Au fil des jours
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Mise en ligne : 30 avril 2008
Retraites
Programmé par la loi de 2003, un nouveau rendez-vous sur les retraites va s’ouvrir dans quelques semaines. On sait déjà que la principale mesure que veut faire passer le gouvernement Fillon est l’allongement de la durée légale de cotisation qu’il veut porter (dans un premier temps !) à 41 ans. Il continue tout simplement son offensive contre le système des retraites par répartition, conformément au plan néolibéral présenté dès 1994 par la Banque mondiale. Nous en avons déjà longuement parlé [1].
La France, évidemment, n’est pas le seul pays concerné. Après l’Italie, la Grèce vient à son tour de faire adopter par son Parlement, malgré de nombreuses manifestations, la réforme très controversée de son système de retraites. Cette réforme était réclamée depuis plusieurs années par l’Union Européenne, le FMI et l’OCDE. Reprenant la même antienne que ses collègues de l’Union, le Premier ministre conservateur avait martelé pendant des mois : « cette réforme est un devoir impératif, un devoir qui permet de garantir la sécurité de la majorité de citoyens ». Dès le mois de décembre 2007, il avait reçu le renfort des “experts” du FMI : « Si on ne réforme pas radicalement le système […], les dépenses à long terme venant du vieillissement de la population menaceront la viabilité des comptes publics ». Entre autres buts, la réforme doit aboutir à réduire les “inégalités” entre les régimes de retraites de professions différentes [2], modifier le mode de calcul des retraites anticipées afin de les rendre moins attractives ; elle prévoit aussi d’accorder à partir de 65 ans un bonus de 3,3 % par an aux travailleurs continuant leur activité jusqu’à 68 ans. Avant sa réélection le Premier ministre s’était engagé à ne pas relever l’âge légal de la retraite (65 ans pour les hommes, 60 pour les femmes). Au cours des débats, la ministre de l’emploi n’a pas manqué d’avancer l’argument démographique en rappelant qu’il y avait en Grèce 1,75 travailleur actif pour un retraité, alors qu’il en faudrait 4 pour 1. Comme quoi, les mêmes faux arguments servent partout !
Travailler plus… pour gagner plus ?
Cette stupide trouvaille de Sarkozy s’accompagne, comme on le sait [3], d’une détaxation des heures supplémentaires qui sont, en principe, proposées aux salariés. En 2007, cette exonération de taxes sociales a coûté à l’État 585 millions d’euros, sans que le nombre d’heures supplémentaires effectuées par salarié ait augmenté depuis 2005. Selon l’INSEE, dans les entreprises de plus de 10 personnes (qui sont les plus nombreuses en termes d’effectifs), ce nombre d’heures était en moyenne, au quatrième trimestre 2007, de 7 heures par salarié alors qu’il était de 8 heures au quatrième trimestre 2005. Toujours selon l’INSEE, l’impact de la loi sur le coût du travail et le salaire brut par individu est faible mais un peu plus important (de l’ordre de 0,6 %) sur le salaire net moyen, c’est à dire rien de comparable avec l’augmentation du coût de la vie. Il est grand temps que l’on procède à l’évaluation de la politique de Sarkozy !
Crise financière
On sait que, comme pour le nuage de Tchernobyl, la France est à l’abri de la crise hypothécaire qui frappe les États-Unis. On vient quand même d’apprendre que, selon l’agence de notation Standard & Poors, les banques françaises devraient « encore baisser en 2008 » en raison de la crise financière qui leur a déjà coûté 11 milliards d’euros. L’agence n’exclut pas de nouvelles dépréciations d’actifs. La France n’est pas un cas particulier en Europe : au Royaume-Uni, le gouvernement a dû se résoudre à nationaliser (provisoirement a-t-il dit !) la banque Northern Rock pour éviter une banqueroute susceptible d’être contagieuse ; en Allemagne de nombreuses banques ont subi des pertes considérables, notamment la Deutsche Bank (2,2 milliards d’euros au troisième trimestre 2007 et 2,7 milliards d’euros au premier trimestre 2008) ; et en Suisse, la très vénérable USB (première banque suisse et troisième européenne) vient d’annoncer une nouvelle dépréciation de 12,1 milliards d’euros après celle de 2007 (11,7 milliards d’euros), ce qui en fait l’établissement financier le plus affecté par la crise des crédits immobiliers américains à risques devant Citygroup et Merrill Lynch.
Mais rien de cela n’impressionne les “bons“ économistes ! Par exemple, le très conservateur Eric Le Boucher, rappelant que selon certains économistes les pertes dues aux subprimes sont évaluées à 1.000 ou 2.000 milliards de dollars, c’est à dire 17% du PIB américain, s’exclame [4] : « Et sonne le tocsin. Les financiers crient au secours et plaident que si on ne les aide pas (qui ? les banques centrales, et s’il le faut les contribuables), c’est l’économie réelle qui est menacée de tarissement des crédits et d’autres joyeusetés. Les Cassandre qui nous “l’avaient bien dit” se réjouissent d’avoir eu raison. Et les politiques “à la française” voient là, enfin, le moyen tant attendu de re-réguler les méchants marchés, d’imposer le retour du Grand État et, même, courage, camarades, la fin du libéralisme ». Admettant « qu’un certain nombre d’inventions majeures du capitalisme financier doivent être révisées », il nous rassure : « Mais il ne faut rien exagérer, la finance n’est que le sang de l’économie […]. Le sang coule-t-il à gros bouillon ? Une hémorragie, cela se soigne. Les Banques centrales ont fait ce qu’il fallait : ouverture des caisses et baisse des taux pour permettre les refinancements des ruinés ».
Braves gens, dormez en paix ! Le capital est en de bonnes mains. Et le gouvernement français nous annonce un plan de 6 à 7 milliards d’économies. Il serait tellement plus simple qu’il confie le ministère des finances à Jérôme Kerviel !
[1] « Répartition, capitalisation : un enjeu de société » , GR 989, juin 1999.
[2] ça ne vous rappelle rien ?
[3] Loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat (TEPA).
[4] Le Monde, 23-24/03/2008.