Je suis inquiet, très, très inquiet...
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Mise en ligne : 31 mai 2009
Notre correspondant dans l’Ile Maurice nous a fait parvenir le message qu’un de ses amis, journaliste à Politis et chargé de cours à l’Université Paris 8, souhaite voir largement diffusé :
J’enseigne depuis 20 ans à l’Université Paris 8 et je donne habituellement mes cours dans les locaux du département de Géographie. Vendredi dernier, à titre de solidarité avec mes collègues enseignants et chercheurs de l’Éducation Nationale engagés, en tant que titulaires, dans une opposition difficile à Valérie Pécresse, j’ai décidé de tenir mon cours sur la biodiversité et l’origine de la protection des espèces et des espaces, au Jardin des Plantes, qui fait partie du Muséum National d’Histoire Naturelle, donc là où fut inventée la protection de la nature. Ce « cours hors les murs » était ainsi à la fois une façon d’être solidaire avec la grogne actuelle et de faire découvrir ces lieux historiques aux étudiants, mais sans les pénaliser avant leurs examens partiels.
Le mardi, arrivant à 14 h 30, avant les étudiants, j’ai eu la surprise de me voir interpeller, dés l’entrée franchie, par le chef du service de sécurité et de constater que les deux portes du Jardin des Plantes, 36 rue Geoffroy Saint-Hilaire étaient gardées par des vigiles...
— Monsieur Vadrot ?
— Euh... oui
— Je suis chargé de vous signifier que l’accès du Jardin des Plantes vous est interdit.
— Interdit ! Pourquoi ?
— Je n’ai pas à vous donner d’explication...
— Pouvez vous me remettre un papier me signifiant cette interdiction ?
— Non. Les manifestations sont interdites dans le Muséum.
— Il ne s’agit pas d’une manifestation, mais d’un cours en plein air, sans la moindre pancarte...
— C’est non....
Les étudiants, qui se baladent déjà dans le jardin, reviennent vers le lieu du rendez-vous, et le cours se fait donc, pendant une heure et demie, dans la rue, devant l’entrée du Muséum. Un cours qui porte sur l’histoire du Muséum, sur Buffon et sur l’histoire de la protection de la nature. À la fin du cours, je demande à entrer pour effectuer une visite commentée du jardin. Nouveau refus, seuls les étudiants peuvent entrer, pas leur enseignant. Ils entrent donc. Et moi je décide de tenter ma chance par une autre porte, celle de la rue de Buffon. Et là je retrouve des membres du service de sécurité qui, manifestement, possèdent mon signalement et, comme les premiers, ils m’interdisent à nouveau l’entrée.
Évidemment, je finis pas me fâcher. Et j’exige, sous peine de bousculer les vigiles, la présence du Directeur de la surveillance du Jardin des Plantes, qui arrive quand le scandale menace. Il se montre d’abord parfaitement méprisant, et il me récite mon CV et le contenu de mon blog !! Cela ressemble à un procès politique, avec description de mes opinions et de mes faits et gestes.
D’autres enseignants du département de Géographie se joignent à moi, dont le Directeur, Olivier Archambeau, qui est Président du Club des Explorateurs, Alain Bué et Christian Weiss. Ils insistent. Alors le directeur de la surveillance du Muséum, qui dit agir au nom du Directeur du Muséum (où je suis honorablement connu), mais qui commence sans doute à sentir le ridicule de sa situation, finit par nous faire une proposition incroyable, du genre de celles que j’ai pu entendre autrefois en Union soviétique quand j’étais journaliste :
— Ecoutez, si vous me promettez de ne pas parler de politique à vos étudiants et aux autres professeurs, je vous laisse entrer et rejoindre les étudiants...
J’entre donc, mais avec l’horrible certitude que, d’ordre du Directeur et probablement du ministère de l’Education Nationale, je fais l’objet d’une « interdiction politique ». Et pour la première fois de mon existence, en France !
Je n’ai réalisé que plus tard, après la fin de la visite qui s’est terminée au labyrinthe du Jardin des Plantes, à quel point cet incident était extra-ordinaire et révélateur d’un glissement angoissant de notre société. Et j’ai peur, très peur...