« La crainte d’une baisse de la croissance fait
chuter le dollar » (Le Monde, 23 mars). « Panique à
Silicon Valley » (Nouvel Obs., 29 mars). La presse est remplie
de titres et d’articles qui confirment notre analyse (AMERICA, AMERICA
- Grande Relève de janvier). Tant mieux. On aurait pu croire
que la croissance du dernier trimestre 1984 nous donnait tort. En effet,
après une chute régulière et marquante (de 10,1
au 1er trimestre 84, à 1,9 au 3ème trimestre, en passant
par 7,1 au second), les experts s’attendaient à une croissance
de quelque 2% au 4ème trimestre : or, elle fut de 4,3 %.
L’optimisme revenait et, les prévisions pour 1985 se situant
aux environs de 4 % en rythme annuel. Las, les résultats du premier
trimestre 1985 donnent 1,3 % seulement. Rappelons que ces « résultats
» sont obtenus avec un budget militaire qui représente
8,5 % du PNB contre 5,2 sous Carter. L’Europe, dont les crédits
militaires absorbent environ 4 % du PNB, n’est donc pas, en période
de crise capitaliste, avec ses 2 à 3 % de croissance, aussi ridicule
que nos Américanophile forcenés voudraient le faire croire.
Autre confirmation importante : nous évoquions un déficit
possible de 120 milliards de dollars pour le commerce extérieur
; le chiffre, maintenant connu, se révèle même supérieur.
Quant au déficit budgétaire, toujours énorme -
voisin des 200 milliards de dollars - calculé avec des rentrées
fiscales basées sur une croissance relativement forte, il risque
fort de s’aggraver : moins de croissance = moins de profits = moins d’impôts.(1)
« Vous n’avez encore rien vu... La reprise économique sera
pour tout le monde » clamait Reagan le soir de sa triomphale réélection.
La situation des USA - comme celle de tous les pays capitalistes - ne
peut surprendre les distributistes, même si nous savons bien que
le capitalisme à son stade actuel - l’impérialisme des
multinationales - n’a pas dit son dernier mot et n’est pas à
l’agonie. Il est malade, mais il ne craint pas les médecines
de cheval... qu’il fait absorber aux autres pour sa survie : licenciements
massifs, course effrénée aux armements, guerres locales
(on a appris que ces guerres, depuis la fin de la seconde guerre mondiale,
avaient fait plus de 20 millions de morts : ça représente
une certaine quantité de balles, obus, bombes, chars, avions,
etc... et, parallèlement, en ce qui concerne l’Amérique
de Reagan notamment, une réduction drastique des crédits
civils).
En un mot, la fameuse « crise », qui dure depuis plus de
10 ans, qui n’est pas explosive comme celle des années 30 parce
que mieux balisée, est insoluble par l’économie de marché.
Nous le savions, mais la « reprise américaine » depuis
2 ans, chantée par toute la presse de droite - et souvent de
gauche - pouvait contrarier la force de notre argumentation face à
certains interlocuteurs de bonne foi. Aujourd’hui, notre démonstration
est renforcée. Et la montée du dollar, dont on voulait
nous faire croire qu’elle était le reflet de la bonne santé
de l’économie américaine, s’est enfin ressentie des artifices
qui en étaient la cause, en premier lieu le déficit budgétaire.
La différence essentielle avec la crise des années 30
est parfaitement illustrée dans la B.D. que la Grande Relève
vient d’éditer en supplément, B.D. que nous vous recommandons
vivement, en passant, de vous procurer pour la distribuer massivement
; page 3, un graphique porte la légende : « on aboutit
à ce phénomène propre au 20ème siècle :
le chômage augmente en même temps que la production ».
C’est de plus en plus vrai au fur et à mesure que se développent
les technologies, notamment la robotique. Cela est vrai en France comme
ailleurs 300.000 chômeurs de plus en 1984, avec une croissance
de 2 %. On parle, après l’exercice catastrophique de 1984 chez
Renault, d’un « dégraissage » de 50.000 personnes,
SANS DIMINUTION DE LA PRODUCTION.
Une autre baudruche du Paradis Américain est en train de se dégonfler :
le miracle, la relève, le salut, l’Eden de la fin du 20ème
siècle, bref, la Silicon Valley. Le Nouvel Obs. écrit
« Rien ne va plus dans les laboratoires de l’an 2000 : les industries
du futur déposent aujourd’hui leur bilan. Et quand la Californie
éternue... ». Au point qu’au lieu de pointer au chômage
- curieux paradoxe, juste retour des choses ? - 9 informaticiens de haut
niveau ont préféré aller travailler... au Nicaragua
! Tandis que les adolescents, par contre, se suicident.
Il serait fastidieux de citer les firmes qui débauchent, vendent,
ferment leurs portes ou perdent de l’argent. Retenons là encore
simplement qu’il faut se méfier des paradis capitalistes : reprise
de l’économie ou industries miracles de l’avenir.
De plus en plus vont s’imposer, même pour ceux qui ne connaissent
pas les thèses de l’Economie Distributive, des solutions qui
s’en rapprochent involontairement, sous la pression des faits : relisez,
dans la G.R. d’avril, page 11, l’extrait de « La Croix »
du 10 janvier.
C’est donc bien le moment d’agir, même si la tâche est immense
et si, parfois, l’incohérence, aussi bien des dirigeants que
de nos interlocuteurs nous désespère. Mais ne nous y trompons
pas : les « ressources » du « capitalisme en crise
» sont énormes, jusque et y compris, au bout du surarmement,
la guerre, comme en 14, comme en 39, comme chaque année ici ou
là dans le monde, depuis 1945. Une simple constatation : quel
serait le résultat de notre commerce extérieur - sans
compter les chômeurs supplémentaires - sans nos ventes
d’armes à l’IRAK ? Et nous avons, en notre douce France, un régime,
paraît-il, socialiste !
(1) On envisage maintenant, pour 1985, un déficit budgétaire de 230 milliards de dollars, contre 60 sous Carter (Le Monde du 26 avril)