Qui est responsable : le système ou la nature humaine ?


par  A. PRIME
Publication : mai 1989
Mise en ligne : 14 mai 2009

Début avril, aux informations sur TF1, on pouvait entendre :

 » L’Unicef lance un appel pour l’enfance en péril : aux Indes, 45 millions d’enfants de 14/15 ans, voire moins, travaillent 14 à 16 heures par jour ; dans le monde, 40.000 enfants meurent chaque jour de malnutrition.

 » Dans la cadre du scandale boursier de la société Recruit, au Japon, où trois ministres ont déjà où démissionner pour corruption, et où dix patrons sont en prison, le Premier ministre est à son tour éclaboussé et l’opposition réclame sa démission.

 » En Afrique du sud, un jeune homme blanc qui refusait de faire son service militaire pour montrer sa désapprobation de l’Apartheid et
des méthodes policières brutales à l’encontre des noirs, est condamné à 6 ans de prison ferme.

 » Il est maintenant certain que le capitaine du pétrolier qui transportait le pétrole de l’Alaska et traversait une zone dangereuse était ivre et reposait dans sa cabine au moment du drame. En outre, on découvre que par économie. on avait changé le radar de guidage et qu’il ne couvrait plus la totalité du parcours.

Voilà ce qu’on pouvait entendre, entre autres "joyeusetés" en quelque 20 minutes. Toutes ces informations ont un dénominateur commun : le profit, l’argent. Elles dénoncent à l’évidence les beautés du système capitaliste, du libéralisme (mot volé au mot "liberté" pour mieux tromper les gogos) qui consacre l’exploitation de l’homme par l’homme. Cela ne nous surprend pas.

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Mais, de "l’autre côté", ce n’est pas très brillant. Alors, est-ce le système, là aussi, qui est en cause ou la nature humaine ? Quelques exemples au hasard.
Je voyageais récemment en Algérie. Mon jugement ne porte que sur un seul hôtel, car le reste du temps s’est déroulé en nuits à la belle étoile dans le Hoggar-Tassili.

Nous avons été transférés pour une nuit, près de l’aéroport d’Alger, dans un bel hôtel : superbe hall d’accueil, restaurant de classe. Mais les chambres !!! Sur six occupées par le groupe, quatre avaient des toilettes inutilisables : l’eau coulait sans arrêt, sans être retenue dans la chasse ; les douches étaient dans un état similaire, les draps n’avaient pas été changés...

J’ai parlé au directeur de l’hôtel, sans animosité, pour lui signaler ces faits, en insistant sur l’image de marque qu’en retireraient les touristes plutôt que sur les désagréments, pourtant majeurs. Je lui ai fait comprendre que j’aimais l’Algérie, que j’applaudissais à la lutte de libération menée, que c’était mon deuxième voyage et probablement pas le dernier.

Eh bien, le directeur a nié en bloc l’état des lieux que je lui signalais ce ne pouvait être qu’un cas particulier, inhabituel, alors que je lui précisais que nous étions quatre sur six dans ce cas.

Comment, dans ces conditions, peuton espérer que l’information remonte, que les choses changent ; qui, des ministres ou responsables, est au courant de cet état général dont l’exemple de l’hôtel n’est que l’image ? Cherchent-ils à savoir ? Préfèrent-ils pouvoir continuer à claironner que tout va pour le mieux dans les pays socialistes ou socialisants, dans les pays où prédominent l’Etat ou le Parti ; où l’économie est planifiée et où tout le monde est plus ou moins « fonctionnaire » ?

Autre exemple : après plusieurs années déjà de pérestroïka et de glasnost, Gorbatchev tape du poing pour dénoncer « la situation catastrophique  » (sic) de l’agriculture. L’inertie « fonctionnaire » est telle que, si les choses bougent dans la philosophie du nouveau leader, rien de concret n’apparait vraiment : les magasins d’alimentation sont toujours, notamment dans les villes, aussi mal approvisionnés et les queues interminables.

Nous le regrettons doublement, car, que nous reste-t-il à opposer objectivement aux méfaits des pays capitalistes, où, au moins dans les « pays riches » l’abondance et la liberté (fausse à mon avis, mais apparente) semblent aller de pair ?

La glasnost (transparence) ne se résume tout de même pas à ce que j’ai - effaré je l’avoue - lu ou entendu récemment : une danseuse ou actrice russe, je ne sais plus, doit « poser » prochainement dans LUI...

Et aucun des pays socialistes n’émerge véritablement  : Pologne, Roumanie, Yougoslavie, Algérie, Vietnam (celui-ci après avoir montré un courage et une ingéniosité hors du commun en terrassant la plus forte armée du monde). Je ferai une exception -non sans réserve cependant- en ce qui concerne la Chine : éduquer, nourrir, loger une population qui a plus que doublé en trente ans (douze à quinze fois la population de la France en plus), c’est un exploit incontestable.

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Alors qui est responsable : l’homme ou le système  ?
« Le socialisme est mort », s’écriait Philippe Séguin au congrès exceptionnel du RPR. Seul le libéralisme aurait fait ses preuves. Tous les pays capitalistes privatisent depuis l’ère Reagan : Angleterre, France, R.F.A., Japon, Pays-Bas, Danemark, etc...

Le seul appétit du gain, l’espoir de devenir un Bernard Tapie, ou une vedette de la chanson, du foot, du cinéma... pour gagner beaucoup d’argent, est-il le seul mobile capable de donner du punch, de la combativité ? La fonctionnarisation, même au sens noble de l’économie, est-elle un obstacle rédhibitoire à son développement, à la marche vers le progrès et l’abondance ?
Question angoissante au vu du double échec des systèmes capitaliste et socialiste.

Un distributiste ne peut se résigner à une telle vision du monde à l’heure actuelle, même si le soleil qui s’était levé à l’Est en 1917 a bien pâli après avoir brillé pour des générations d’exploités, de laissés pour compte.

Marie-Louise Duboin, dans son livre « Les affranchis de l’an 2000 » décrit une société conviviale, humaniste, dans laquelle s’élaborent de la base au sommet une économie et une société où l’Homme s’épanouit dans l’action pour le bien commun, sans être mû par le profit personnel.

Un rêve, une utopie ? Non. Mais que de chemin à parcourir ! Tout, ou presque, reste à faire.


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Fichiers ePub et PDF du livre Les Affranchis de l’an 2000 de Marie-Louise DUBOIN.