Réfléchissons sans dogmatisme
par
Publication : janvier 1982
Mise en ligne : 22 décembre 2008
Nous publions ci-dessous la lettre de René Thuillier, notre
grand voyageur.
Rentrant du bout du monde, sa réflexion est : ii faut, pour être
suivis, que nous ayions un plan de transition à proposer. Et
cette lettre, justement, est arrivée pendant qu’André
Hunebelle rédigeait l’article qui suit.
Je voudrais donner mon sentiment sur les difficultés que rencontre
notre propagande. On voudra bien m’excuser si je ne dissimule pas le
fond de ma pensée.
En premier lieu, je suis bien d’accord, comme l’a souligné Marcel
Dieudonné, que le Budget Social de la Nation, qui atteint à
présent 43 % du P.N.B., constitue déjà un «
Revenu de consommation » alloué sans contre-partie de travail.
Je doute, toutefois, que ce taux dépasse les 50 %. En tout état
de cause, il ne s’appliquerait encore qu’à des « assistés
». Ce ne serait donc pas une solution au problème social
et économique actuel. Cependant, il pourrait faire comprendre
ce que pourrait être un véritable « Revenu Social
» de base accordé à tout le monde, même dans
une économie de marché.
En fait, beaucoup de personnes sensées en admettent le principe.
mais tout le monde s’interroge sur son financement.
Nous nous trouvons alors en face de cette fameuse question de la création
de monnaie. On le sait, elle est surtout d’origine bancaire. Spéculation
mise à part, elle repose presque uniquement sur le crédit.
L’Economie Distributive propose clé mettre en circulation une
monnaie gagée uniquement sur la production, les prix étant
fixés arbitrairement. Elle s’annulerait, par divers moyens, après
son utilisation.
Mais, pour l’instaurer, ce sont toutes les infrastructures capitalistes
qu’il faudrait non bouleverser, mais remplacer totalement.
Qui ne voit que c’est tout le problème ?
Le remarquable article de M.-L. Duboin dans le numéro 794 (novembre)
démontre bien « qu’il faut tout changer ». Depuis
longtemps nos militants savent que, pour établir une véritable
économie, il est indispensable de créer des structures
entièrement nouvelles. Il faut que le public le sache aussi.
Mais comment ? et par qui ?
En fait, ce que nous proposons, c’est ce que le socialisme et le communisme
s’assignaient comme but ultime de leur action. Ils envisageaient d’y
parvenir soit par une Révolution violente, soit par des réformes
qui y conduiraient par degrés.
Sauf bouleversements imprévisibles, résultant d’une guerre
totale. la Révolution violente est peu souhaitable. Elle n’est
plus prônée, ou acceptée, que par de petites minorités.
- Le Réformisme, alors ?
La « crise » qui dure depuis 10 ans s’accentuera et en aura
raison tôt ou tard ; car la véritable Révolution
de notre temps, c’est la Révolution Mécanicienne, prévue
il y a 50 ans par J. Duboin. Elle amènera les faillites, le chaos
et, en bout de compte, le fascisme... si le capitalisme ne cède
pas.
Mais pour cela, il faudrait ne plus s’appuyer sur l’Economie Marchande
et la civilisation du gain et du travail salarié. Comment demander
au capitalisme qu’il se supprime lui- même ?
Alors ? Comment les structures de l’Economie Distributive s’établiront
elles ?
C’est l’interrogation capitale et cruciale qui nous est posée.
Dire qu’on y parviendra fatale. ment, que c’est dans la nature des choses,
est peut-être une réponse ; niais elle ne peut évidemment
pas suffire à des esprits positifs.
Il faudrait dire par quels moyens elle s’instaurera.
Il reste que pour beaucoup de nos concitoyens, une Economie Distributive
qui doit être fondée sur une disparition totale du capitalisme
constitue actuellement un danger beaucoup plus grand que ce que les
Partis et Syndicats de gauche se fixent sagement pour but.
Ils se trompent... d’accord !... mais c’est, en l’occurrence, le premier
obstacle à notre propagande.