Un long fleuve, pas tranquille


Publication : janvier 2012
Mise en ligne : 10 mars 2012

« Mais les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux », chantait Brassens. Il faut donc rassurer ces “braves gens” qui peuvent être de bons électeurs. Alors on envoie les CRS pour faire régner “l’ordre” et les paisibles indignés en font partout les frais, à Marseille comme à Paris, New York ou Madrid …

Bien que leurs actions restent toujours pacifiques, la vie des indignés, qu’ils soient Aixois, Marseillais, Parisiens, Espagnols ou encore Américains, ne s’écoule pourtant pas comme un long fleuve tranquille.

À Aix, ils ont entrepris d’organiser (voir l’article précédent) une cuisine solidaire autogérée, qui a connu un franc succès. Tous les mercredis soirs, on peut s’indigner en mangeant avec eux et tous ceux qui veulent se joindre à eux. On y rencontre des personnes avec qui on ne parlerait peut-être jamais. Par exemple avec une chanteuse de rue, Christiane, qui revendique le nom de marquise des Fauchés et qui fait des économies pour acheter l’orgue de Barbarie de ses rêves. Avec elle, poussons la chansonnette... d’amour de préférence !

Pour les indignés, cette cuisine symbolise leur désir de construire un monde pour tous : « Une cuisine solidaire pour son prix libre, solidaire par sa semoule de Palestine, solidaire par ses légumes issus d’une agriculture locale respectant les êtres et la terre. Une cuisine pour la Paix, pour manger et se soigner, à l’image du monde de demain, qui permettra à tous nos semblables de manger à leur faim des produits locaux sains et respectant leur santé. Une cuisine qui suscite la rencontre et le lien, point de connexion entre la diversité de nos engagements ».

C’est dans cette ambiance festive et bon enfant que les Indignés ont servi certains mercredis jusqu’à 120 repas, de délicieux couscous, de savoureuses lentilles corail ou encore de bonnes soupes de légumes.

Et pourtant, ce sont ces activités “éminemment subversives”, que les forces, dites de “l’ordre”, ont réprimées avec brutalité le samedi 10 décembre, journée mondiale des Indignés et des Droits de l’Homme.

Le lendemain, dimanche 11, le compte rendu pubié par Médiapart est particulièrement édifiant : Le Samedi 10 décembre après avoir participé au Cercle de Silence et tenu leur Assemblée devant la Cathédrale, les indignés Aixois ont voulu être solidaires et soutenir les indignés Marseillais qui avaient décidé d’installer leur campement le soir au cours Julien. Cette fois c’était les Marseillais qui avaient fait la cuisine. Le repas était bon, festif, musique et percussions étaient au rendez-vous.

Les indignés étaient alors environ 200. Ils étaient encerclés par des forces de l’ordre déployées en nombre. Et brusquement, la soirée a tourné au cauchemar : ils font l’objet de deux premières charges, la seconde, particulièrement violente, destinée à déloger le campement établi à la hâte. Un de leurs amis marseillais, d’un certain âge, est traîné sauvagement sur les cailloux. Trois indignés aixois, plus jeunes heureusement, subissent le même sort. Une indignée aixoise en pleurs et en rage nous téléphone : « Tout était calme, nous ne faisions rien que d’être bien ensemble, et ils nous tapent dessus. J’essaie avec d’autres d’évacuer la cuisine, sinon ils vont tout embarquer. Les Droits de l’Homme sont bafoués. Ce sont des comportements fascistes ».

Plus tard, vers 23h30 dans la soirée du samedi, une troisième charge vise à disperser à coups de matraques et de gaz la centaine de personnes encore présentes.

Les Indignés refoulés et dispersés le samedi soir décident de se retrouver le lendemain au Cours Julien, lieu symbolique des Assemblées Populaires Marseillaises. Les Marseillais racontent dans leur communiqué : « En fin de matinée déjà, les accès au Cours Julien étaient bloqués par les forces de l’ordre, qui tantôt interdisaient à toute personne d’y accéder, tantôt filtraient au faciès ... Dans un premier temps, l’Assemblée Populaire s’est installée près de la station de métro Notre-Dame du Mont, puis a décidé de devenir nomade et s’est déplacée en haut de la Canebière, aux Mobiles. Les CRS n’ont pas tardé à y rejoindre les Indignés, les ont chargés sans sommation et ont procédé à l’arrestation de huit d’entre eux (dont un Aixois), apparemment “repérés” au préalable. Tout cela devant un public marseillais stupéfait et sous le choc. Les Indignés arrêtés ont été placés dans trois commissariats différents. Un rassemblement d’une centaine de personnes réclamant leur libération s’est tenu devant le commissariat de Noailles. Les Indignés ont également reçu le soutien actif d’associations comme la Ligue des droits de l’homme (LDH), le Mouvement contre le racisme et l’antisémitisme (MRAP) et de radios locales engagées (telle radio Grenouille), ainsi que de médias venus filmer.

Finalement le préfet est intervenu pour faire annuler les gardes à vue et a manifesté son désaccord face aux bavures des CRS nationaux. Au lendemain de sa sortie, l’un des “arrêtés” disait : « ça nous a fait un bon coup de pub… Cent personnes, c’était inespéré. On m’a appelé de toute la France... » !


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