’une multitude de questions sont soulevées, J’ai choisi la forme d’un dialogue avec un interlocuteur imaginaire, curieux, éventuellement pointilleux, posant des questions de tout ordre, fondamentales ou sur des details. Ces questions et les réponses correspondantes ont été numérotées, pour qu’il soit facile ensuite d’y revenir en fonction des réactions de nos lecteurs.

 Question 1. Qu’est-ce qu’un contrat civique ?

Réponse1. C’est un accord que proposent de conclure un ou plusieurs individus, à propos d’un travail quelconque qu’ils s’engagent à faire pendant une durée déterminée, dans des conditions qu’ils définissent eux-mêmes. Si ce contrat est accepté, la Société fournit les moyens demandés, puis contrôle sa réalisation.

 Q2. Pourquoi ce nom de contrat civique ?

R2. Parce que c’est par un tel contrat que tout citoyen manifeste son engagement envers le reste de la Société et par conséquent justifie son état de citoyen, ce qui lui assure le versement périodique sur son compte d’un revenu de citoyenneté.

 Q3. Qui se cache derrière le mot "Société" dans cette définition ?

R3. C’est là qu’intervient le principe de "subsidiarité" : si le contrat concerne un petit nombre d’individus proposant une production ou des services d’intérêt local, c’est un organisme local, par exemple communal, qui a la compétence de s’engager au nom de l’ensemble de la population concernée (la société humaine, au sens large). S’il s’agit de créer une entreprise d’intérêt régional, c’est un organisme régional qui doit décider et qui sera en mesure de fournir les moyens demandés

 Q4. De quels moyens s’agit-il ?

R4. D’abord des biens d’équipement nécessaires (ou une somme destinée à les financer) et des revenus des personnes concernées par le contrat.

 Q5. L’organisme qui décide est-il donc une banque ?

R5. L’analogie avec une banque réside évidemment dans le fait que cet organisme ouvre un compte à l’entreprise contractante, pour ses frais propres, verse un revenu chaque mois sur les comptes de ses membres et assure la gestion de tous ces comptes. C’est pourquoi le personnel des banques actuelles, compétent a priori pour une telle gestion, doit voir dans ces organismes un débouché à leur mesure.

Mais la différence fondamentale est que nous raisonnons en économie distributive, ce qui signifie que l’argent mis à la disposition de l’entreprise n’est pas un crédit qu’elle devra rembourser, qu’elle n’aura donc pas d’intérêts à payer. Une autre différence tout aussi fondamentale et qui en découle est que les critères retenus pour accepter ou non un contrat ne seront pas essentiellement des critères de rentabilité financière.

 Q6. Quels sont ses critères de choix ?

R6. D’utilité et de compétence. Utilité de l’objectif que se fixe l’entreprise et compétence des individus qui se proposent d’en faire partie. C’est pourquoi les organismes de décision sont paritaires, comportant des consommateurs pour juger de l’utilité et des spécialistes pour juger des compétences.

 Q7. N’est-ce pas l’institution d’un système bureaucratique et sclérosé à la stalinienne ?

R7. Tout dépend de la façon de choisir ces décideurs. En régime stalinien, les décideurs appartenaient à un parti politique tout-puissant, centralisé et ils se co-optaient, ce qui n’est pas tolérable. En régime dit libéral, les décideurs sont ceux qui ont acquis le pouvoir financier, par quelque moyen que ce soit. Eux aussi se co-optent, leurs décisions sont prises à huis clos et n’ont pour critères que leurs profits personnels, ce qui n’est pas plus tolérable. Le socialisme distributif, au contraire, se veut décentralisé et démocratique et doit donc prendre ses décisions en vue de l’intérêt le plus général possible. Comment y parvenir ? Je verrais des organismes de décisions mixtes, constitués de spécialistes, professionnels de gestion, mais astreints à se déplacer, des élus locaux ou régionaux, et qui soient ouverts par exemple pour le tiers de l’effectif total, à n’importe quel citoyen se sentant concerné. Pour que les décisions soient bien prises, il faut envisager que soient publiés systématiquement à l’avance les contrats à débattre et toute information les concernant. Les moyens informatiques actuels, le développement de la télévision câblée permettent déjà d’assurer une large diffusion de ces informations. On pourrait même envisager qu’une fraction de l’ordre de 1/10e des voix , ou plus, suivant la décision à prendre, soit affectée à un vote ouvert à tous par l’intermédiaire du minitel ou d’un instrument analogue.

 Q8. Négliger la rentabilité financière, n’est-ce pas la ruine de la "Société" distributive ?

