La grande mystification
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Publication : mars 1980
Mise en ligne : 22 septembre 2008
LA monnaie ne permet plus l’échange différé sans perte ; perte d’autant plus sévère que persévère l’épargnant. Ce n’est pas là une révélation pour nos lecteurs bien sûr ; des couches grandissantes de la population comprennent confusément ce vice rédhibitoire de notre monnaie, et s’adonnent allègrement au crédit que leur consentent les marchands d’argent et les vendeurs en mal de vente.
Le problème est si bien brouillé par ceux « qu’intéresse l’argent des autres », que restent très nombreux ceux qui lui confèrent sa vertu d’antan de garder sa valeur, de pouvoir être conservé pour faire, demain, l’acquisition convoitée. Cette notion enracinée depuis l’apparition de la monnaie-marchandise est si bien passée dans les viscères que même ceux qui doutent, gardent le secret espoir de sa réincarnation en monnaie précieuse. Aujourd’hui, c’est l’âge d’or de la banque. Aussi convient- il par tous les moyens d’anesthésier la compréhension, de donner le change sur le rôle et la structure de la monnaie.
Par la méthode des miettes semées et des os à ronger, la mainmise de ceux qui sont dans le secret des dieux est assurée sur tout ce qui est rentable dans le sillage de la consommation. L’ère des banques est florissante ; industrie, commerce, propriété passent dans leurs mains d’experts. M. Gogo opine du bonnet, leur accorde sa confiance, des fois qu’un chuchotement lucratif lui parvienne à l’oreille ; l’or tinte, brille, ses yeux restent braqués sur la cote mirage : 45 000 anciens francs le Louis ces jours derniers.
Qui menace la monnaie ? Celui qui tente de se parer contre ses dévaluations ? Il l’aime trop ! Le « révolutionnaire » ? Il répond encore avec trop de conviction à l’appel que lui lance « l’Ecureuil » Epargne ! En constituant ton patrimoine tu augmentes le patrimoine de tous ! (15 millions de livrets de Caisse d’Epargne à ce jour...) .
Non ! La monnaie ne court de risque que celui de sa mise hors d’utilisation par sa pléthore même ; elle s’y engage vivement et sûrement, la hausse des prix en donne la mesure : 50 % de hausse dans les six premiers mois de 1979 en Israël, 100 % prévu pour la fin de l’année. Dans les Amériques ? Suivons les dollars. En Occident industrialisé ? Suivons la balle de tennis... dont le prix s’inscrit pour le calcul du S.M.I.G.
L’abondance tue la valeur, la valeur de la monnaie marchandise comme celle des autres biens. Attendrons-nous de faire le marché avec une brouette de billets de banque ?
Espérons que l’incommodité de la pratique inspirera, comme les risques de la circulation de l’or aux temps des forêts de Bondy, la mutation de notre fondant moyen d’échange en un module de paiement plus fiable et moins onéreux. Murmurons son nom : la monnaie de consommation. L’heure de la structuration de l’Economie Distributive avec son Revenu Social et son Service Social de Travail sera alors sonnée.