Quelques citations et réparties
Publication : mars 1977
Mise en ligne : 27 février 2012
Au cours d’une conférence, à un interlocuteur qui pensait le coincer en lui posant la question suivante : « Si demain vous êtes au pouvoir, quelle solution adopterez-vous ? » Jacques Duboin répondit : « Je subventionnerai les consommateurs au lieu de subventionner la production qui se porte à merveille ». Et Jacques Duboin ajoutait en s’exclamant : « Ah !, en voilà une révolution » !
« A mesure que les progrès de la technique accroissent le pouvoir de l’homme sur la matière, ils diminuent logiquement celui qu’il exerce sur ses semblables ».
Je n’ai eu la chance de rencontrer Jacques Duboin qu’une fois à Grenoble où il faisait une conférence, en 1954, je crois. Un auditeur lui posa la question suivante :
- Que fera-t-on des gens qui ne voudront pas travailler ?
- On les condamnera au minimum vital ! répondit-il.
La réponse surprit l’auditeur et sans doute une partie de l’assistance. Etre condamné au minimum vital serait pour beaucoup une sale blague dans notre société de consommation.
A la fin d’un congrès du M.F.A., vers les années 50, certains camarades trouvant le mouvement trop peu actif voulaient entreprendre une action politique. Rangeant ses lunettes, le Président Duboin leur répondit :
« Allons-y ! Vous voulez prendre le pouvoir ? Partons à l’Elysée prendre la place... Mais que ferons-nous demain ? »
Evoquant les premières mesures d’adaptation à l’économie distributive, il utilisait cette image :
« La révolution doit se faire comme on reconstruit une gare : sans empêcher les trains de passer ».
Et pour ceux qui rêvaient d’interventions décisives, il rappelait son expérience de député : « Quand je projetais de formuler à la Tribune quelque amélioration ou quelque réforme, il se trouvait toujours un collègue pour me dire : « mais est-ce que vos électeurs vous le demandent ? ».
Après un exposé, une question fusait parfois : « Quand l’Economie Distributive s’instaurera-t-elle ? ». La réponse du Président était nette « je ne lis pas dans le marc de café, c’est à vous de la vouloir et de l’exiger de vos élus ».
Enfin, stigmatisant les « économistes distingués » attachés à l’orthodoxie, il disait d’eux :
« Comment voulez-vous qu’ils adaptent leur enseignement à la conjoncture : le lendemain de leur thèse ils font polycopier leurs cours une fois pour toutes ! ».
Certains lui objectaient parfois que l’économie distributive semblant ignorée hors de nos frontières, il serait peut-être difficile aux nations voisines de nous suivre. Il répliquait alors :
« Il n’existe aucun exemple de socialisme distributif au monde. Pourquoi la France, qui fut la patrie de la « Grande Révolution » et de la Déclaration des Droits de l’Homme n’en donnerait-elle pas l’exemple ? ».
A ceux qui cherchaient un modèle de société idéale dans l’histoire, il répondait :
« Si nous avons les yeux sur le devant du visage, c’est pour regarder en avant. Ne cherchez pas à prendre conseil chez les grands bavards de l’Antiquité qui dissertaient à longueur de vie entre les colonnes du Temple.
» Mais rappelez-vous cependant qu’ils n’avaient le loisir de méditer que parce que des esclaves assuraient leur subsistance. Et dites-vous bien qu’en mettant les machines à votre service, vous pourrez tous en faire autant. »
Amer et désabusé, il lui est cependant arrivé quelquefois de regretter : « Si j’avais su qu’il y ait tant de ballots, je serais resté tranquille ». A nous de faire en sorte que sa voix ne soit pas perdue dans le désert.
Membre du Comité Directeur du M.F.A.S.D.