Union pour le Mépris du Peuple
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Publication : janvier 2005
Mise en ligne : 4 novembre 2006
Le plan de J-L Borloo [1], dit de “cohésion sociale”, dernier avatar du grand désordre ultra-libéral, répond-il à nos aspirations d’une société plus solidaire ?
Nous ne souhaitons nullement faire un procès d’intention à son illustre initiateur. Sa bonne volonté paraît évidente. Mais quoique son plan vise à remédier à la ”fracture sociale”, il s’inscrit dans une évolution qui semble hélas, se situer à contre-courant des intentions publiquement énoncées.
Les médias nationaux ne cessent d’attirer l’attention sur la montée des inégalités et constatent que « les inégalités explosent en France : en 2003 l’écart entre les riches et les pauvres s’est accru de 5,5 % … un record depuis cinq ans ». Sont désormais concernés par la grande pauvreté galopante, et le surendettement, non seulement les sans-emploi, mais des salariés contraints faute de mieux d’accepter des “petits boulots” précaires et mal rémunérés, les jeunes privés de toute ressource et en quête de fonds pour s’installer, les retraités dont on ne cesse de proclamer qu’ils sont prospères, alors que pour la plupart d’entre eux, qui ne contribuent pas à l’ISF, le niveau de vie subit une érosion croissante par l’action conjuguée de la hausse des prix et la stagnation des pensions.
Le plan de cohésion sociale comporte quatre volets : emploi, licenciements économiques, logement, égalité des chances. Son grand défaut est de manquer singulièrement d’assise financière fiable.
Il comporte en outre des insuffisances, voire des régressions.
Pour ne citer que quelques exemples, le “contrat d’avenir” à temps partiel avec formation obligatoire en faveur des bénéficiaires du RMI, des allocations spécifiques de solidarité ou de parents isolés, ne fait que se substituer au projet avorté de RMA (Revenu Minimum d’Activité) Les “Maisons de l’Emploi” ont surtout pour objet d’ôter à l’ANPE le monopole du placement et constitue un pas vers sa privatisation dans un environnement social de plus en plus dégradé. Le contrôle du demandeur d’emploi est encore renforcé - bonjour les radiations provoquées - et le temps de déplacement n’est plus intégré dans le temps de travail effectif.
Par ailleurs, la perspective énoncée de construire 500.000 logements locatifs sociaux d’ici à 2011, là où il en faudrait au minimum le triple pour faire face aux besoins les plus urgents, s’ajoute- telle au programme de destructions-reconstructions incluses dans les Plans de Rénovation Urbaine ? Il est clair que l’État (ou ce qu’il en reste) rechigne à bâtir des logements sociaux en nombre suffisant, ce qui aurait pour effet indirect de casser le mouvement de spéculation et donc la hausse démentielle des prix qui met le secteur immobilier hors de portée des bourses modestes, notamment en centre ville.
Quant aux suites à donner aux licenciements économiques, elles ne s’attaquent pas à la source du phénomène de délocalisations.
La régression sociale n’a jamais atteint un tel degré d’intensité… Après EDF-GDF, ce sont maintenant la Poste, les Télécommunications, les aéroports publics, qui sont démantelés, livrés à la concurrence sauvage d’investisseurs privés, avides de profits à court terme plus que d’investissements productifs.
Autrefois excédentaires, ces services publics sont désormais lourdement endettés.
« Le service public du téléphone est à vendre », annonce Libération [2]. Des centaines de bureaux de poste sont fermés dans nos campagnes, accélérant ainsi l’isolement des bourgs et des villages. Des élus locaux (Creuse, Côte d’Or) tentent de s’y opposer, mais comment lutter contre l’appât du profit et les sirènes de la “rentabilité” financière ?
Dans ma ville, il faut toujours faire la queue aux guichets du bureau de poste central, faute de personne(l) disponible, mais on y trouve tous les services d’un établissement bancaire… Mais l’avenir de la Poste est-il de vendre du pain ?
La SNCF n’est pas mieux lotie. La gare est laissée à l’abandon. Les locaux ne sont pas mieux entretenus que les voies où l’herbe folle pousse si bien que les TER sont contraints de ralentir. Même évolution catastrophique dans nos hôpitaux, amenés à faire des économie drastiques et à travailler avec un personnel restreint.
Dans nos écoles, on supprime arbitrairement des classes, quand la plupart sont surchargées.
Nos universités, nos laboratoires, nos services de recherche sont réduits à la portion congrue.
Ainsi, des secteurs aussi vitaux que la santé, l’éducation, la recherche, sont–ils délibérément sacrifiés sur l’autel d’une conception retorse de la rentabilité, de la concurrence sauvage, du déterminisme du marché, au détriment de la notion même de SERVICE PUBLIC.
Mais la spéculation financière se porte à merveille, dans la plus grande confusion.
L’union pour le mépris du peuple dépasse les frontières d’un seul parti politique.
[1] NDLR : dont l’ouvrage, dans lequel il exprimait ses intentions sous le titre “Un homme en colère”, a été analysé dans la GR 1025 (oct. 2002, p.4) sous le titre “Les divagations d’un rêve -la-lune” par Henri Muller.
[2] du 21 /12/2004.