Enquête sur la conscience politique des jeunes

RÉFLEXIONS ET LECTURES - SUR LA POLITIQUE EN GÉNÉRAL
par  M.-L. DUBOIN
Publication : novembre 2004
Mise en ligne : 4 novembre 2006

S’occupe-t-on des affaires de la cité et du monde quand on a entre 14 et 21 ans ? Gérard Lecha, plutôt que se ralier à l’opinion courante selon laquelle on serait frivole à cet âge, a préféré mener l’enquête en proposant à 800 de ces jeunes de répondre à un questionnaire. Il vient de publier le résultat de cette enquête dans un livre intitulé “Les jeunes et la politique”, aux Éditions Libertaires.

Un des grands mérites de cette enquête est que l’échantillon de population interrogée était très divers, avec une répartition à peu près égale entre filles et garçons et entre les tranches d’âge 14-17 ans et 18-21 ans, de Paris, de banlieue ou de Touraine, comportant évidemment une majorité de scolaires et d’étudiants, du CAP à l’École Normale Supérieure, mais aussi des chômeurs, des salariés et même quelques appelés… car l’enquête a été menée entre septembre 1989 et octobre 1990.

L’objectif du questionnaire (40 questions) était de savoir comment les jeunes percevaient alors les affaires de la France et du monde, et quelle conscience ils avaient de la place qui leur y est laissée. Plus précisément, dit G.Lecha, « Notre idée de départ était de vérifier si les options pacifistes et mondialistes trouvaient quelque écho chez les jeunes. Au terme de cette enquête, nous pouvons dire sans conteste que “le souci éthique et libertaire de la jeunesse” … apparaît, majoritairement, de façon flagrante ».

Le très grand intérêt de cette enquête est de donner une image, prise sur le vif, de la jeunesse en 1990. Elle apporte au lecteur un instantané qui devrait faire date, en lui rappelant les traits qui caractérisaient les jeunes il y a quinze ans, pour qui ce qui comptait le plus, sans ignorer la menace du chômage, était “avoir un métier intéressant”, suivi de bien loin par “l’argent” et “la réussite à tout prix”. La grande majorité d’entre eux ne se disaient nullement indifférents à la misère du monde, et même révoltés et écœurés, mais impuissants face à elle… Ils avaient pris conscience que la pollution concerne la planète entière, et qu’un mieux pour l’humanité dépend avant tout du réveil actif des peuples. Ils pensaient en majorité que la paix est “la concorde universelle par le Droit” et que ce qui déclenche les guerres, c’est, à égalité (24%), “la folie individuelle et collective” et “le racisme et la xénophobie”, suivis par “la stupidité et la fermeture d’esprit”(19%), les organisations sociales existantes( 13%) et “la propriété et le système capitaliste” (10%).

Mais interrogés sur la réalité du monde (nombre d’États-nations, nombre de membres de l’ONU, nombre de conflits depuis 1945, nombre de victimes civiles et militaires) les jeunes de 1990 témoignaient d’une ignorance quasi complète. Mais ni plus ni moins que ne l’était l’opinion générale à propos des statistiques des accidents de la route ou du travail, avant que des campagnes médiatiques ne soient entreprises pour responsabiliser les individus. Gérard Lecha pose alors la question de savoir s’il ne serait pas utile qu’une démarche semblable rende enfin l’opinion plus consciente de ces questions internationales et cesse d’en accuser la “fatalité” de la “nature humaine”.

Étant donné l’importance et la gravité des évènements mondiaux depuis cette enquête, qui date d’avant la première guerre du Golfe, il importe maintenant de comparer ces résultats à ceux d’une enquête aussi sérieuse qui serait entreprise aujourd’hui. Souhaitons qu’une telle enquête se fasse et soit aussi bien menée et analysée.