Le Marché Plus, un an après
Publication : novembre 2004
Mise en ligne : 4 novembre 2006
Dans son article intitulé “Agissons !” (GR 1042), Yohann Grelier exprimait le souhait d’avoir des nouvelles de l’expérimentation du Marché Plus, décrite par Roger Winterhalter sous le titre “Nous tentons une expérience” (GR 1030) et dont Caroline Eckert nous décrivait “la premier Marché Plus” il y a un an (GR 1035). Cette dernière apporte ici l’information demandée.
Le premier Marché Plus, tenu fin juin 2003, avait été suivi d’une interruption estivale. Est-ce un effet de plus de la canicule, la conséquence des nombreux projets menés de front à la Maison de la Citoyenneté Mondiale (MCM) [1] ou celle d’autres facteurs, toujours est-il que cette interruption s’est prolongée.
Fin octobre 2003, le deuxième Marché Plus a réuni une quinzaine de personnes à la MCM, même si la liste des inscrits comptait plus de cinquante participants, personnes physiques pour la plupart, et quelques associations. Il s’est déroulé à peu près comme le premier et les biens et services proposés avaient, eux aussi, peu varié. En particulier, il n’y avait toujours que très peu de producteurs.
Un changement important est intervenu ensuite. Le Marché Plus n’a plus lieu à la MCM, mais dans une salle paroissiale [2] d’un faubourg de Mulhouse. En effet, un partenariat a été établi avec l’association ADIS (Actions pour la Dignité et l’Insertion Sociale). Cette association était déjà membre du Marché Plus et organisait par ailleurs un repas multiculturel hebdomadaire suivi, une fois par mois, de la distribution de colis alimentaires. La période s’y prêtant, à la midécembre 2003, les participants au troisième Marché Plus ont pu assister au spectacle de Noël proposé par l’ADIS avant d’échanger autour du repas multiculturel.
Le Marché Plus a par la suite trouvé son rythme de croisière et se passe désormais le premier mardi de chaque mois avec une interruption estivale, cette année en juillet, août et septembre.
Lors des deux premières éditions du Marché Plus, la taille de la MCM ne permettait pas d’accueillir beaucoup de monde, et on pouvait le regretter. Le fait de se tenir maintenant en parallèle avec les repas multiculturels a donné une nouvelle impulsion au Marché Plus, en amenant plusieurs dizaines de nouveaux participants. Mais ces derniers, du fait de leur dénuement, sont au départ plutôt incités à venir parce qu’il s’agit du repas multiculturel et de recevoir un colis alimentaire. Ils ont été séduits par le Marché Plus non pour son principe, qu’a priori ils ignorent, mais parce qu’ils peuvent y acquérir des objets, surtout des vêtements et des ustensiles ménagers ou de puériculture (vaisselle, biberons, gazinières, poussettes, ...) qu’ils ne pourraient pas s’offrir autrement. En contrepartie, ils proposent des services courants (couture, repassage, ménage, peinture, etc.) ou qui correspondent à leur métier (tailleur, musicien, etc.).
Chaque mois, le Marché Plus est ainsi l’occasion de converser avec des personnes de tous horizons et de tous milieux, d’abord en faisant des emplettes ou en goûtant les mets confectionnés par les membres du Marché Plus (beignets salés ou sucrés, gâteaux, confiseries, etc.), puis au cours du dîner. Mais les échanges peuvent se poursuivre entre deux Marchés Plus parce que les participants y prennent contact, qu’ils peuvent ensuite faire appel à l’un des services offerts, commander un plat de l’un des nombreux pays représentés (français bien sûr, mais aussi, en l’occurrence, georgien, sri lankais, marocain, ...) ou encore solliciter une prestation artistique (lecture de contes, groupe de musique manouche ou arménienne, par exemple).
La richesse culturelle de ce Marché Plus-nouvelle formule crée cependant un problème d’organisation. En effet, de nombreux participants sont maintenant des immigrés de fraîche date et beaucoup d’entre eux n’ont qu’une connaissance très imparfaite, voire inexistante, du français. Il y a suffisamment de gens multilingues pour leur expliquer que le Plus est une monnaie qui n’a cours que dans le cadre de ce marché, et que pour en obtenir il faut proposer des services ou apporter des biens en bon état, et puis qu’ensuite les Plus peuvent être utilisés pour acquérir d’autres biens et services. Mais il est très compliqué d’expliquer le mode de création et de répartition de la monnaie, et il faudrait connaître les propositions de chaque participant, avant le marché, pour calculer la somme à mettre en circulation et la part de chacun. Il a donc fallu faire des aménagements : un revenu de base arbitraire est d’abord donné à chacun, et puis des ajustements sont effectués a posteriori, pour tenir compte de la valeur totale de ce qui est proposé et de l’écart entre l’apport de chacun et la moyenne.
En fin de compte le Marché Plus, après une bonne année d’activité, est une expérience qui s’avère positive dans la mesure où son audience s’est élargie, et à un public dont la vie peut s’en trouver adoucie. Cependant l’orientation future du Marché Plus dépendra de sa capacité à faire se rencontrer des populations, arriver à un brassage de personnes, ce qui était l’un de ses objectifs. Ou bien il deviendra un genre d’Emmaüs, les uns venant offrir leur surplus aux autres. Ou bien il se rapprochera d’un fonctionnement de type SEL, mais avec cette différence que la consignation des avoirs de chacun dans un cahier chez les SEL est remplacée par la remise de billets Plus. Ou bien il saura aussi attirer et apporter quelque chose à des personnes qui ne viennent pas uniquement dans le but d’améliorer leur quotidien, mais parce qu’elles aspirent à contribuer à l’ébauche d’un monde plus juste. C’est à cette condition qu’il pourra devenir une réelle tentative de mise en pratique du distributisme.
[1] Maison de la citoyenneté Mondiale, rue Paul Schutzenberger, Mulhouse, inaugurée en avril 2002 (voir GR 1021).
[2] Foyer Ste-Claire, rue de Dieppe, -ourtzwiller, Mulhouse.