Parmi les personnes qui ont plus ou moins vaguement entendu parler
de l’économie distributive, la croyance que les partisans de
celle-ci pensent TOUS qu’elle doit s’accompagner d’une égalité
des revenus est un obstacle sérieux à la propagation des
idées distributistes.
Aussi est-il important de poser la question sur ce sujet.
D’abord cette croyance est erronée : tous les distributistes
ne sont pas d’accord avec l’idée de nivellement des revenus.
En ce qui me concerne, je considère que : Primo - La VERITABLE
EGALITE ne consiste pas en revenus et temps de travail égaux,
mais en la possibilité égale pour TOUS de construire son
bonheur en tenant compte au maximum de la DIVERSITE DES BESOINS ET DESIRS
parmi les individus,
Secundo - La base fondamentale du socialisme distributif, celle qui
lui permet de mettre fin à la « crise », à
l’effondrement dans le chaos, c’est simplement la dissociation entre
la distribution des revenus et le TEMPS DE TRAVAIL GLOBAL des hommes
: LE TEMPS DE TRAVAIL ET NON PAS SA QUALIFICATION.
La Commune de 70 avait adopté un éventail des revenus
de 1 à 5.
Il me paraîtrait donc néfaste que le mouvement distributiste
adopte une position d’ensemble sur ce problème qui concerne les
aspirations de la totalité d’une population et non seulement
les désirs d’un petit groupe d’idéalistes.
Parmi les consommateurs, il y a deux extrêmes.
D’une part les voraces, avides et agités, ambitieux, les insatiables
dont parle Georges Krassovsky, qui sont disposés à un
acharnement au travail pour acquérir des biens matériels...,
d’autre part les sages à la pointe de l’évolution qui
ont compris que le plus grand, le plus durable bonheur réside
surtout en la recherche des biens spirituels (moraux et intellectuels)...
Ce n’est pas nouveau ! Déjà dans l’antiquité Epicure,
entre autres, constatait une tendance majoritaire à gâcher
sa vie dans des luttes stériles pour l’acquisition des biens
matériels, des honneurs et des pouvoirs.
IL NE FAUDRA DONC PAS QU’EN ECONOMIE SOCIALISTE LES SAGES SOIENT CONDAMNES,
COMME C’EST TROP SOUVENT LE CAS EN REGIME CAPITALISTE « LIBERAL
», A PARTICIPER A UNE PRODUCTION DE BIENS MATERIELS SUPERFLUS
PARCE QU’UNE MAJORITE PAUVRE EN ESPRIT OU CONDITIONNEE NE CONÇOIT
QUE LA RICHESSE EN AVOIR. Ce serait encore une dictature des avides
agités qui, foulant aux pieds le bonheur de certains, n’aurait
rien à voir avec une égalité dans le sens noble
du terme.
Pour résoudre au mieux ce problème au sein d’un socialisme
distributif, je propose 3 secteurs qui se partagent l’ensemble du pouvoir
d’achat :
1°) Dans les pays suffisamment industrialisés, un MINIMUM
VITAL DECENT serait attribué à tout individu qui ne désire
pas travailler (chacun en naissant a droit à sa part de l’héritage
collectif constitué par les immenses possibilités de production
technologiques que des générations de chercheurs et de
producteurs nous ont léguées).
2°) Un REVENU SOCIAL DE BASE identique pour tous exigerait en contre
partie l’accomplissement d’un SERVICE SOCIAL DE TRAVAIL de 2 à
3 heures par jour en moyenne.
3°) Des REVENUS COMPLEMENTAIRES et des PRIMES D’EMULATION seraient
attribués à des activités dont les difficultés
physiques ou intellectuelles et la durée devraient être
compensés par des avantages en pouvoir d’achat pour pouvoir être
acceptées librement par un nombre suffisant de personnes.
Ces trois catégories de revenus sociaux seraient intégrées
par définition au sein d’une économie authentiquement
socialiste car ils seraient tous les trois distribués, non pas
par des entreprises, mais par un organisme informé de la quantité
TOTALE de production-services et qui pourrait ainsi répartir
en connaissance de cause une somme TOTALE de pouvoir d’achat proportionnelle
à cette production avec une marge de sécurité suffisante,
et cela tout-à-fait en indépendance du temps TOTAL de
travail de l’ensemble des producteurs. Ceci n’empêcherait absolument
pas que la TOTALITÉ de pouvoir d’achat ainsi déterminée
puisse être répartie entre les individus en tenant compte
de leurs qualifications professionnelles et de leur temps de travail
INDIVIDUEL lorsque celui-ci dépasserait régulièrement
la norme de 2 à 3 heures par jour en moyenne.
Bien sûr, avec ce mode de répartition il y aurait des différences
notables, limitées raisonnablement, entre les « niveaux
de vie » matériels ; mais au moins celles ou ceux qui posséderaient
plus ne seraient plus des parasites souvent nuisibles comme cela est
fréquemment le cas en régime capitaliste : plus de spéculateurs
et d’affairistes de toutes sortes, plus de bureaucrates inutiles ! Ceux
qui voudraient plus travailleraient plus en qualité ou en quantité
(1).
