Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Publication : février 2019
Mise en ligne : 25 mai 2019

 Intox ou miracle ?

Selon les chiffres publiés par l’INSEE le 14 février dernier, le taux de chômage en France serait tombé à 8,8% de la population active au quatrième trimestre 2018, soit une chute de 0,3 points par rapport à l’an dernier. Si ces chiffres sont exacts, il aura fallu dix ans pour retrouver le niveau d’avant la crise financière de 2008.

La courbe du chômage serait donc en train de s’inverser. Comparé à la moyenne des autres pays de la zone euro, cela n’a rien d’un exploit. (Si l’on entre dans les détails, on constate que le taux d’emploi des 15-24 ans a battu un record : il a baissé de 6 points par rapport au pic de 2016). Il faut aussi tenir compte de l’état économique de nos principaux partenaires commerciaux (l’Italie est déjà en récession, l’Allemagne n’en est plus très loin et on ne sait pas ce que nous réserve le Brexit…). Il faut cependant rester prudent et ne pas oublier que des années de chômage ont causé des dégâts sociaux difficiles à réparer.

 La misère persiste en France

L’Observatoire des Inégalités du 28 décembre 2018 fait le point sur la misère qui persiste en France. Dans ce pays qui est l’un des pays les plus riches du monde, plusieurs centaines de milliers de personnes connaissent non pas des difficultés de fin de mois, mais un manque d’argent permanent. Elles vivent avec 600 ou 700 euros par mois, parfois bien moins, et doivent se contenter du strict minimum.

Pour tenter de mesurer l’ampleur du phénomène, l’Observateur des Inégalités a choisi quatre indicateurs :

1. le nombre de personnes dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté (à 40 % du niveau de vie médian)  : 2,1 millions  ;

2. celui des allocataires de minima sociaux  : 6 millions  ;

3. les bénéficiaires de l’aide alimentaire : environ 5 millions  ;

4. et des mal-logés  : 2.425.000, dont 15.000 vivent dans des campements illicites (nouveau nom des bidonvilles).

Il faut toutefois noter que la France protège mieux les plus pauvres que d’autres pays, que la Grande Bretagne, par exemple.

 Où en est l’Europe  ?

Au cours des quatre dernières années, 12 millions de personnes, en Europe, ont trouvé un emploi. Il n’y a jamais eu autant de personnes ayant un emploi, c’est plus que la population totale de la Belgique ou de la Grèce  ! 

Ça semble une bonne nouvelle. Mais qu’est-ce que ça veut dire pour les pauvres d’Europe  ? — Selon les derniers décomptes [1], il y aurait quelque 119 millions de personnes (soit 23,7% de la population européenne) en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Les dirigeants européens se sont fixé pour objectif « de sortir (par rapport à 2008) 20 millions de personnes du risque de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2020 ».

Ce but est hors de portée.

La grande récession de 2008 a peut-être été une bonne excuse pour mettre ce projet en veilleuse. Mais qu’en est-il maintenant  ? — Tous les emplois qui sont créés aujourd’hui devaient apporter une amélioration au sort des Européens pauvres. Mais le feront-ils ? Hélas, l’idée que « le travail est la meilleure protection contre la pauvreté » est un slogan fort répandu dans les couloirs des milieux politiques à Bruxelles et dans les pays de l’Union européenne, mais c’est une profession de foi et non pas un fait.

Il y a, bien sûr, un appel, compréhensible et intuitif, à l’idée que la croissance de l’emploi réduit la pauvreté, que les personnes qui ont un emploi risquent beaucoup moins de vivre dans la pauvreté que celles qui n’en ont pas, et donc que s’il y a plus d’emplois et que les pauvres les prennent, la pauvreté disparaîtra. Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples. Dans le passé, la croissance de l‘emploi n’a jamais conduit à la réduction espérée de la pauvreté [2] et il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment aujourd’hui. Rappelons-nous qu’avant la grande récession la croissance du nombre d’emplois était forte dans toute l’Union Européenne et que, cependant, la diminution de la pauvreté n’a été notable que dans bien peu de pays. Dans certains, elle a même augmenté.

Avoir un travail ne suffit pas. Beaucoup de pauvres vivent dans des logements où aucun adulte n’a de travail et où il peut y avoir des enfants  ; dans le passé, la croissance de l’emploi n’y a fait qu’élever un peu le niveau de vie autour de la moyenne, mais sans effet sur les revenus les plus faibles. Obtenir un emploi n’est pas suffisant pour qu’un ménage échappe à la pauvreté.

L’enquête conclut : le passé nous a appris que ce ne sont pas les pauvre qui profitent des marchés flamboyants. Il est maintenant très évident qu’on va trouver des “travailleurs pauvres” en grand nombre dans tous les pays européens. Réduire la pauvreté est un but sérieux, il n’y a pas de place pour la complaisance et aucune excuse pour l’inaction. Il est temps de rappeler aux hommes politiques la promesse qu’ils ont faite de supprimer la pauvreté.


[12020 indicators - poverty and social exclusion, Eurostat.

[2Bea Cantillon and Frank Vandenbroucke, ed. Reconciling Work and Poverty Reduction. (How Successful are European Welfare States ?), Oxford University press, 2014.


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