Bons citoyens et candidat intègre,
De quelques années aîné de l’actuel Président, et assez heureux de n’avoir tué personne pour libérer la France en 1944, je souffre depuis 1966 au spectacle politicien, et très médiatisé, de l’émule de VGE, son instructeur es économie (et es camouflage de pouvoir bancaire familial).
Merci pour le programme présidentiel, incantatoire, bien écrit, bien vendeur. Mais on vous attend aux troisième et quatrième tours ! L’ignorance constante (voire même la répugnance) gaullienne des réalités marchandes vous a servi au fil des décennies. Mais vous voici au pied du mur, celui des fédérés… par la misère mentale, citoyenne, et surtout sociale. Votre Premier ministre va devoir tenir, et convaincre.
Mais la pièce maîtresse de votre gouvernement, c’est le Ministre de l’économie et des finances [1], parce qu’il va devoir tout réformer.
Car s’il est une chose que, dans une démocratie véritable, on ne doit pas privatiser, c’est le crédit national. Il est national par définition, par essence. Les Français vont finir par comprendre ce que disent depuis une quinzaine d’années quelques économistes sérieux, tels que S-C Kolm, J-P Fitoussi et jusqu’à J.Stiglitz [2], et que René Passet a bien résumé dans L’illusion néolibérale [3]. Les exemples de l’Angleterre (avec ses classes de la fortune) et des États-Unis (avec l’aveuglement de leurs affairistes) sont sur ce point révélateurs : nous aurions évité l’impasse actuelle si les partis français avaient osé discuter ce problème avant Maastricht et négocié l’institution de la Banque centrale européeenne afin qu’elle soit acceptable. Au lieu d’en faire ce petit cabinet noir, façon Banque suisse, pour cette Europe, maintenant giscardienne.
J’espère que les européens qui sont encore hors de l’euro vont modérer leur enthousiasme pour cette construction tête-en-bas et qui menace de s’écraser sous le poids des misères sociales. Car le seul moyen de contôler le crédit va être, pour chaque pays d’Europe, de règler maintenant le problème financier. Déléguer cette mission à quelques banquiers, planqués à Francfort, c’est votre dernière soumission, inqualifiable, à la puissance incontrôlable qu’est la secte du profit prédateur.
Alors, assez de discours, il faut réformer vraiment nos sociétés européennes, ce que ni Mitterrand ni vous-même n’avez seulement ébauché. On peut s’arranger de privatisations, un peu partout techniques, mais il y a un seul sanctuaire inviolable, dans chaque nation, pays, état, c’est son crédit national. Et il est confié aux banques ! Comment voulez-vous que les prévisionnistes-cambistes de Francfort puissent jouer l’articulation nécessaire entre les banques nationales européennes ?
La reprise en main par le gouvernement du crédit national aurait une première conséquence : elle ferait que vos promesses de solidarité sociale deviendraient enfin réalisables. Moyennant la stagnation des revenus pour les gens qui gagnent plus de, disons par exemple, 2.000 euros par mois, et quelques “sacrifices” pour ceux qui encaissent plus de 5.000 euros mensuels… Alors, de grâce, essayez de moins bavarder sur la “nécessaire croissance” : celle-ci recouvre systématiquement l’enrichissement commercial et ne vise ni la vraie solidarité, ni la coopération (le bilan post-colonial est pourri depuis Pompidou et il a été bien mal relevé dans le dernier septennat !).
Je vote pour vous, forcément, en ce second tour des Présidentielles, mais en détestant ces petits incapables qui nous menacent et dont vous avez trop fait partie dans le passé.
Votre involontaire électeur,