L’agriculture biologique : Les méthodes
par
Publication : juin 1977
Mise en ligne : 19 mars 2008
NOUS avons montré ici la nécessité
de l’agriculture biologique, laquelle fait d’une pierre deux coups :
production de nourriture et maintien des consommateurs en bonne santé.
Mais avant de leur présenter les diverses méthodes, un
retour en arrière s’impose : il faut comprendre pourquoi s’est
développée l’agrochimie. Le problème est bien simple
: le progrès agricole n’a pas attendu pour exister. La «
révolution verte » (introduction des légumineuses
et des prairies artificielles dans l’assolement) date du XVIIIe siècle
en général, de bien plus tôt dans certaines régions.
Elle a permis une première hausse des rendements, un bétail
plus abondant, donc l’utilisation plus intensive du fumier, et l’augmentation
de la force de traction.
Et l’intéressement à l’effort ne compterait-il pas ? L’abolition
des droits féodaux et le vaste transfert des propriétés
dû à la nationalisation des biens d’Eglise, l’ont rendu
possible en France sous la Révolution. En Angleterre, la noblesse
terrienne disposait de vastes exploitations ; elle voulait en tirer
le plus d’argent possible. Sans doute, les progrès eussent-ils
été plus rapides encore avec une meilleure condition du
personnel salarié. Mais passons...
U NE fois commencée, la recherche du profit (à ce moment
où l’abondance ne sévissait pas encore), donc du rendement,
ne cessa de s’amplifier. D’où l’utilisation des machines et des
engrais artificiels. La fabrication de ceux-ci est la conséquence
des travaux du chimiste allemand Liebig, qui a découvert que
les plantes contenaient trois éléments essentiels : azote,
phosphore et potasse, la fameuse trilogie N.P.K. Il n’y a rien à
redire à cela : Liebig ne pouvait deviner que les plantes réclament
d’autres éléments tout aussi essentiels mais moins abondants
hormis le calcium : magnésium, sodium, fer, cuivre, manganèse...
tous les oligo-éléments.
Ce sera découvert plus tard. Dans son livre « La fécondité
du sol », H.P. Rush nous apprend que Liebig lui-même a mis
en garde ses contemporains contre l’usage abusif de la chimie agricole
et l’abandon des engrais organiques, fournisseurs d’humus. Mais si les
industriels de la chimie ont accueilli avec joie ses premières
découvertes, ils se sont bien gardés de mentionner ses
avertissements !
Donc, si les plantes emportaient l’azote, le phosphore et la potasse,
il fallait les restituer au sol. Cela semblait d’une logique irréfutable.
Et en avant les doses croissantes de N.P.K. I En avant les rendements
élevés à l’hectare ! Rien de plus facile à
comprendre, d’ailleurs : les famines n’étaient pas si loin...
La dernière, en Europe occidentale, celle d’Irlande, qui fit
des centaines de morts, se situe vers 1847.
Les engrais chimiques en eux-mêmes ne constituent pas le pire de l’arsenal. Mais étant trop solubles, ils court-circuitent les processus microbiens du sol, gavent les plantes qui, sous une belle apparence, deviennent fragiles. En même temps que les rendements, s’est accru le parasitisme. Et aujourd’hui on assiste à une création démentielle de produits « phytosanitaires », dont certains, nous l’avons vu, sont particulièrement redoutables. Aux 2-4 D et 2-4-5 T, ajoutons le DDT, qu’on a fini par interdire, l’aldrine, le lindane, etc...
APRES leurs performances spectaculaires, les rendements à l’hectare commencent à baisser ou se maintiennent difficilement, malgré les doses croissantes d’engrais chimiques. En même temps, des super-insectes résistants aux pesticides, font leur apparition, imités par de nouvelles maladies. Quel beau succès ! Nous ne reviendrons pas sur la baisse de la santé générale. Disons simplement qu’elle n’épargne pas non plus le bétail près d’un million de veaux meurent ainsi chaque année !
Devant ces catastrophes, des chercheurs se sont demandé
quelles pouvaient en être les raisons. Leurs conclusions se rejoignent
sur un point : la baisse du taux d’humus dans le sol : en cherchant
à imiter l’industrie et sa sûreté de production
(du moins tant qu’on l’approvisionne en énergie et matières
premières), l’agriculture s’est fourvoyée !
L’industrie manipule de la matière inerte ; l’agriculture de
la matière vivante. On ne traite pas la seconde comme la première.
Un sol est un complexe vivant et pas seulement minéral. Sa vie,
ce sont des milliards de microorganismes présents dans l’humus.
Si l’humus disparaît, il n’y a plus de sol : c’est le fameux «
bol de poussière » américain des années trente
!
(A SUIVRE)