Primauté du politique ?

Réflexion
par  P. BELLANGER
Mise en ligne : 31 décembre 2007

Qui a le pouvoir, aujourd’hui ? Le politique, l’économie ou la finance ?

Tous les hommes ou femmes politiques parlent et font des programmes comme si ils ou elles avaient le pouvoir ! Mais l’ont-ils vraiment ? Ou bien l’affirment-ils, pour éviter de reconnaître qu’ils ne l’ont plus ? Il est vrai que le reconnaître, c’est perdre toute audience auprès des électeurs. Alors, mieux vaut faire semblant de l’avoir. Ce que nous constatons, c’est que l’économie de marché impose sa loi brutale, et les hommes politiques n’ont aucune prise sur elle, soit pour en tempérer les excès, soit pour proposer d’autres pistes. Par ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent pour nous prévenir que notre monde va vers une destruction de l’environnement qui entraînera la disparition de l’humanité.

Pourtant, cette primauté du politique, c’est la valeur première de l’UDF et du PS. Une lettre de Bayrou me l’assure, et Jospin nous l’écrit dans son livre de 2005, “Le monde comme je le vois”.

Effectivement, nous l’avons conquise, cette primauté. En 1789, dans la nuit du 4 Août, lorsque le Roi a abdiqué son pouvoir politique. Nos pères avaient réussi à dissocier le pouvoir politique du pouvoir économique que représentait la possession de la terre à cette époque. La bourgeoisie et le peuple s’étaient associés pour y parvenir. Puis la bourgeoisie est devenue la puissance économique, et à son tour, elle a toujours essayé de dominer le pouvoir politique, de s’approprier la primauté acquise de haute lutte, au besoin, en achetant les hommes politiques. Tant bien que mal, la primauté du politique s’était maintenue juridiquement, et c’est ce qui a permis, lors du krach financier de 1929, d’amender le système économique vers plus d’humanité ; bref, de commencer à le civiliser. Ce qui nous a valu le mode de vie occidental, ces fameux acquis sociaux que nous voyons disparaître aujourd’hui.

Nous avons eu la malchance qu’en 1929, l’un des nôtres, l’Allemagne, ait été entraîné par un mégalo nommé Hitler. « Moi, je vais vous sortir de ce krach ; vous êtes la race la plus pure, vous devez dominer le monde ». Ainsi dopé, et avec l’aide du financier Krupp, Hitler a entraîné le monde dans une folie meurtrière, faisant des émules en Italie et au Japon. Cette folie a fait 50 millions de morts, et s’est terminée grâce à l’intervention d’une autre nation, dopée par une autre doctrine : « Nous avons le système économique le plus performant du monde, nous devons l’imposer au monde ». Commencée en 1942, cette seconde folie doctrinaire partait à la conquête du monde, tout en le libérant. L’étude de l’après-guerre fait apparaître la marche inexorable de cette nouvelle idéologie, particulièrement, au travers de la construction européenne. Puis, cette soif de conquête s’est dopée en 1956 d’une doctrine économique foudroyante, le monétarisme, labellisée sous le nom de “pensée unique”. Une puissante orchestration de cette conquête, nous dirions, en termes modernes, un parfait management, fait que l’Europe a été entraînée totalement dans cette aventure, puis le reste du monde. Nous avons perdu notre culture de la primauté du politique. Avec Jacques Delors, en 1993, nous avons voté la restauration de la féodalité en retirant au politique tout pouvoir de contrôle sur l’économie et la finance…

La communication tous azimuts, engendrée par les progrès technologiques de la guerre, conduisit naturellement à la mondialisation ; il n’était nullement obligatoire de détruire cette avancée humaine (la civilisation du système économique) pour entrer dans la mondialisation. La récession vers un système économique plus sauvage n’était nullement impérative. Elle est l’expression d’une nouvelle dictature doctrinale, dont nous ne nous sommes pas méfiés. Nous avions pourtant inventé la Déclaration des Droits de l’Homme en 1789, et elle est toujours la référence. Hélas, cette Déclaration ne concernait que l’individu. L’Homme-vivant-en-société a été oublié. Aujourd’hui la vie en société est tellement complexe que nous devons d’urgence inventer, dans le même esprit que la Déclaration, une Charte de la vie sociétale, qui définirait l’éthique pour la hiérarchie entre les trois piliers de cette vie sociétale, le politique, l’économie et la finance :

• le politique doit retrouver sa primauté et garder sous sa gouverne les services publics de base ;

• l’économie, qui régit le reste de la production des biens et des services dont nous avons besoin quotidiennement pour vivre, doit conserver une part de liberté pour être dynamique, sans pour autant échapper à un contrôle du politique, soit pour en limiter les excès, soit pour susciter de nouvelles pistes ;

• la finance ne doit être qu’un outil de fonctionnement du politique et de l’économie, mais jamais une valeur en soi, et encore moins, avoir la primauté du pouvoir.

Le fait d’avoir pu amender le système économique en 1929 nous confirme dans la possibilité humaine de reprendre ce même chemin : civiliser la vie sociétale. La descente aux enfers que nous vivons depuis Maastricht ne peut cesser qu’à cette condition. Voilà pourquoi, parallèlement à tous les combats partiels (écologie, tribunaux internationaux), il faut entamer cette reconquête de la primauté du politique. De plus, ce serait un outil formidable d’éducation populaire en matière de vie sociétale.

Actuellement, tout est fait pour que personne ne sache qu’il existe un système économique qui a les pleins pouvoirs, de sorte qu’il ne viendra à l’idée de personne de l’amender, puisqu’il n’existe pas dans leur tête. Ainsi donc, on nous fait croire que c’est un état de fait intangible, que les hommes n’y peuvent rien ! C’est parce que nous l’avions commencé après le krach de 1929 que l’on peut s’autoriser à y croire.

Nous avons deux combats à livrer en même temps : le court terme, qui concerne la prise de conscience de toutes sortes d’améliorations à obtenir, et le long terme, la reconquête de la primauté du politique, qui donnera une organisation de vie en société plus civilisée, c’est à dire plus humaine.


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