Tricotons notre avenir !

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par  M.-L. DUBOIN
Publication : juin 2014
Mise en ligne : 12 octobre 2014

Invitée pour répondre aux questions du public après la projection du film LA DETTE, Marie-Louise DUBOIN est revenue de Colmar beaucoup plus optimiste qu’en partant. Elle nous dit ici pour quelles raisons :

Tout un programme ! Comment ne pas y souscrire quand on cherche à contribuer à l’invention d’une véritable démocratie en économie ? J’avais donc accepté la proposition des organisateurs qui avaient choisi ce thème pour la foire éco bio d’Alsace, à Colmar, ce premier week-end de juin.

Ce n’était pas la première fois qu’on me proposait d’intervenir dans une “foire bio”… mais je me rappelais la déception d’avoir rencontré, dans d’autres foire bio, une majorité de gens venus uniquement pour faire des achats et des exposants motivés surtout par la recherche de bonnes affaires. Je garde même un assez mauvais souvenir de celle de Villeneuve-sur-Lot, où ma rencontre avec Pierre Rabhi avait été fort décevante : comme j’ai beaucoup aimé le livre qu’il venait alors de publier, je l’ai abordé avec enthousiasme en lui disant combien j’avais été sensible à l’amour de la terre qu’il y exprimait ; et dans mon élan, je lui ai offert un exemplaire de mon roman d’anticipation Les Affranchis, que j’avais même pris soin de lui dédicacer. Or il a refusé mon livre, froidement, en disant qu’il ne lisait pas de “théorie”…et il m’a tourné le dos, me laissant plutôt bouche bée ! Et puis c’est en Alsace, il y a une dizaine d’années, que des personnes que je croyais d’esprit très ouvert, ont rejeté l’idée d’écrire dans La Grande Relève sous prétexte que pour elles il n’y a de vrai que le concret, ce qui est écrit n’est que du vent… Bref, en partant pour Colmar, je n’étais pas vraiment optimiste ! !

Quelle erreur ! La foire éco bio d’Alsace est bien autre chose qu’une simple foire ! Bien sûr, c’est un marché où on peut acheter, à des prix très divers, pas forcément bas, une foule de choses qu’on trouve difficilement ailleurs : des fruits, des légumes, de la nourriture issus de fermes dont les méthodes de production se veulent biologiquement propres, soucieuses de la terre, de l’environnement et des animaux ; on y trouve aussi des semences de plantes oubliées, devenues rares, des produits de soins (tels que des huiles essentielles) tirés de la nature en principe sans apports chimiques, etc… Et en plus, la foule d’inventions qui y sont présentées révèle une mine insoupçonnée d’innovations, souvent astucieuses, saines et intelligentes.

Mais c’est bien plus ! Car autour d’un thème choisi, ce sont, pendant quatre jours, des ateliers, des conférences, des projections de films suivies de débats avec la salle, du théâtre, des concerts, de sorte qu’au souci primaire de chercher comment mieux nourrir son corps, s’ajoute un indispensable complément, celui de nourir son esprit, de l’entraîner à réfléchir en rencontrant les autres. Qu’on en juge par ces extraits de la présentation de ces rencontres :

« Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, nous pensions être dans une dynamique qui nous conduisait progressivement vers le bien-être de tous. Or, ces dernières décennies, la mondialisation néolibérale qui a colonisé nos esprits a engendré un véritable “détricotage” du bien-vivre ensemble avec notre planète.

Comment est-il possible que de plus en plus de personnes ne mangent pas à leur faim, y compris en Europe, alors que plus de 40% de la nourriture produite termine à la poubelle ?… Pourquoi le modèle de l’agriculture industrielle continue-t-il à s’imposer… alors qu’on découvre chaque jour les catastrophes qu’il engendre ? Que dire des multinationales prédatrices qui exploitent un pays sans reverser d’impôts, pour le quitter dès que de meilleures conditions apparaissent pour elles ailleurs ? … Que penser du pouvoir de manipulation de la publicité qui nous vend des gadgets en réponse à notre besoin de lien et de sens ?…

Les grands penseurs et humanistes qui viennent de nous quitter, tels que Théodore Monod, l’Abbé Pierre, Stéphane Hessel, André Gorz et Albert Jacquard, n’ont eu de cesse de nous alerter, d’éveiller nos consciences à ce processus en cours de marchandisation du monde. Comme l’a écrit André Gorz : « Nous semblons attendre misérablement de l’avenir qu’il nous restitue le passé, alors que nous devrions plutôt rompre avec cette société qui meurt et qui ne renaîtra plus »

pour se procurer le DVD de ce film de N. Ubelmann et S.Mitrani
www.ladettelefilm.com

Au cours du débat qui suivit la projection du film LA DETTE, une question a été posée : Peut-on imaginer une société sans dette ? Nous, distributistes, y répondons OUI ! Mais quand un économiste, bien qu’atterré, trouve tout à fait normal que les banques ponctionnent un intérêt proportionnel aux sommes qu’elles manipulent, on comprend qu’il faut faire un bel effort !

Un dernier commentaire : cette foire éco bio d’Alsace a attiré environ 40.000 personnes, son intendance a donc été un gros travail. Or ce gros travail a été assumé bénévolement par une centaine de personnes. C’est la réponse manifeste à ceux qui prétendent que si chacun avait un revenu garanti, plus personne ne voudrait travailler…