Dans notre société de gaspillage, 30 % environ des activités
sont inutiles : il est difficile de faire mieux !!... En économie
distributive (où il n’y a plus d’impôts) les possibilités
actuelles de l’informatique réduiront au maximum la paperasserie
et la bureaucratie : il ne sera plus nécessaire de maintenir
des réglementations compliquées pour conserver des emplois
à des chômeurs camouflés.
On peut de prime abord se demander s’il ne serait pas préférable
de conserver un secteur important de l’économie sous forme de
capitalisme sauvage, coexistant avec un secteur socialiste. Mais alors
nous devons nous poser ces questions :
1°) Dans le secteur capitaliste, ce serait les entreprises qui distribueraient
le pouvoir d’achat. Celles-ci étant en concurrence, les impératifs
de la rentabilité et de la compétitivité les obligeraient
à diminuer au maximum leurs prix de revient en payant leur personnel
le moins possible (c’est surtout de cette manière que les Japonais
exportent actuellement leur chômage VISIBLE, et en utilisant le
plus possible le progrès technologique de manière à
ce qu’une automation élimine le maximum de main d’oeuvre indispensable,
diminuant ainsi le nombre de salaires à donner.
Que deviendraient les éliminés ?... Iraient-ils de plus
en plus grossir le nombre des partisans d’une vie simple avec beaucoup
de temps libre au, détriment de leur avidité matérielle
?
2°) La rentabilité, la recherche du gain maximum. pousseraient
inévitablement à une expansion ou croissance industrielle
polluante.
Je suis bien d’accord avec Georges Krassowsky pour qu’un contrôle
d’ordre écologique IMPOSE des limites à la croissance...
Mais serait-il en mesure de les imposer face à une toute puissante
aristocratie financière du secteur capitaliste capable d’acheter
des consciences politiques et de devenir - de rester - les maîtres
occultes de l’Etat ?
Ceci est capital pour l’avenir de toute vie sur la Terre.
En économie véritablement socialiste, l’imposition indispensable
d’une limite à la production générale serait facilitée
par la suppression d’une publicité mensongère, tyrannique
et abrutissante qui pousse les moutons à la surconsommation,
3°) En économie socialiste intégrale, il y aurait
un équilibre permanent indispensable entre la quantité
de monnaie disponible et la quantité de production/services qui
met la monnaie socialiste à l’abri de toute spéculation
et de l’inflation.
Si on admet un secteur capitaliste où des entreprises QUI NE
CONNAISSENT QUE LEURS SEULES PRODUCTIONS distribuent des revenus n’importe
comment, comment éviter que la pagaille monétaire ainsi
créée aille anéantir l’ordre socialiste ?
Nous ne voulons plus de monnaie de singe fondante !
En résumé : comment une économie de marché
(privée, nationalisée ou. étatisée et même
autogestionnaire) qui ne peut plus fonctionner à l’échelle
mondiale, qui s’effondre visiblement partout, comment une telle économie
pourrait-elle mieux se comporter dans des secteurs où on voudrait
la conserver ?... Car ne l’oublions pas : non, ce n’est pas la «
crise », mais l’effondrement définitif d’un système
économique devenu inadaptable au progrès technique grandissant.
Oui, l’économie distributive n’est plus seulement un beau rêve
d’idéaliste, ELLE EST DEVENUE UNE NECESSITE.
Enfin parlons de la paix... Quand on parle de socialisme, on pense le
plus souvent à Karl Marx. Oui, c’est vrai, Marx avait bien précisé
qu’il faudrait rapidement sortir de l’économie marchande MAIS
SANS AUTRE PRECISION ; or cela n’a pas été réalisé
dans les pays dits « communistes » qui sont en réalité
des capitalismes d’Etat.
Mais combien savent qu’un sociologue français, Jacques DUBOIN
a mis en lumière la nouvelle économie véritablement
socialiste qui s’impose aujourd’hui ? Combien savent qu’un Anglais,
le major DOUGLAS, a lancé le mouvement CREDITISTE, distributiste,
qui s’est propagé au Canada... qu’aux Etats-Unis le grand précurseur
du véritable socialisme fut Edward BELLAMY (1850-1898) et qu’actuellement
l’économiste américain Gérard PIEL prêche
une économie distributive dans son pays ? On pourrait encore
citer le Prince Kropotkine...
Non, l’instauration d’un socialisme mondial ne pourra pas être
considérée comme la victoire d’un bloc sur un autre, mais
comme une CONVERGENCE vers une autre société qui n’existe
encore nulle part dans le monde.
(1) Les partisans d’une égalité des revenus pourront toujours considérer cette proposition comme s’appliquant à une période transitoire plus ou moins longue...