Une mission essentielle
par
Publication : mai 2003
Mise en ligne : 7 janvier 2006
Rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, l’écrivain suisse Jean Ziegler s’est illustré par divers essais de sociologie consacrés à l’Afrique avant de s’en prendre à l’oligarchie bancaire de son pays favorisant l’exploitation du tiers monde dans Une Suisse au-dessus de tout soupçon [1] qui le fit maudire par le pouvoir et par d’innombrables compatriotes. Oser dénoncer les méfaits criminels du secret bancaire, c’était prêter le flanc aux pires représailles. Après Main basse sur l’Afrique et Retournez les fusils (manuel de sociologie d’opposition), Ziegler récidivera avec La Suisse lave plus blanc en 1990 et d’autres pamphlets attaquant la politique du profit helvétique.
Parmi les quinze titres publiés, retenons encore La Suisse, l’or et les morts, Les nouvelles mafias contre la démocratie, ou Les seigneurs du crime et La faim dans le monde expliquée à mon fils.
Or, voici Les nouveaux maîtres du monde [2]. Personne n’avait jamais aussi clairement ni aussi complètement exposé et expliqué l’histoire de la mondialisation qui est aussi celle de l’exploitation de l’homme, donc des diverses formes de l’esclavage. Nous voyons à travers d’innombrables exemples comment s’est édifiée la globalisation des marchés financiers tandis que s’élaborait une idéologie des maîtres imposée à leurs sujets. Vient ensuite l’inventaire des méfaits du capitalisme favorisant l’action multiple des prédateurs accumulant « l’argent du sang ». Se référant souvent à Jürgen Habermas, Ziegler décrit les méfaits de la privatisation entraînant la mort de l’État, la dévastation de la nature et la dégradation des hommes, sans parler du règne de la corruption, tout cela au service de la machine de guerre qu’est l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Chemin faisant, Banque mondiale et FMI sont copieusement stigmatisés, toujours à l’aide d’exemples concrets.
Au terme de cette exploration du désastre capitaliste, Jean Ziegler évoque l’espoir d’une « nouvelle société civile planétaire » engendrée par l’action de « fronts de résistance » tels que les syndicats, les mouvements paysans ou féministes, les traditions des peuples autochtones, les partis écologiques et surtout les ONG.
À courir aussi vite, on caricature la pensée de Ziegler qui, lui, s’applique à montrer longuement comment les divers fronts de résistance pourraient lutter pour instaurer un monde équitable.
J’ai fait découvrir à Jean Ziegler l’existence du distributisme, capable de supprimer la misère dans l’abondance et lui en ai exposé les thèses. Il m’a aussitôt répondu que « ces idées novatrices donnent de l’espérance » et que nous avons là « une mission essentielle ».