R8. Ce ne sera plus le seul critère. Mais la comparaison des coûts de production, investissements compris, et des prix de vente estimés devront être pris en compte par les décideurs et comparés par eux aux contrats semblables proposés dans le même temps. L’intérêt primordial des contrats civiques est de permettre, en économie disrtributive, la création d’emplois d’utilité reconnue, mais non rentables au sens financier du terme. Je pense par exemple aux emplois d’aide et d’assistance, ou d’entretien, à quelque niveau que ce soit. L’information sur ces contrats "d’utilité publique" en préparation doit être largement et officiellement assurée pour permettre à tous ceux qui cherchent une activité d’y participer.

 Q9. Et que contiennent ces contrats ?

R9. La description la plus précise possible des productions à réaliser ou des services à fournir. Celle du public "ciblé". Le coût de l’investissement nécessaire. Le coût de fonctionnement (matières premières et entretien) et son impact dans l’environnement (déchets, pollutions). Le nom des membres de l’entreprise, supposés en faire partie pendant toute la durée du contrat. S’il est prévu que certains de ses membres se voient attribuer un revenu supérieur au revenu social, une justification du supplément. Le volume de la production à réaliser en fonction du temps et son prix de vente. Les clauses de modification.

Toutes les estimations étant chiffrées avec une marge d’incertitude précisée.

Ils contiennent également la prévision de toutes les causes de transformation ou de résiliation avant terme : clauses de remplacement d’un membre (départ, décès, conflits), clauses d’échec (si le matériel investi se révèle dépassé : à quoi le reconvertira-t-on ?). Enfin les issues possibles à terme, y compris la description des locaux et matériels disponibles à la fin du contrat, les pénalisations en cas d’échec et la reconversion éventuelle de ses membres.

 Q10. Quelle est la durée d’un contrat ?

R10. Appropriée. Je veux dire par là qu’une entreprise d’intérêt local demandant un investissement peu coûteux pourra faire l’objet d’un contrat à court terme, voire même pour une durée d’essai. Par contre, s’il s’agit de mettre en chantier une entreprise d’intérêt régional demandant un gros investissement, celui-ci devra être prévu pour un fonctionnement pendant une durée minimum plus longue et il faudra particulièrement bien envisager dès le premier contrat ses possibilités d’évolution ou de reconversion.

 Q11. Sur quels fonds seront financés ces contrats ?

R11. Il s’agit de contrats en économie distributive, donc dune gestion distributive. Les comptabilités locales et régionales prennent en compte les investissements décidés, les prix de vente et le volume des productions annoncées pour en déduire une estimation du montant des revenus à distribuer.

Un tel bilan peut être fait en utilisant les moyens informatiques dont les boursiers se servent aujourd’hui pour connaître en permanence tous les cours mondiaux : ils sont même capables d’anticiper sur leurs variations malgré l’impondérable supplémentaire de la spéculation ! Il est donc possible d’annoncer à chaque instant la "tendance", c’est-à-dire l’impact sur le prochain revenu de citoyenneté de toute variation par rapport aux prévisions des contrats, et du même coup de prévoir ainsi quels sont les contrats défaillants et quels sont ceux qu’il faudra développer.

 Q12. Qu’arrive-t-il quand le contrat arrive à son terme ?

R12. A la date prévue, les contractants présentent leur bilan à l’organisme gestionnaire qui a pris leur contrat en charge. Cette présentation doit, elle aussi, être publique. Les décideurs concernés, définis de façon analogue à celle décrite en R7 jugent si le contrat a bien été rempli.

Si oui, un contrat semblable ou légèrement modifié, peut être sur le champ accepté pour une nouvelle période. Si les contractants n’en demandent pas le renouvellement mais décident de se séparer pour s’orienter vers d’autres contrats, le matériel et les locaux qu’ils ont utilisés sont mis à disposition comme prévu au contrat. Cette mise à disposition est également appliquée si le contrat a été jugé mal rempli et ne peut donc être renouvelé.

Dans ces deux derniers cas, une attestation est remise à chaque membre contractant pour figurer dans ses prochaines demandes d’un nouveau contrat.

 Q13. Et quel est le sort d’un individu qui ne participe pas à un contrat civique ?

R13. S’il n’a pas atteint l’âge de la majorité, le compte de son tuteur légal est alimenté pour lui d’un revenu de citoyen mineur. Le jour de sa majorité, il se fait ouvrir, sans frais, un compte personnel sur lequel lui est régulièrement versé ce même revenu de citoyen mineur tant qu’il ne figure pas parmi les membres engagés par un contrat accepté. Ensuite, il touche le revenu de citoyen majeur (revenu "de base" ou "d’existence") sauf pendant la durée d’un contrat auquel sa participation lui vaut un supplément de revenu.

A l’âge officiel de la retraite, ou bien il continue son engagement contractuel, ou bien il touche son revenu de citoyen retraité.


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