Travail et activité
Publication : décembre 1997
Mise en ligne : 2 décembre 2005
À ce stade, il importe d’être très clair. Le travail qui disparaît, c’est le travail salarié dans la production marchande. Il disparaît, c’est un fait, indéniable, nous avons vu pourquoi, comment, à quel rythme accéléré et qui va s’accélérer encore.
Mais une confusion s’est établie entre travail et activité.
Pourquoi ? Comment ? Avec quelles conséquences ?
La confusion travail-activité est devenue si fréquente qu’il est de plus en plus difficile de distinguer dans le discours des uns et des autres de quoi l’on parle.
Ce qui disparaît, c’est le travail salarié, correspondant à un emploi dans la production marchande en échange d’un salaire. Ce travail, tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’existait même pas chez les grecs et les romains qui considéraient les activités, issues de la nécessité, ou tâches laborieuses (artisanales, agricoles ou autre) comme dégradantes : la finalité de l’être humain libre devait être l’activité éthique et l’activité politique.
Par contre, l’activité n’a aucune limite puisqu’elle englobe entre autres choses, les tâches d’intérêt collectif, la recherche, la gestion de la cité, la politique,etc. que, dans le système actuel, on nous présente comme non rentables parce que non marchandes [*].
Insistons sur le fait que le travail dont la disparition est à l’origine du chômage et de ses conséquences, est quelque chose de très précis, de très particulier, défini par un modèle de référence qui est récent, comme l’a montré Dominique Méda [7], et dont la généralisation n’a pas toujours été la règle ; il ne s’agit, somme toute, que d’une certaine forme de travail. Comme le montre ci-dessous Djémil Kessous, cette forme de travail ne correspond qu’à une période (environ deux cents ans) de l’Histoire. Avant cette période, l’activité humaine était dominée par l’urgence, la nécessité de tirer de la nature, surtout en utilisant ses propres forces physiques, les moyens de survivre. La société s’est ensuite organisée en se partageant ces travaux : à chacun son métier.
C’est l’industrialisation, à la fin du XVIIIème siècle, qui, en transformant les processus de production, a substitué l’emploi-salarié au métier de l’artisan. « Le salariat a en effet été pour l’industrie le moyen de répondre aux nécessités d’organisation en vue d’une production de masse. Le moteur de l’activité est devenu l’utilité (réelle ou factice) sur laquelle table le capitalisme pour augmenter ses profits. Ce qui prime, c’est l’organisation, le travail n’étant qu’un rouage parmi tant d’autresde la grande machine économique ; il est devenu une marchandise [8] ».
On parle depuis du marché du travail.
[*] Duboin avait bien fait la différence, même s’il désignait les deux concepts par le même mot, travail : « On n’aura donc plus à travailler ? Qui dit pareille sottise ? On travaillera autant qu’on le voudra, mais gratis pro Deo [6]... » (puisque tout le monde sera assuré de recevoir un revenu).