Intoxication...

Éditorial
par  J.-P. MON
Publication : novembre 2002
Mise en ligne : 2 décembre 2006

À quelques très rares exceptions près, depuis l’arrivée de la droite au pouvoir, les médias intensifient leurs attaques contre le secteur public. Quelques échantillons :

À la radio publique

Le 6 octobre, l’émission fort intéressante de France Culture, L’esprit public (le dimanche à 11 heures), présentée par Philippe Meyer, avec la participation de Max Gallo, Eric Israelewitz, Jean-Claude Casanova, et Alberto Toscano était presque entièrement consacrée à la manifestation des employés d’EDF, GDF, Air France pour la défense du service public. D’entrée, le ton est donné par le chroniqueur Italien : le service public à la française est quelque chose d’incompréhensible pour un Européen. En Italie, précise-t-il, les services publics ont mauvaise réputation ! Le fait qu’il n’en soit pas encore de même en France semble l’étonner.

Dans le cours de la discussion, on entend :
 que les syndicats ont réussi le tour de force de faire passer la défense de leurs acquis sociaux (la sécurité de l’emploi, les retraites, le 1% pour le comité d’entreprise à EDF-GDF, exorbitants, n’est-ce pas ?…) pour la défense du service public ;
 que c’est toujours le contribuable qui fait les frais de la mauvaise gestion du secteur public (voir Crédit lyonnais et maintenant France Télécom avec 75 milliards d’euros de dettes) ; la concurrence, il n’y a que ça pour faire baisser les prix…
 que la bonne solution c’est la privatisation totale car l’État ne sait pas gérer l’économie (argument imparable : il n’y a qu’à voir ce qui se passait en Union soviétique… )

Dire qu’il y eut débat entre les divers intervenants serait exagéré : on ne put noter que quelques nuances dans leurs commentaires. Inutile de dire que ça m’a donné quelques boutons.

Dans la presse

Le temps passant, les démangeaisons commençaient à se calmer lorsque je suis tombé sur l’éditorial de Denis Jeambar dans l’Express du 17 octobre, intitulé 2002 ou 1789 ?. Ce fut immédiatement la rechute. « Il n’est, sans doute, pire ennemi de l’État que l’État lui-même, écrit-il. Ses serviteurs (fonctionnaires et gouvernants) devraient y prendre garde : ils encouragent des injustices cachées et des fractures encore souterraines qui attentent de plus en plus à la cohésion nationale […] La France de 2002 n’est plus faite d’un seul peuple. Deux continents d’hommes et de femmes – le secteur public et le secteur privé – y dérivent et risquent de se fracasser l’un contre l’autre… » Et tout cela à cause de la faiblesse de l’État-patron [1] qui, hier comme aujourd’hui, a laissé s’installer de très lourdes inégalités entre secteurs public et privé. « La fonction publique est devenue une aristocratie qui siphonne financièrement le secteur concurrentiel, l’épuise physiquement et refuse de se réformer ». Et la litanie reprend : « Les fonctionnaires et les salariés du secteur public cotisent 37,5 années et versent 7,85% de leur salaire brut pour leur retraite. Les cotisations dans le privé durent 40 ans et le prélèvement est supérieur à 10% ». Suit un couplet sur les âges de départ à la retraite et la durée hebdomadaire du travail dans le secteur public et le secteur privé ainsi que le montant des retraites dans les deux secteurs. Il s’agit, bien entendu de moyennes, que je ne contest


[1Parmi les dirigeants politiques de droite ou de gauche qui se sont succédés durant ces années, seul Alain Juppé trouve grâce auprès de Denis Jeambar. C’est tout dire !