Vive les robots


par  P. SIMON
Publication : octobre 1981
Mise en ligne : 26 mars 2008

DEJA présents dans l’industrie, les robots vont assurer, dans les années à venir, une part toujours croissante de la production de biens. Les grandes entreprises s’équipent ou vont s’équiper dans un proche avenir. C’est ainsi que Général Motors a l’intention de consacrer plus d’un milliard de dollars d’ici 1990 à l’installation de 14 000 robots. Pour mieux juger de l’importance de cette décision on rappellera que l’industrie américaine toute entière ne possède actuellement guère plus de 3 500 robots en service. La fabrication des robots devient une activité importante investissant des sommes colossales dans la recherche et le développement. De nouvelles entreprises s’y intéressent et on sait que le géant IBM a des projets dans ce domaine.

UN ROBOT, C’EST QUOI ?

Il ne faut pas croire que les robots utilisés à présent sont doués d’intelligence au même titre que les humains. Ils ne peuvent qu’accomplir une tâche précise, simple, toujours la même. Bien sûr, ils n’ont pas d’états d’âme, travaillent jour et nuit, ne réclament pas d’augmentation et ne tirent pas au flanc. Mais ils sont incapables de résoudre le moindre problème. Prenons le cas d’un robot qui alimente en pièces une machine quelconque. Ces pièces lui parviennent sur un tapis roulant. Si l’une des pièces a bougé sur le tapis, le robot est incapable de changer son mouvement pour la prendre. Il la laissera passer.
Les robots les plus simples ont un bras commandé par une série de contacts électriques. Le déplacement qu’effectue le robot a été décomposé en trajets commandés chacun par un contact. Un tel robot ne pourra jamais accomplir que le même geste. Si on veut lui faire faire autre chose il faut le démonter entièrement et le reconstruire. Les robots de la nouvelle génération, par contre, sont commandés par une mémoire électronique dont on peut changer le programme. On change ainsi la fonction.

L’AVENIR

On s’active beaucoup dans les laboratoires de recherche à trouver des systèmes qui permettent à un robot de voir ou de sentir les objets. C’est possible en théorie grâce à des caméras reliées à un ordinateur où l’image transmise par la caméra est comparée à une image type. A partir de là il faut programmer le robot pour qu’il réagisse. On n’en est pas encore là.
Nous sommes donc encore loin des robots imaginés dans les films de science fiction. Ceux qu’on rencontre dans les usines sont bien plus modestes. De plus ils ne peuvent servir que dans un ensemble de machines automatisées conçues en fonction d’eux. Certains accomplissent des tâches plus complexes que d’autres. C’est, par exemple, le cas des robots effectuant la soudure par points des carrosseries d’automobiles ou la peinture de ces mêmes carrosseries. Des tâches qu’aucun humain ne regrettera de ne plus faire.

LES ROBOTS ET L’EMPLOI

S’il n’y a pas davantage de robots en service à l’heure actuelle, ce n’est pas parce que les syndicats s’opposent à leur venue. Ce qui freine leur prolifération, c’est leur coût. Dans ce domaine comme ailleurs la rentabilité est la règle. Même si le prix d’un robot se révèle accessible pour un industriel il ne lui sert à rien d’en acheter si le reste de sa production n’est pas automatisée. Dans ce cas, de profondes transformations sont nécessaires qui coûtent horriblement cher.
Un robot ne perçoit pas de salaire, c’est vrai. Pas plus que d’avantages sociaux. Mais il coûte de l’argent car il s’use. Il faut donc payer son entretien et prévoir son remplacement. Les comptables considèrent, cependant, qu’un robot s’amortit en deux ans, ce qui est peu. Malgré tout, tant qu’un patron n’est pas certain qu’un robot va représenter une économie il s’abstiendra d’en acheter.
On peut affirmer pourtant que les robots vont être de plus en plus nombreux dans les usines, car les coûts salariaux ne cessent de croître. Quel sera l’effet de cette évolution sur l’emploi  ? Les ouvriers spécialisés, au moins certains d’entre eux, vont se tirer d’affaire car on aura besoin d’eux pour apprendre aux robots à travailler. Qui mieux qu’eux connaît la tâche à accomplir, qui peut mieux surveiller les machines ?
L’ouvrier non qualifié, par contre, risque fort de perdre son emploi. Les plus touchés seront sans doute les travailleurs les moins jeunes donc les moins aptes à apprendre des tâches nouvelles. Les syndicats s’opposeront peutêtre avec succès à l’entrée de robots dans certaines usines, mais ils. ne pourront empêcher que les industriels d’autres pays s’équipent et finalement leur usine fermera n’étant plus compétitive et ils perdront leur emploi. On ne peut même pas vraiment espérer qu’ils trouveront du travail en construisant des robots car, déjà, certains robots sont fabriqués par d’autres robots.

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Alors mieux vaut se réjouir de l’arrivée de ces machines qui libèrent l’homme de tâches répétitives ou pénibles. Il faut cependant en tirer les conséquences qui s’imposent et redistribuer les tâches. C’est ce qu’on répète depuis longtemps dans « La Grande Relève ».