L’état entre corruption et mensonge

Privatisation de l’aéroport de Toulouse :
par  B. BLAVETTE
Publication : février 2020
Mise en ligne : 30 septembre 2020

Sauf indications contraires, les informations contenues dans le texte ci-dessous proviennent d’articles parus dans la revue en ligne Médiapart sous la plume du journaliste Laurent Mauduit et notamment : « Aéroport de Toulouse privatisé : le scandale rebondit avec Eiffage » - (12/12/2019).

Par souci de rigueur, certaines informations ont été confirmées et/ou complétées par la consultation de La Dépêche du Midi, l’encyclopédie en ligne Wikipédia, Le Monde, La Tribune et le site internet de France 3.

Ceux qui se désintéressent du projet de privatisation du Groupe Aéroports de Paris feraient bien de tourner leur regard vers un précédent particulièrement éclairant : la cession au privé de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Cette opération réalisée en 2014 sous le quinquennat de François Hollande et confiée à son Ministre des Finances Emmanuel Macron réalise la performance de concentrer les pires tares du capitalisme contemporain : mépris de l’intérêt général, spéculation, mensonges, pactes secrets, corruption…

En 2014, à la surprise générale, 49,9% des parts de l’aéroport sont cédées pour 308 millions d’Euros à un consortium sino-canadien composé de la société SNC-Lavalin Inc (transports et travaux publics) déjà radiée pour 10 ans par la Banque Mondiale (interdiction de participer à ses appels d’offres) pour de graves faits de corruption (une sanction rarissime) et du groupe chinois Friedmann Pacific Invesment implanté dans une multitude de paradis fiscaux.

Pourtant, début 2015, Friedmann Pacific se débarrasse du canadien devenu trop compromettant. Avec un autre partenaire chinois, Shandong Hi Speed Group, un nouveau consortium baptisé Symbiose voit le jour qui, par l’intermédiaire d’une filiale française, Casil Europe, va détenir les parts sur l’aéroport.

Mais surprise, le 17 mai 2015 le PDG de Casil, le chinois Poon Ho Man, accusé de diverses malversations par les autorités chinoises et hongkongaises, disparaît, ainsi que sa compagne Christine. Selon la banque de données sur les entreprises, Société.com, il est immédiatement remplacé par un dénommé Wei Zhang. Mais toujours selon Société.com, Casil Europe n’emploie qu’une ou deux personnes et a réalisé en 2017 et 2018 un chiffre d’affaires égal à … 0. Il s’agit de toute évidence d’une coquille vide, d’une « société écran » utilisée pour un simple montage financier ou/et juridique.

De leur côté, la région, le département et la ville de Toulouse détiennent 40 % des actions et l’État 10,1 %. Ce qui permet à Emmanuel Macron d’affirmer que la collectivité conserve la majorité des parts et donc le contrôle de l’aéroport.

En fait il s’agit là d’un énorme mensonge.

En effet, l’État français a signé un « pacte d’actionnaire » secret avec le consortium privé dans lequel il s’engage « à ne pas faire obstacle à l’adoption des décisions prises en conformité avec le projet industriel tel que développé par l’Acquéreur dans son offre et notamment les investissements et budgets conformes avec les lignes directrices de ces offres ». On remarquera ici qu’un tel pacte aurait pu être conclu avec les actionnaires publics, ce qui aurait été plus conforme à l’intérêt général. Au lieu de cela c’est Symbiose, actionnaire minoritaire, qui possède en réalité les pleins pouvoirs, pouvoirs dont il ne tardera pas à user largement en s’octroyant des dividendes colossaux.

Il faut savoir que la gestion de l’aéroport s’avère très rentable (un peu plus de 10 millions d’euros de bénéfice net par an) et que les réserves, destinées à de futurs développements où à faire face à un accident grave, sont confortables : plus de 57 millions d’euros au moment de la privatisation. Entre 2016 et 2018 Symbiose va faire voter, avec la bénédiction de l’Agence des Participations de l’État (APE), dirigée par Martin Vial, le conjoint de Florence Parly l’actuelle Ministre des Armées, la distribution de 44 millions d’euros de dividendes, dont 25 millions prélevés sans aucune justification sur les réserves.

RAPPEL

Pour voter en ce qui concerne la tenue d’un référendum sur la privatisation d’Aéroport de Paris il suffit de se rendre sur le site

REFERENDUM.INTERIEUR.GOUV.FR

muni d’une pièce d’identité.

Clôture des votes le 12 mars 2020.

Mais le pillage ne fait que commencer.

En janvier 2019, quatre ans seulement après l’achat des parts, Symbiose annonce son intention de revendre sa participation dans l’aéroport de Toulouse pour 500 millions d’euros au groupe de travaux publics Eiffage.

Le scandale se décline en trois points :

• Est-il tolérable qu’un bien public soit utilisé pour une opération financière qui relève de la pure spéculation et dépourvue de toute logique industrielle ? De plus, une telle plus-value en l’espace de 4 années seulement démontre à l’évidence que la vente de 2014 n’était qu’une braderie comme cela se produit le plus souvent lors de la cession au privé de biens publics.

• Est-il tolérable que l’État Français ait accepté, comme cela semble être le cas, de signer un nouveau « pacte d’actionnaire » en faveur d’Eiffage cette fois  ?
Précisons que si cette disposition n’avait pas été renouvelée, le montant de la vente aurait mécaniquement été minoré au détriment de Symbiose.

• Est-il tolérable de laisser se constituer de gigantesques oligopoles qui, comme par ailleurs Vinci, bénéficient à la fois de concessions autoroutières et aéroportuaires : Eiffage a déjà pris le contrôle des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), de l’aéroport Marseille-Provence et depuis le 1er janvier 2020 de l’aéroport de Lille-Lesquin  ? Étrangement, l’Autorité de la concurrence a autorisé sans problème ces opérations.
— Remarquons enfin que le fond d’investissement vautour BlackRock détient une part non négligeable (10,68 %) du capital d’Eiffage.

On peut légitimement s’interroger sur les motivations qui ont poussé Emmanuel Macron à s’engager dans un tel cloaque.

Quelles instructions a-t-il reçues de la part de l’oligarchie dominante dont on réalise, jour après jour, qu’il n’est que l’exécuteur des basses œuvres ?

S’agissait-il, dès 2014, de tester sa docilité à obéir aux directives de ses commanditaires en vue de l’octroi d’un soutien sans faille à sa candidature à la Présidence de l’État ?

Quoi qu’il en soit, on constate que, depuis sa formation, ce gouvernement est secoué par de multiples scandales dont le moindre n’est pas la mise en examen pour « Prise illégale d’intérêt » de Richard Ferrand, Président de l’Assemblée Nationale et 4ème personnage de l’État.

Une chose est certaine : un régime dans lequel la corruption, le mensonge, le secret, ne sont plus l’exception mais la règle ne peut se prévaloir d’une quelconque légitimité…


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