Lamentations
Dès qu’il s’agit de dette publique ou d’emploi, les réactions des grands médias sont atterrantes. Pas étonnant donc que la publication par le ministère du travail des statistiques du chômage de novembre ait donné lieu aux lamentations habituelles.
• Une fois de plus Le Monde met un titre stupide en haut de sa première page. Celui du mercredi 28/12 (il est vrai que c’est le jour des Saints Innocents…) est tout a fait révélateur de l’idéologie du journal, conforme à l’orthodoxie économique la plus répandue : « La forte dégradation de l’emploi marque l’entrée en récession de la France ». Comme si la dégradation de l’emploi était un scoop ! Les lecteurs de La Grande Relève savent depuis fort longtemps que, crise ou pas, l’emploi salarié est une “valeur” appelée à devenir de plus en plus rare en régime capitaliste. Le Monde précise : « Pour le troisième mois consécutif, la cohorte des demandeurs d’emploi a encore augmenté en novembre avec 29.900 personnes de plus sans aucune activité, inscrites à Pôle emploi et même 51.800 en comptabilisant celles ayant eu une activité réduite.[…] En France métropolitaine, 2.844.800 demandeurs d’emploi étaient sans activité fin novembre… En incluant les demandeurs d’emploi exerçant une activité réduite, 4.244.800 personnes étaient en quête de travail… ».
• Pas en reste, Libération (26/12/2011) titrait : « Chômage : ça continue, encore et encore. En novembre, Pôle emploi comptait 51.800 inscrits de plus que le mois précédent (+1,2%). Sur un an, le chômage a augmenté de plus de 5,5% […] Les jeunes sont particulièrement concernés par ces mauvais chiffres. Les inscriptions à Pôle emploi bondissent en effet de 2,2%, chez les moins de 25 ans, soit le double en pourcentage de la moyenne nationale. Sur un an, cependant, les seniors sont les plus touchés, avec une augmentation de 15,3% des inscriptions.[…]. Quant aux motifs, ils tiennent toujours principalement à des interruptions de contrats précaires, CDD et intérim, qui représentent près du tiers des motifs d’inscription. On note également un rebond des licenciements économiques (11,1%) : bien moins importants en nombre, ils augurent mal de l’année à venir »…
• « Faut-il plus de sévérité envers les patrons ? », s’interrogeait la Rédaction de RMC.fr, à propos de l’accroissement du chômage des “seniors” en rappelant que « les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans sont pourtant censés être mieux protégés depuis une loi de 2010 qui prévoit que les entreprises de plus de 50 salariés ne respectant pas les quotas fixés par convention encourent des sanctions ». Mais « les sanctions ne sont pas assez dissuasives » bien que « le montant de l’amende puisse atteindre 1% de la masse salariale ». Et même « si certains employeurs ont été verbalisés, le texte ne semble pourtant pas porter ses fruits ». « Il faut des sanctions plus sévères et, surtout, il faut qu’elles soient appliquées ». Pour Pascale Coton, secrétaire générale de la CFTC « lorsqu’il grille un feu rouge, tout conducteur est sanctionné. Pour le code du Travail, c’est pareil. Si les sanctions ne sont pas assez sévères envers les entreprises qui ne respectent pas l’emploi des seniors, elles ne sont pas dissuasives. Il faut donc qu’elles soient bien plus contraignantes ».
Quand l’emploi se fait rare parce que la productivité augmente, comment peut-on encore penser qu’on va créer des emplois pour les jeunes en faisant travailler plus longtemps les “seniors” ?
Rustines
Pleins d’imagination, nos journalistes ont farfouillé dans leurs archives pour trouver des solutions. Ainsi ceux de La Croix (25/12/2011) viennent-ils de redécouvrir la flexibilité du travail : « Alors que le chômage s’installe à un haut niveau, gouvernement et partenaires sociaux réfléchissent aux moyens d’adapter la durée du travail à la conjoncture. Il s’agit à la fois de développer le chômage partiel et de promouvoir des accords réduisant le temps de travail en échange de garanties sur l’emploi. Alors que l’UMP prône, dans son projet, la fin des 35 heures, et que l’opposition réclame toujours l’abrogation de la défiscalisation des heures supplémentaires, le débat se présente cette fois sous un jour différent. Le gouvernement a en effet convenu qu’il fallait doper le chômage partiel, comme le demandent les syndicats. Avec 275.000 salariés concernés (contre 1,53 million en Allemagne), il reste sous-utilisé en France. [Pas étonnant, puisque l’Allemagne consacre à cette mesure dix fois plus d’argent que la France]. Créé en 1968, le chômage partiel permet à une entreprise en difficulté de réduire de façon exceptionnelle la durée du travail en deçà de la durée légale, et de recevoir de l’État une “allocation spécifique” pour compenser la perte de salaire. Le salarié touche alors 60 % de sa rémunération brute. Un deuxième dispositif permet à l’employeur d’abonder cette rémunération grâce à une “allocation conventionnelle”. Enfin, en 2009, pour faire face à la crise, un troisième dispositif, cofinancé par l’État et l’Unédic, a été créé, permettant de porter la rémunération à 75 % du brut. Mais la complication est telle que certaines entreprises, les PME notamment, préfèrent licencier plutôt que d’y avoir recours, il faudrait donc simplifier les choses ».
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas en réduisant les salaires qu’on relancera la consommation… et donc l’emploi, comme le croient encore ceux qui lient croissance et emploi. Les 35 heures ce n’était peut être pas une mauvaise idée !
Il faudra pourtant aller encore plus loin pour offrir un “vrai travail” à tous ceux qui le souhaitent. Mais pour cela, il faut sortir du régime capitaliste.