Trop, c’est trop
par
Publication : août 1989
Mise en ligne : 11 mai 2009
Quatre chiffres après la virgule ! C’est maintenant
au dix-millième près qu’on nous serine, à chaque
bulletin d’information, le cours du dollar. Et puis le cours du yen,
le cours de l’once d’or, le cours du lingot, le cours du napoléon,
etc. Si les média, et la pub qui les paie, veulent nous asservir
au culte de l’argent, il y a cependant un ras-lebol qui semble enfin
se manifester, ci et là. Peut-être que les infirmières
au SMIC commencent à se poser des questions, à force d’entendre,
chaque jour, que les actions montent en Bourse... Elles vont peut-être
s’étonner en entendant aujourd’hui qu’une offre d’achat de 135
milliards de Francs vient d’être rendue publique en Angleterre.
Surtout si elles savent que les plus gros achats se font à l’aide
d’argent emprunté (*), et si elles découvrent que le fait
de privilégier le dollar comme monnaie pour les échanges
internationaux permet aux Etats-Unis de vivre aux dépens du reste
du monde : leur dette extérieure dépassait 2.600 milliards
de dollars à la fin de 1988, plus de la moitié de leur
PNB, l’endettement des ménages est encore plus élevé
: 3.000 milliards de dol
lars, celui des sociétés y atteint 4.000 milliards de
dollars. Ces chiffres faramineux vont bien finir par inciter les citoyens
de 1989 à se demander d’où vient ce fric ? Comment est-il
crée ? Pour le profit de qui ?
Si la grande majorité d’entre eux n’a pas encore
pris conscience que les "lois" du marché et les habitudes
financières dites libérales ont édifié un
volcan sur lequel le monde aura bien du mal à survivre, il se
trouve, ô miracle, que ces abus sont enfin dénoncés
par quelques (rares) économistes ou responsables. Peut-être
parce que le Président de la République Française
lui-même a pris des initiatives dans ce sens ?
De sorte que, dans ce numéro que nous avons voulu orienter sur
les questions monétaires, nous n’avons pas eu besoin de répéter
les critiques du système du marché que nous faisons, au
fil de ces colonnes, depuis des décennies : il nous suffit maintenant
de citer - excusez du peu - un Prix Nobel d’économie ou le Gouverneur
de la Banque de France ! C’est ce que fait ci-dessous J-P Mon. Un autre
témoignage d’expert nous est apporté par D. Bloud, analysant
un livre récemment publié par un spécialiste de
la banque.
La dénonciation des vices du système monétaire actuel n’est qu’un premier pas. Il faut en plus, d’une part, proposer un autre système et, d’autre part, envisager les modalités de passage.
Toujours en avance, les distributistes ont depuis longtemps
des propositions cohérentes : sur le plan local, la monnaie distributive
monnaie de consommation, donc non thésaurisable, et gagée
sur la production et les services disponibles, c’est à dire sur
la réalité ; pour les échanges extérieurs,
des contrats de troc, exclusivement telle fourniture contre telle autre,
à telle date, sous l’arbitrage d’un organisme supranational.
Spéculation, création monétaire "ex-nihilo",
commerce de promesses et autre inventions aussi pernicieuses devant
être impossibles et considérées pour ce qu’elles
sont des insanités conférant des pouvoirs injustifiés,
sans lien avec la réalité économique, et qui ont
mené le monde à l’absurde.
La recherche, pour nous, porte sur la transition, car une décision
de cette ampleur ne sera pas prise de si tôt à l’échelle
mondiale, pas plus au sommet des 7 plus riches qu’à celui des
7 plus pauvres, le TOES.
Nous avons déjà présenté plusieurs propositions contribuant à cette recherche. Elles se placent généralement dans le cadre de réformes progressives, avec l’existence provisoire de deux systèmes parallèles, le capitalisme libéral et une amorce de système distributif. Citons les plus récentes que nous avons publiées : le "Plan Hunebelle", les travaux du GRAHP animé par R. Hairy, et la monnaie verte de G. Denizeau. Il faudrait à ces propositions l’appui d’une expérience concrète, récente, et à une échelle suffisamment grande pour être concluante. Une telle expérience est en projet, nous en reparlerons si elle se réalise.
Nous présentons aujourd’hui une proposition qui se rapproche plutôt de celle de la "monnaie-calorie" de G.Ostenbrock. Elle nous vient du Pays de Galles, et, ayant dù la traduire très vite, nous espérons ne pas l’avoir trahie. Il s’agit d’une réforme non pas du système financier en général, mais de tous les impôts, à transformer en une taxe unique, basée sur l’énergie qui est incluse dans ce qui fait l’objet de toute transaction. L’auteur de cette proposition, Farel Bradbury, aimerait la faire accepter au niveau européen et nous a demandé si les distributistes étaient prêts à la défendre. A eux de répondre.
(*) par exemple, l’achat de Nabisco par Kohlberg et Cie, pour 25 milliards de dollars, a coûté (et donc rapporté aux banques prêteuses) 700 millions de dollars d’intérêts.